Chapitre 10

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Je pleurai dans les bras de mon père retrouvé. Il me tenait chaud et malgré son odeur répugnante, je continuai de l’enlacer. Je priai pour que ce moment dure le plus longtemps possible. Je n’y croyais pas, j’avais retrouvé mon père !

Il me regarda, les larmes aux yeux.

— Je t’aime fiston. Jamais je n’aurais cru pouvoir te voir. J’ai disparu juste avant que tu ne viennes au monde. Ta mère va bien ?

Je ne savais pas comment lui dire que les femmes n’existaient plus sur Terre. Je ne voulais pas nuire à son regard interrogateur plutôt joyeux dans un monde de brute.

— Papa, je ne sais pas trop comment te dire ça, mais maman n’est plus de ce monde comme toutes les femmes en général. Elle est morte juste après m’avoir mis au monde m’a-t-on dit.

Il était outré de ce que je venais de lui avouer. Je vis ses veines ressortir lorsque ses muscles se contractèrent.

— Hein ! Comment ça ?

— Une maladie contagieuse au niveau des ovaires s’est propagée très rapidement sur le monde entier causant la mort de toutes les femmes. Maintenant, chaque enfant né est issu des voies scientifiques… Désolé, papa.

Mon père pleurait sans effectuer le moindre son. Il laissait les larmes rouler sur ses joues en s’asseyant sur un petit fauteuil de bois orné d’une couverture de survie.

— Ce n’est pas possible…, marmonna-t-il, presque en soufflant.

Je voulus m’approcher pour le consoler, mais il bondit de sa place avec un regard meurtrier en direction de la porte. Ses larmes arrêtèrent de couler. Il explosa :

— C’est à cause de ces enfoirés, j’en suis sûr !

— De quoi tu parles ? demandai-je doucement en essayant de le calmer.

— Tu vois le laboratoire dont je t’ai parlé ?

— Oui, et ?

— Ils n’ont pas créé les Luminas au hasard. C’était un test. Les créatures sur cette île également. La maladie des femmes doit aussi être de leur ressort. Je pense que nous sommes des cobayes à grande échelle sur lesquelles ils testent leurs produits et expérimentations !

J’admirai mon père avec consternation. Je ne savais pas si je devais le croire. C’était si insensé et inimaginable, mais tout collait. Absolument tout. Alors, après quelques secondes de réflexions intenses, j’annonçai :

— C’est complètement loufoque, mais je te crois. Je ne sais pas pourquoi ils feraient ça, mais tout se tient. Quel est ton plan ?

— On va déjà commencer par retrouver tes amis. À plusieurs, nous serons plus fort. Il est temps que tout cela cesse !

Nous sortîmes tous deux de la cabane, nos visages tournés vers la mer présente de l’autre côté des arbres. La nuit menaçante ne m’effrayait plus. La vengeance avait sonné. Les frémissements aux alentours ne me faisaient même plus frissonner. On allait se battre et survivre dans un monde modifié par la science. D’abord, il fallait retrouver mes amis.

Nous marchions toujours en direction de l’océan, calme à l’extérieur, mais bouillonnant à l’intérieur. Je n’étais pas rassuré par le silence ambiant. Je scrutai mon père, vieux et barbu, qui réfléchissait à un plan d’évasion. Nous étions prisonniers de cette île et nous devions en sortir.

Soudain, des cris déchirèrent l’air.

— Mes amis ! criai-je sans que mon père ne puisse me retenir.

Je courus à vive allure dans la direction des appels tout en évitant de tomber à cause des branches et des racines. J’esquivai les arbres qui me barraient la route comme pour me dire : « tu es piégé, abandonne ». Les hululements des hiboux m’accompagnaient dans cet élan de motivation.

— Vous êtes où les gars ? demandai-je au bout d’un petit moment.

— On est là ! hurla une voix lointaine.

Je m’approchai davantage en reprenant des foulées rapides lorsque quelqu’un aboya :

— Stop !

Je m’exécutai tout en sachant qui venait de parler. Il s’agissait de Théo. En s’avançant un peu plus, on pouvait distinguer un gros trou au sol entre les arbres. Ils étaient là, en vie et piégés. Si mon ami ne m’avait pas prévenu, je serai tombé avec eux.

— On te cherchait lorsqu’on est tombé dans ce piège, grogna David.

— Oui, on a entendu un coup de feu, alors on s’est mis à ta recherche pour savoir ce qui s’était passé, affirma Thierry.

Mon père arriva enfin derrière moi complètement essoufflé. Il se tenait les mains sur les genoux avec le dos voûté en transpirant à grosses gouttes.

— Eh, c’est qui lui ? me demanda John sans plus de tact.

— C’est… mon père.

John se gratta la tête et me mima une grimace déconcertante en levant un sourcil.

— Tu n’avais pas dit qu’il était mort ?

Je lui envoyai un regard espiègle mélangé à un petit sourire en coin.

— Non, juste qu’il avait disparu, et je viens de le retrouver. C’est une longue histoire, je vous expliquerai. Il faut d’abord vous sortir de là.

Mon père et moi hissâmes mes camarades hors du piège. Chacun était sain et sauf. Il fallait que la chance, si on pouvait appeler ça de la chance, continue de tourner en notre faveur.

Sur le chemin du retour, mon père se présenta à mes camarades et s’excusa pour le piège car, oui, c’était son œuvre. Quand on reste vingt ans sur une île déserte, on ne peut pas se contenter uniquement de manger des fruits !

Une tempête commença à pointer le bout de son nez lorsque nous rentrions dans la cabane. J’expliquai la totalité des évènements passés : du meurtre de l’animal et de la rencontre avec un homme ingrat jusqu’à la connaissance d’un père inconnu et des révélations au sujet de notre monde.

Mes amis me dévisagèrent lorsque je leur parlai de la coopération entre le Faucon et un laboratoire sans scrupules.

— Tu ne crois pas que c’est un peu gros tout ça ? me questionna David.

J’effectuai un signe négatif de la tête.

— Je sais que le Faucon a été vendu comme le meilleur sous-marin de tous les temps, mais vous ne croyez pas que justement, c’est parce qu’il a une immense notoriété et un terrible respect que le laboratoire a voulu s’associer à lui ? Pensez-vous que la maladie des femmes, les Luminas et les créatures de cette île sont nés d’un hasard scientifiquement humain ? Je ne défends pas les idéaux de mon père simplement par lien de parenté, mais parce que j’ouvre enfin les yeux sur notre monde. Regardez autour de vous ! Comment a-t-on pu vivre dans un enfer pareil pendant autant d’années ?

John se leva et brandit son poing en l’air.

— Je sais que les débuts n’ont pas été faciles entre nous deux, mais sache qu’aujourd’hui, tout a changé. Je te suivrais ou que tu ailles tant que c’est pour exterminer ces putains de Luminas. Je ne sais pas si tu es fou ou érudit, mais il y a une chose dont je suis sûr : tu m’as sauvé la vie une fois et c’est amplement suffisant pour te faire confiance. Je suis avec toi !

Son discours me touchait beaucoup. J’en avais presque les larmes aux yeux justes avant que Théo décide de se redresser à son tour.

— C’est vrai, on t’a toujours fait confiance Adam. Tu as été le premier à nous dire que tu trouvais le comportement de Hitch louche et, grâce à toi, nous avons pu nous enfuir du Gerrego lorsque les Luminas nous ont attaqués.

— Je te suis aussi ! proclama David, assis dans le fauteuil de bois de mon père.

— Ne m’oubliez pas les gars, dit Thierry en me donnant un coup de coude amical.

J’appréciais énormément que tout le monde approuve ce que m’avait dit mon père. Je l’observai, il paraissait en pleine réflexion. En me voyant, il ne put qu’éclaircir sa pensée.

— Vous avez bien dit Gerrego ?

— Oui pourquoi ? demanda Théo d’un sourire complice.

— C’était notre école, ajoutai-je.

Mon père ferma les yeux et baissa la tête en direction du sol, dépité. Il la releva après quelques secondes de réflexion et nous avoua :

— Toutes les hypothèses qu’on vient d’admettre viennent de se transformer en faits avérés. Bien que je sois sûr de mes dires, il me manquait une information pour les prouver : l’existence du Gerrego. Si vous n’y croyiez toujours pas, maintenant vous êtes obligés de comprendre. Nous n’avons plus qu’à trouver le laboratoire et en finir une fois pour toutes avec ces sciences azimutées !

— Attend, attend, attend papa. J’ai rien compris. Comment tu en ais venu à accuser le Gerrego de… Je ne sais même pas de quoi tu l’accuses en fait. Explique-nous.

Mon père nous invita à prendre place sur les chaises disposées dans la cabane. Après quelques petits raclements de gorge, il déballa son histoire.

— Ce que je vais vous raconter s’est déroulé quelques jours avant ma disparition. C’est le moment où tout est devenu clair pour moi. L’alarme d’urgence du Faucon venait d’être activée…

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