Chapitre 13

4 minutes de lecture

― Max, Max, vient tes parents sont là.

― Attends, dis-je en regardant Frisouille qui montait dans le bus.

― Allez, viens. Une de perdu dix de retrouvées. C’est comme ça en colo.

Je sentais mon pote qui me tirait par le bras, alors que j’essayais tant bien que mal de me diriger vers cette jolie chevelure frisée. Celle-ci semblait envelopper tout son corps et me cachait ce visage que j’aurais aimé voir une dernière fois. Je hurlais son nom, pourtant aucun son ne sortait de ma bouche. Je luttais à chaque pas comme épuisé. Je continuais de l’appeler, mais elle ne m’entendait pas et s’engouffrait dans ce car qui me l’arrachait.

― Viens mon chéri, me disait maintenant ma mère. Tu lui écriras en rentrant à la maison.

Mais en regardant ma main, je voyais tous les chiffres que j’avais écrits se mélanger. J’avais beau me concentrer pour les retenir, mon cerveau était lourd. Le deux remplaçait le un, alors que le huit se transformait en neuf, avant de s’effacer.

― Maman, regarde, les chiffres disparaissent, dis-je terrifié.

― Monte dans la voiture, me dit ma mère qui ne m’écoutait pas.

― Maman, laisse-moi, lui redemander son numéro.

Mais nous étions déjà en train de rouler en nous éloignant de Frisouille et de son bus. Pourquoi n’entendait-elle pas mes suppliques ? Ne voyait-elle pas mes larmes ? Jamais je ne reverrais ses jolies boucles blondes, je le savais.

Je me réveillais enfin, avec une sensation étrange. Comme un souvenir oublié. Trop de douleur et un regret persistaient pourtant dans mon cœur. Ce cœur glacé, que chantait si bien Cabrel. Pourtant adolescent, il avait pleuré pour une jeune fille rencontrée en colonie.

Ce souvenir, je l’avais enfoui, car pendant trop longtemps, il m’avait fait souffrir. Mais comme tout adolescent, qui pour la première fois tombe amoureux, non ? À bien y réfléchir, je pris conscience qu’Agathe avait, elle aussi, de longs cheveux frisés, même s'ils étaient bruns. La rousse d'hier, étonnamment... De mémoire, presque chacune de mes partenaires de jeu avait ce signe distinctif.

Je souris en repensant à mes dix-huit ans, quand après plusieurs années de chagrin, à une soirée étudiante, je m’étais laissé séduire par une jeune fille qui avait la même crinière que Frisouille. Ma peine m’avait semblée moins lourde, alors. Était-ce à ce moment précis que j’avais changé ? Que mon cœur était devenu glaçon.

Tu vas devoir faire une thérapie, jeune con, ris-je intérieurement.

Mais le week-end était déjà terminé. Et même si le dimanche était passé trop vite, l’idée de fermer les yeux ne m’enchantait guère. Je finis par me lever et aller prendre une douche chaude, histoire de me laver de ses pensées pesantes. Pourtant, elles m’accompagnèrent au petit-déjeuner et sur le chemin du boulot.

Il était tôt à mon arrivée au bureau. Le couloir était sombre et silencieux. Pas une lumière ne filtrait sous les portes closes. Je serais donc au calme pour me noyer dans mon travail. Ce qui avait été un refuge à l’adolescence et dès lors.

― Bonjour ! dit Marion, surprise. Déjà là ?

― Oui, je n’arrivais plus à dormir.

― Déjà des soucis ?

— Heuuu, absolument pas, dis-je en pensant que j’aurais mieux fait de me taire.

— Tant mieux, dit-elle soulagée. Tu n’as pas accompagné ta nièce ce matin ?

Fait court, Maxime. Et surtout ne parle pas de l’institutrice !

— Oh, pas tous les jours. Mais de temps en temps, j’y compte bien. Et toi, ton week-end, demandai-je, pour changer de discussion.

— À part le marcher samedi matin, je n’ai pas fait grand-chose. Pourtant, Victor avait pu avoir son week-end, mais il a préféré regarder le tournoi des six nations.

— Je déteste le foot.

— C’est du Rugby, ajouta-t-elle simplement.

— Je sais, c’était juste une mauvaise blague, dis-je en souriant.

— Désolé, j’aurais dû m'en douter.

— Mais non, ne sois pas désolé. C’est ton mari qui devrait l’être. Il y a mieux à faire le week-end.

Perso si j’avais une belle brune, ce n’est pas la télé que j’allumerais ! pensai-je.

— Merci, c’est gentil.

Alors que Marion, s’installait à son bureau, je me disais qu’il était peut-être temps que je laisse Frisouille derrière moi et toutes ses jolies chevelures frisées que j'avais collectionnées. Marion était très jolie et pourtant, ses cheveux étaient dépourvus de la moindre boucle.

De nouveau, je sentis cette colère monter en moi en pensant à mon frère. J’avais cette impression de mériter tellement plus que lui une femme telle que Marion. D’ailleurs, n’aurais-je pas rencontré Marion si ma mère était restée avec mon père biologique. C’était une idée un peu saugrenue, pourtant plus j’y réfléchissais plus j’avais cette envie qui s’imposait à moi. Marion aurait dû être à moi.

Marion, j’ai tellement envie que tu sois à moi !

— Au fait pour le séminaire, j’ai réservé un véhicule de location à récupérer en gare, dit-elle en me sortant de mes pensées.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire toutendouceur ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0