Introduction spectrale (Le Loup de Scribopolis)

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Édouard regardait par la fenêtre d'un vieux manoir. Deux individus rodaient autour, puis décidèrent finalement d'un lieu où poser leur toile de tente. Qu'est-ce qu'ils venaient faire par ici ces cons-là ? Quelle question ! Lil savait très bien pourquoi : le journal d'Eugène Charpentier. Tous pour cette même raison. Comme s'il n'y avait pas eu suffisamment d'accidents à cause de ce maudit papier. Lui-même en avait fait les frais. En 1952, il avait perdu la vie en tentant de résoudre le mystère. Il avait choisi de rester sous forme de spectre pour éviter à d'autres sa mésaventure.

Voilà de nombreuses décennies qu'il hantait ce manoir. En général, la simple rumeur de sa présence suffisait à éloigner les curieux. Mais depuis quelques années, la mode de la chasse aux fantômes complétait la liste des gêneurs venant déranger les lieux. Souvent, ils se pointaient avec une multitude d'appareils bizarres. Édouard ne les connaissait pas et ne les avait jamais vus avant. En plus, ça ne marchait clairement pas leurs machines pourries. Ça disait toujours qu'il était là où ce n’était pas le cas. Et quand ils lui posaient une question, la réponse ne correspondait jamais à ses propos.

Il se souvint d'une fois, où une bande de guignols était venue se vanter de pouvoir communiquer avec lui. Un exemple d'incompétence et de charlatanisme ? Jugez par vous-mêmes.

Voici la question.

"Esprit êtes vous là ? Si oui, répondez par « oui » ou par « non », ou faites-nous un signe."

Moi, de bonne foi j’avais donc décidé de jouer le jeu et de leur parler, et de leur faire comprendre qu'il ne fallait pas rester. Que c'était dangereux :

"Barrez-vous de là bande de cons, sinon ça finira aussi mal pour vous que pour les autres ! Je n’essaye pas de vous faire peur, mais de vous aider."

Donc, j'avais tous fait pour les prévenir, les préserver de la mort. Mais la machine de ses débiles fit trois « bips ». Puis, voici la traduction qu'ils firent à leur caméra :

"Je suis là, et j'ai très froid. Je me sens seul."

Bah oui. Les morts et les vivants, ce n’est pas fait pour communiquer ensemble et se côtoyer dans le même monde. Mon unique moyen de préserver les autres de mon sort, c'était de leur faire peur. Fallait surtout pas les laisser approcher le journal maudit. Ça en faisait toujours des morts et des accidents. Bien sûr, ce n’était jamais dans le manoir, mais étrangement, ils repartaient tous sans le cahier. Ils voulaient quoi ? Lancer une chasse au trésor généralisée en laissant les autres pouvoir consulter également les écrits d'Eugène ? Ça allait encore en faire plus des victimes.

Les deux nouveaux arrivants, eux, avaient l'air sympas. Il devait absolument les éloigner du manoir. Ou s'il ne le pouvait pas, au moins leur éviter les différents pièges que constituait un bâtiment aussi délabré.

Les deux individus étaient déjà à l'intérieur, malgré les divers bruits qu'il avait faits pour les faire fuir. Lumière projeté dans la pièce où ils se trouvaient, Édouard put les voir débarquer avec tous l'attirail du chasseur de fantôme qu'il avait découvert avec les précédents fouineurs. Et merde, encore des amateurs qui allaient lui causer des soucis.

Le garçon faisait déjà son cinéma. Tu parles ! Quel ramassis de connerie il pouvait bien déblatérer.

« Vous voyez ça ? C'est dégoûtant. Il y a une atmosphère super bizarre ici. Je suis sûr qu'il y a un petit fantôme caché quelque part. On va le trouver ensemble. Je me dirige maintenant vers le premier étage. »

Me trouver ? Mais j'étais juste à côté de lui ! En plus, ça se permet de commenter l'état des lieux. Alors que le type n'avait clairement rien à faire ici. Et que ça joue le coq devant la demoiselle.

« Les marches semblent couiner quand je marche dessus, c'est la maison tout entière qui rejette notre présence. »

Bah non, mon grand. C'est moi, et personne d'autre qui tente de vous faire quitter les lieux. Et pour votre bien. Vous attendez quoi pour fuir ? Que l'un de vous finisse en piteux état à cause d'un accident ? Le coma ? La mort ?

L'homme poursuivait sa progression dans les escaliers quand soudain, la chute survint, l'envoyant faire un tour dans la cave du manoir. Bah tien ! Ce n’était pas faute d'avoir voulu éviter ça. Le gars beuglait comme un veau, la douleur bien présente après avoir traversé le plancher des vaches. Il semblait s'être pété le bras ce con. Pourtant, il continuait à faire son cirque l'animal !

Mais ce dernier, ayant ramassé le journal, fit quelque chose qui me redonna de la sympathie pour lui. Il le mit dans son sac. Enfin une bonne chose de fait. S'il n'y avait plus rien à trouver ici, y aurait pu de visiteur, donc plus risque de voir une nouvelle victime de la maison. Ça valait peut-être le coup qu'il se casse la gueule au finale.

Son amie décida d'aller le rejoindre dans la cave. Édouard l'accompagna. Un accident, mais pas deux. Il y avait eu suffisamment de dégât pour aujourd'hui. Lorsqu'elle eut fini de panser sa blessure et de l'aider à remonter, elle fit une étrange découverte. Un coffret de bois, enveloppé dans un tissu. La boîte, bien dissimulée, avait miraculeusement échappé aux pillards successifs.

À l'intérieur, reposant sur de la ouate en piteux état, un magnifique pendentif brillait. Une chaîne dorée aux anneaux imposants soutenait une topaze en goutte d'eau grosse comme un œuf de caille, d'une beauté éblouissante. Sur le couvercle du coffret étaient gravées des lettres.

« RUQIYA? »

Qu'est-ce que ça pouvait bien dire ? Depuis le temps qu'Édouard hanté les lieux, il avait vu tant de personnes consulter le journal. Mais ce coffret, et son secret, pourquoi seulement maintenant ? Allait-il enfin percer le mystère du trésor d'Eugène charpentier ? Il le voulait. Il le fallait. S'il y parvenait, alors sa mort ne serait plus aussi vaine que par le passé. Il ne serait pas resté inutilement parmi les vivants sous forme de spectre.

Il avait misé sur le bon cheval. Sofia et Simon. C'est eux qui seraient les plus proches de percer le mystère. Il fallait les suivre. Mais pour ça, ces deux-là devaient sortir du manoir pour commencer leur quête, leur grande aventure.

Édouard passa devant, et déplaça tout le mobilier moisi pour les empêcher de marcher où il ne fallait pas. Le chemin balisé pour eux, les enquêteurs en herbes restèrent bouche bée face au spectacle. S'ils avaient un doute sur l'existence des fantômes, là ils devaient bien admettre qu'ils côtoyaient du surnaturel. Le spectre se fichait qu'eux aient conscience de sa présence. Il avait besoin d'eux. Et puis, pas grave, car ils n'avaient pour eux que leur simple parole et leur bonne foi. Aucune preuve.

Une fois de retour à leur tente, ils s'y reposèrent. Édouard quitta également le manoir qu'il avait si longtemps hanté. Sans le journal, il n'y avait plus rien à garder. Plus aucune raison de rester. Il attendit le matin, et les suivit jusqu'à l’hôpital où Simon devait être soigné. Mais quel idiot celui-là. Quatre semaines de convalescence ? Il devrait patienter pour la grande chasse au trésor qu'il espérait.

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