Chapitre 11

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CHAPITRE ONZE

13 SEPTEMBRE 2017

Après plusieurs jours à se cacher dans un hôtel, je décidais qu’il était temps d’aller voir les parents de Maxime. Je savais très bien que c’était une mauvaise idée car ils étaient certainement surveillés, mais nous devions disparaître, et Maxime refusait de s’en aller sans donner de nouvelles à sa famille.

Aussi, nous nous retrouvions cachés derrière la haie qui entourait son jardin, à vérifier que la voie était libre. Je lui fis signe de rester là et il obéit. Je sortis de derrière les buissons et allais sonner à la porte. Après tout, je n’étais pas une fugitive, moi.

Quand je vis que la porte était déjà ouverte, je paniquais et fis un signe à Maxime de ne pas bouger, mais un coup de feu retentit. Je me jetais à l’intérieur, et du coin de l’œil, je le vis me suivre.

Le coup de feu venait du salon. Le père de Maxime était à terre, en sang, son frère tentait de faire barrage pour protéger sa mère qui pleurait à genou à côté de son mari blessé.

Et je compris quel avait été l’élément déclencheur.

J’arrivais dans le dos de l’agresseur, qui semblait être un adolescent de taille moyenne, assez banal s’il n’avait pas été armé. Je ne pouvais le voir que de dos. Le frère de Maxime m’aperçut et me regarda avec de grands yeux surpris tandis que son agresseur s’adressait à lui.

— Où est le monstre ? Je sais qu’il est de votre famille, répondez-moi où je vous tue tous !

Remarquant à peine que Paul me regardait, il agita de nouveau son arme pour donner du poids à ses paroles.

— Répondez-moi !

Il tira dans le plafond et c’est à ce moment-là que Maxime atteint le salon. Je savais que j’aurais dû intervenir avant qu’il n’arrive, car il nous fit remarquer en une seconde. À sa décharge, il avait vu son père et avait paniqué.

L’adolescent se retourna vers nous et nous braqua de son arme. Je levais les mains en l’air mais Maxime se jeta aux côtés de sa mère pour vérifier l’état de son père.

— Barre-toi ! cria Paul à son frère, mais trop tard.

— Voilà donc le monstre en question.

Paul, bien plus courageux que je ne l’aurais cru, se mit devant son frère pour le protéger, au cas où l’adolescent tirerait. Mais s’il se faisait toucher, il mourrait, alors que son frère aurait une chance de s’en sortir vivant.

Heureusement pour chacun de nous, notre attaquant semblait ne pas voir en moi une grande menace. Il m’avait presque oublié, jusqu’à ce que je me déplace lentement dans la direction de Paul.

— Arrête de bouger, m’ordonna-t-il.

— Écoute, tu n’as pas à faire ça, tentai-je.

Il n’était qu’un adolescent effrayé. Je devais tenter de le raisonner.

— Ce monstre va tous nous buter ! Et puis t’es qui, toi ?

— Je m’appelle Emma. Tous ce que je veux, c’est que chacun d’entre nous rentre chez lui ce soir et que monsieur Leroy aille à l’hôpital.

— Mon oncle dit que le gêne se transmet par hérédité. Ils sont tous coupables ! Ils méritent de mourir ! Alors barre-toi !

Il n’y avait qu’un seul moyen de l’arrêter en s’assurant qu’il ne fasse pas plus de mal. Je fis un dernier pas vers Paul, ce qui agita encore plus le jeune homme.

— Arrête !

Il était complètement fou. Des larmes coulaient sur ses joues et il était rouge de rage. C’était maintenant ou jamais.

— Qu’est-ce que… dis-je assez fort pour qu’il m’entende.

Je regardais fixement un point derrière lui, le poussant à se retourner jeter un œil. J’en profitais pour me jeter sur lui. Mais je ne fus pas assez rapide et il eut le temps de me tirer dans l’abdomen avant que je ne le percute. Merde ! J’avais presque oublié qu’une balle ça faisait un mal de chien !

Au sol, moi sur lui, je me saisis de son arme et me relevais aussi rapidement que la douleur me le permettait. Mais j’avais été entrainée à résister. J’étais un soldat. Un soldat qui manquait d’entrainement, certes.

Gardant en joue l’adolescent d’une main, appuyant fermement sur ma blessure de l’autre, je donnais mes premières instructions :

— Paul, appelle les secours, ordonnai-je calmement. Tu leur dis que ton père s’est pris une balle, où et surtout dans quel état il est. Tu réponds à leurs questions et surtout tu ne raccroches pas. Maxime, tu vas aller chercher un t-shirt propre dans ta chambre ainsi qu’une couverture.

Ils acquiescèrent.

— Madame Leroy, j’aurais besoin que vous me rameniez tout ce que vous avez dans votre boite à pharmacie.

Toujours en état de choc, elle ne répondit pas.

— Madame, je peux survivre à cette blessure mais je perds beaucoup de sang. Je ne vais pas tarder à ne plus pouvoir tenir sur mes jambes si je ne retire pas la balle.

Elle sembla se réveiller doucement et se dirigeât vers le couloir. Le gamin était toujours allongé au sol, tremblant de peur face à mon arme, mais il ne tenterait probablement rien tant que je le regarderais.

— Les secours arrivent, m’informa Paul.

— Très bien.

Maxime revint de la chambre avec ce que je lui avais demandé. Je sentais mon bras trembler et le poids de l’arme augmenter. Je m’affaiblissais. Il fallait faire vite.

— Maxime, tu vas appuyer fort sur la blessure de ton père pour éviter que le sang ne coule. Paul, tu vas le recouvrir de la couverture pour qu’il ait bien chaud.

Ils s’exécutèrent tandis que leur mère revenait dans le salon.

— Paul, vient ici. Tu as déjà tiré avec une arme ?

Question stupide : les jeunes de cette époque, notamment en France, n’avait jamais tiré avec une arme.

— Non.

— Eh bien, il y a un début à tout. Ne bouge pas où je te tire dessus sans réfléchir, prévins-je l’agresseur.

Il tressaillit mais ne bougeât pas. Je donnais l’arme à Paul en lui expliquant rapidement la marche à suivre. Ensuite, je me saisis de la trousse de madame Leroy et m’allongeais sur le sol en redressant mes jambes.

— Qu’est-ce que tu vas faire ? demanda Maxime.

— Quelque chose de très douloureux.

Les secours arrivent, tu n’as pas besoin de faire ça, me dit-il.

— Je ne peux pas aller à l’hôpital, rappelai-je. Je suis une éternelle.

Et de toute façon, je l’avais déjà fait une dizaine de fois. Dans la trousse, je trouvais des gants en caoutchouc dans leur sachet d’origine (top niveau hygiène) et les enfilais. Ensuite, je versais une bonne partie du désinfectant sur la totalité de la plaie et manquais de crier de douleur. Je remarquais les regards affolés tout autour de moi.

— Paul, reste concentré, ordonnai-je.

Il se retourna vers le jeune qui était tout aussi effrayé par ce que je faisais que le reste de l’assemblée. Malheureusement, la famille ne possédait pas de pince ou quoique ce soit qui aurait pu m’aider à extraire la balle.

— Et merde… jurai-je.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Maxime.

— Je ne peux pas déloger la balle sans… équipements, dis-je sans trouver le mot exact.

— Tu ne peux pas y aller avec les doigts ?

— Non seulement ce serait extrêmement douloureux, mais en plus j’ai les doigts beaucoup trop larges. Mais je crois que je ne vais pas avoir le choix… Est-ce que vous avez quelque chose de fort pour les douleurs ?

— Oui, on a les médicaments de Paul pour quand il s’est fait opérer du genou.

— Ce sera parfait, donnez-les-moi.

Elle alla chercher les médicaments et me les tendis.

— Ils sont plutôt…

J’en avalais quatre d’un coup.

— Forts, finit-elle

— Les éternels ont des organismes plus résistants que ceux des humains. Apportez-moi un couteau.

Je regrettais déjà ma décision, mais je n’avais pas le choix. Je devais à tout prix retirer cette balle de mon abdomen. Madame Leroy m’apporta un couteau de cuisine. Allais-je vraiment le faire ?

La sirène de l’ambulance résonna et je sentais les médicaments commencer à faire effet. C’était maintenant ou jamais.

Je me saisis du couteau de cuisine et le posais sur mon ventre avant de prendre une dernière inspiration.

— Je vais être malade… marmonna la mère de Maxime.

Du bout de la lame, j’entaillais ma peau pour agrandir ma plaie, qui avait déjà commencé à cicatriser. Malgré les antidouleurs, cela me fit un mal de chien et je ne pus m’empêcher de gémir de douleur. Le pire était encore à venir. Je posais le couteau au sol et passais mon index et mon pousse à l’intérieur de la plaie. La balle était particulièrement enfoncée et il me fallut trois ou quatre essais avant de pouvoir enfin la retirer.

À ce moment-là, les secours pénétrèrent dans la maison et nous rejoignirent. D’abord surpris de voir que Paul tenait en joue notre agresseur, ils se dirigèrent vers le père de famille après qu’on leur ait indiqué. L’un d’entre eux se dirigeât vers moi pour me porter secours :

— Mademoiselle, qu’est-ce qu’il s’est passé ? On ne nous a pas signalé de deuxième blessé.

— Ne vous occuper pas de moi, je vais me rétablir. J’ai retiré la balle.

Ma voix résonnait dans ma tête et je voyais trouble. OK, quatre pilules c’était peut-être beaucoup, mais au moins, je ne ressentais presque plus la douleur. Et j’étais déjà en train de me régénérer. Même si ma tête me tournait.

L’infirmier me regarda comme si j’étais une malade mentale.

— Vous savez, les monstres que vous voyez à la télé, et bien c’est moi. Je vais guérir.

Je n’étais pas particulièrement réfléchie à ce moment-là, mais j’avais des circonstances atténuantes. Et je voulais qu’il me lâche pour aller s’occuper du père de Maxime.

D’abord surpris, l’homme resta immobile pendant plusieurs secondes. Puis il jeta un œil à ma plaie, enfila ses gants de protection et examina le tout plus en profondeur. J’utilisais toutes les forces qu’il me restait pour rester consciente, mais je sombrais au bout d’une minute.

Quand je me réveillais, j’étais toujours allongées au sol mais une couverture me recouvrait. Je n’avais pas dû être inconsciente très longtemps car la police n’était toujours pas arrivée. Or, j’étais persuadée que les secours les avaient appelés.

Autour de moi, Maxime et Paul discutaient avec l’infirmier qui m’avait soigné. Leurs parents, eux, étaient probablement sur le chemin de l’hôpital.

Un pincement aigu me força à jeter un œil inquiet à mon abdomen. Je constatais alors avec surprise que ma blessure avait été nettoyée et que quelqu’un m’avait posé des points de sutures. Quelque part, c’était une bonne chose car ça m’éviterait d’avoir une cicatrice. D’un autre côté, je n’aimais pas l’idée qu’un inconnu m’ait soigné sans mon accord, notamment quand je ne savais pas s’il se trouvait du côté des éternels ou des humains conservateurs.

Je tentais de me lever, en vain. La douleur était trop forte et j’avais perdu beaucoup de sang. Mais mon égo réussit tout de même à me fournir suffisamment de forces pour que je puisse m’asseoir, non sans que ma tête se mette à tourner et que l’envie de vomir me traverse.

J’entendis des pas précipités dans ma direction.

— Restez allongée, madame. Avec votre blessure, vous devez vous reposer ! Sinon, vous allez faire sauter les points de suture et vous remettre à saigner…

Les points de sutures que vous m’avez faits ont accélérés le processus de guérison, expliquai-je. S’ils s’ouvrent, je ne perdrais que quelques gouttes de sang. Ce genre de balle n’a pas d’effet à long terme sur nous. S’il s’était agi de balle explosive, de gros calibre ou encore de celle d’un Thiding V04 là, j’aurais été en danger. Bien qu’avec des soins rapides et appropriés, très peu de choses peuvent…

Je me rendis compte que j’en avais peut-être trop dit lorsque je vis les yeux des trois hommes en face de moi s’ouvrir en grand. Seul Maxime eut les sourcils froncés, ne semblant pas comprendre d’où je tenais autant d’information sur les capacités de régénération d’un éternel suite à un tir de balle.

— Cela fait seulement une demi-heure que j’ai terminé, dit l’infirmier d’une voix malaisée, même avec une capacité extrême de guérison, il faut que vous vous reposiez.

— Il faut qu’on s’en aille, contrai-je. Maxime…

— Repose-toi, me coupa-t-il. Ils n’ont pas appelé la police.

— Peu importe, quand ils sauront que quelqu’un a été blessé par balle, ils viendront enquêter. Où est l’ado ?

— Enfermé au sous-sol.

— Reposez-vous encore une heure ou deux avant de prendre la route.

Il semblait véritablement inquiet pour moi, ce qui me toucha venant d’un inconnu humain dans notre contexte. Mais on ne pouvait pas se permettre de perdre du temps. Si nous nous faisions capturer, je pourrais probablement supporter les tests tordus qu’ils nous feraient passer, mais pas Maxime. J’avais été formé pour résister à la torture, qu’elle soit physique ou mentale.

Je tentais de nouveau de me lever, mais j’étais encore faible. Je savais que je n’aurais pas dû prendre autant de médicaments. Deux auraient suffi, mais j’étais aveuglée par la douleur et par la peur.

J’avais fait une erreur de débutant…

— Si on prend la voiture des parents de Maxime, je peux me reposer à l’arrière pendant qu’il conduit.

— Vous n’irez pas loin, ils fouillent toutes les voitures aux entrées et sorties de la ville.

— Et merde…

— Venez chez moi, proposa l’infirmier. Je vis seul avec mon chat, et je passe mon temps à travailler. Je vis au 6ème étage, personne ne saura que vous êtes là. Je pourrais vous entretenir suffisamment longtemps, même si nous devrons faire quelques sacrifices.

Je jetais un œil à Maxime.

— Vous êtes sûr ? Si on nous découvre, vous pourriez avoir des problèmes.

— Le président a beau avoir instauré un climat de terreur, il ne peut pas me punir, étant donné qu’aucun texte ne vous mentionne. Je suis un citoyen et on ne peut pas me punir pour quelque chose qui n’est pas interdit par la loi. Et si jamais ça arrive, je dirais que vous m’avez menacé pour que je collabore.

— Merci, acceptai-je à contre cœur.

C’était notre seule option, ou en tout cas, la moins dangereuse à court terme. Nous devions nous effacer du monde, le temps que les choses changent. Le seul problème, c’est que je n’avais aucune idée de quand elles devaient changer…

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