Chapitre 3

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Le lundi après-midi, ma mère décida de me raccompagner à la gare. L’ambiance était lourde et je ne lui avais pas adressé la parole depuis la découverte de la lettre, pas même pour lui demander le sel.

― Maxime ?

― Hum, hum.

― Il est peut-être temps de parler ? Chuchota ma mère pour m’amadouer.

― Je pense oui, répondis-je d’une voix glaciale.

― Mais pas dans cette voiture. Je préfèrerais aller boire un café, si tu veux bien.

― Oui c’est préférable. Histoire d’éviter un accident.

Dans la gare nous avions l’embarras du choix et nous nous installâmes dans le premier troquet venu

― Alors tu m'expliques Maman ?

― Oui mon chéri, dit-elle en prenant quelque instant avant de commencer son explication. Eh bien, quand j'étais plus jeune, j'ai eu une aventure avec un homme marié. Il mangeait tous les midis dans le restaurant où je travaillais pour payer mes études. Et à force de se voir tous les jours, de se parler... enfin tu vois ce que je veux dire.

― Oui j'imagine, remarquai-je d’un ton critique.

― Il ne m'avait jamais caché qu'il était marié et qu'il avait un fils et pourtant nous étions très amoureux. Mais je ne lui ai jamais demandé de quitter sa femme, nous ne l'avons d'ailleurs jamais envisagé. Quand j'ai fini mes études, j'ai trouvé un travail sur Paris et j'ai décidé de mettre un terme à notre relation. Ça a été un moment très dur de ma vie et j'ai beaucoup pleuré le soir dans mon lit. Chaque jour je me noyais dans le travail. Je rentrais dans mon petit appartement, où je grignotais difficilement un morceau et me couchais pour de nouveau aller travailler le lendemain. Je n'ai pas vu les signes... j'ai compris très tardivement que j'étais enceinte. Et le père ne pouvait être que mon homme marié. Mais je ne pouvais pas lui dire… Je ne voulais pas lui dire. Je l'avais quitté et surtout il avait déjà une famille. C'est à ce moment que j'ai rencontré ton père, mais cette histoire tu la connais. Tu ne savais juste pas que j'étais déjà enceinte de toi quand je l'ai rencontré. Tu es né et il t'a accepté comme si tu étais son fils. Cinq ans après alors que nous venions de déménager sur Strasbourg, j'ai croisé mon homme marié, j'étais avec toi et je crois qu'il a tout de suite compris. Je n'ai jamais vraiment su comment, mais il a tout compris. Dès lors, j'ai entretenu avec lui une correspondance, il n'avait jamais cessé de m'aimer et moi aussi, je crois. Mais nous avons fait le choix de n'avoir qu'une relation épistolaire. Je lui donnais des nouvelles de toi et lui me racontais sa vie. Voilà je crois que tu sais tout.

― Presque.

― Que veux-tu savoir ?

― Comment s'appelle-t-il ?

― Laurent Poitevin.

― Et où habite-il ?

― Un petit village au nord de Strasbourg.

― Et j'ai donc un frère, enfin un demi-frère ?

― Oui, il s'appelle Victor.

― Oui je m'en rappelle. Mais je n'ai qu'un frère ?

― Oui. Il est marié et a deux enfants de huit et six ans.

― Et dire que je pensais vivre dans une famille sans histoire.

― Tu voudrais rencontrer ton père ?

― Je ne sais pas. J'ai besoin de digérer tout ça. Pour l’instant ne lui dis rien, veux-tu ?

Elle hocha simplement de la tête, pour accepter ma requête.

― Il ne reste pas beaucoup de temps avant ton train, ajouta-t-elle simplement.

― Oui je crois qu'il est temps que je parte.

Je ne l’avais même pas embrassé pour lui dire au revoir, à peine même regardé. Dans le train je repensais à tout ce que je venais d'apprendre. Ce père Laurent Poitevin et ce frère Victor. Ma curiosité me fit chercher sur Facebook. Mais malheureusement la tâche s'avéra un peu plus difficile que je ne l'avais imaginé. Il y avait plusieurs Laurent et Victor Poitevin. J'ouvris donc les comptes les uns après les autres. Mais ce Victor-là, avec son tablier de cuisinier, m'interpela. Malheureusement pas moyen d'accédé à ses amis, alors je regardais ses publications à la recherche d'info supplémentaires. Marié à une certaine Marion, quelques photos avec une demoiselle pour un huitième anniversaire et un garçon soufflant six bougies. Je trouvais aussi quelques photos de Strasbourg. Tout ceci semblait vraiment correspondre.

Je décidais d'ouvrir le compte de sa femme, espérant trouver de nouvelles informations. La liste d'amis ce coup-ci était disponible et contenait un certain Laurent PTV, mais malheureusement aucune photo, ni publication. Je retournais donc sur la page de Marion qui était plus riche en information, même s’il n'y avait aucune photo d'elle. Alors "A propos" de Madame que pouvais-je trouver ? Elle habitait près de Strasbourg, elle pratiquait la Salsa... Et c'est là que j'eu la surprise de voir qu'elle bossait dans la même boite que moi.

Je regardais dans l'annuaire de ma boite et effectivement il y avait une Marion Poitevin. Cette dernière information me retournait presque autant que la découverte d'un père illégitime. Peut-être l'avais-je déjà croisé lors d'une réunion ou d'une formation. Je cherchais même dans mes mails si elle n'était pas en copie de l'un d'eux. Mais rien.

Le contrôleur annonça l'arrivé en gare de Paris, ce qui me sortit de ma concentration. Je n'avais pas vu passé le temps, comme sonné par le flot d'informations.

Même si j'avais ma petite valise je choisi de ne pas reprendre le métro pour retourner à mon appartement qui n'était qu'à trente minutes à pied. J'avais la conviction que marcher me permettrait de faire de l'ordre dans ma tête.

Depuis que j'avais découvert l'existence de ce nouveau père, je n'avais pas pris le temps d'écouter mes sentiments. Ma mère m'avait caché qui j'étais depuis ma naissance, elle m'avait imposé un père qui n'avait eu de cesse que de critiquer mes choix. Il était évident maintenant que ça préférence pour ma sœur était lié à ce lien qui n'existait pas. Je lui en voulais, j'en voulais à ce Laurent qui n'avait pas eu le courage d'aimer ma mère. Je jalousais ce frère qui avait réussi là où mon père me reprochait d'avoir échouer : une vie de famille comblée.

En arrivant dans mon appartement je m'écroulais dans mon lit, sans manger et m'endormait.

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