Chapitre 10

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CHAPITRE DIX

3 SEPTEMBRE 2017

La découverte d’une nouvelle espèce humaine plus développée n’était que la première étape dans le long processus de destruction du genre humain. Et je ne tardais pas à découvrir quel était l’élément déclencheur qui transforma l’homme que j’aimais en le monstre que j’avais connu.

Une véritable chasse aux sorcières commença le jour où notre président déclara que cette nouvelle espèce était une menace pour la France et le monde. Il fit développer dans de grandes entreprises des gadgets capables de distinguer les hommes des éternels et donna libre court à la mise à mort des miens. Il créa une police spéciale, chargée de traquer et ramener ses proies on ne sait où. Probablement pour subir de nombreux tests inhumains.

Quiconque dénonçait un éternel était récompensé. On se serait cru pendant la Deuxième Guerre Mondiale.

— Je n’arrive pas à croire ce qu’il se passe… Cette espèce de racisme. Ils ne sont pas si différents !

Je tentais en vain de pousser Maxime à m’avouer sa véritable nature, mais il était trop effrayé pour le faire. Peut-être que si je lui révélais que moi j’en étais une, il se confierait plus facilement…

Mon téléphone sonna et je décrochais.

— Salut Juliette ! m’exclamai-je.

— Je vous dérange ? demanda-t-elle avec une voix pleine de sous-entendus.

— Il t’entend, précisai-je alors que Maxime riait doucement.

— C’est que vous êtes collés l’un à l’autre, alors…

— Pourquoi tu m’appelles ? l’interrompis-je.

— Ah oui ! On est à la fête foraine là, ça vous dit de venir ? Leurs barbes à papa sont délicieuses ! Hé, rend moi ça !

Elle râla sur quelqu’un qui se trouvait à côté d’elle. Probablement Roman. J’en profitais pour proposer à Maxime d’y aller. Il grogna.

— Fainéant.

Avec un sourire il se redressa, m’embrassa les cheveux et se leva du canapé en me poussant sur le côté.

— Je vais m’habiller.

— Ça veut dire oui ?

Il me répondit d’un grognement. Je ris. Il adorait passer ses dimanches allongé dans le canapé en pyjama et j’avais bousculé ses habitudes.

— Pauvre bébé, me moquai-je.

Je résistais à l’envie de le rejoindre sous la douche. Mais si nous mettions trop de temps à nous préparer, Juliette n’allait pas me lâcher la grappe de l’après-midi en me demandant tous les détails.

Sur la route pour rejoindre Juliette et Roman, nous croisâmes un attroupement de personnes devant le centre commercial. Comme il faisait chaud, nos vitres étaient ouvertes et nous entendîmes ce qu’il se passait. Visiblement, un éternel avait été découvert et tous le couvraient d’insultes tandis que la police tentait de le neutraliser. La peine me brisa le cœur. Je ne pouvais pas l’aider… pas dans cette vie, pas toute seule. Je refermais la fenêtre et un silence pesant s’installa dans la voiture.

Je me forçais à reprendre un air joyeux lorsque j’aperçus mes amis. Juliette s’était faite belle pour une sortie du dimanche. Personnellement, j’avais enfilé un short et un t-shirt basique. Pas maquillée, les cheveux attachés en chignon. Elle rouspéta de me voir ainsi et je lui fis un sourire innocent.

— Regarde, Emma ! C’est Hugo là-bas ! s’exclama-t-elle alors que nous venions à peine d’entrer.

Hugo était un de ses amis de fac, très fêtard et qui adorait draguer les filles. Honnêtement, je ne comprenais pas pourquoi Juliette l’appréciait autant.

Alors que nous arrivions à son niveau, il était en train d’expliquer le fonctionnement d’une petite machine.

— Hé ! s’exclama-t-il en nous voyant. Bienvenue !

— Salut !

Juliette lui fit la bise et il posa sa main sur sa taille pour l’enlacer. Roman ne sembla pas apprécier ce geste mais ne dit rien. Hugo serra la main des deux hommes avant de s’approcher de moi pour me dire bonjour. Il me reluqua très indiscrètement avant de se pencher vers moi. Il embrassa mes deux joues avec un peu trop d’insistance et je m’écartais de lui aussi vite que possible sans faire de scène.

Visiblement, Maxime était aussi agacé que moi par son comportement. Cela me fit sourire. Franchement, un mec jaloux, c’est toujours adorable.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Juliette en désignant l’objet qu’Hugo avait dans les mains.

— Ça, Juliette, répondit-il en montrant fièrement l’objet, c’est un détecteur de monstre.

Je sentis Maxime se tendre.

— Génial ! s’exclama-t-elle. Montre-moi comment ça marche !

— C’est super simple ! C’est mon père qui me l’a acheté, commenta-t-il en allumant le détecteur. Ça marche par contact physique, il suffit de poser le capteur juste ici…

Il prit la main de Juliette et lorsque celle-ci entra en contact avec l’objet, elle tressaillit légèrement. Un voyant rouge s’alluma et l’écran de l’objet afficha « négatif ».

— C’est génial ! répéta Juliette. Essaie Emma !

— Non merci.

Je feignais le manque d’intérêt.

— Je préfèrerais allez faire une ou deux autres attractions avant d’aller manger, et il est déjà onze heures et demi.

— Tu veux essayer, toi ? demanda Hugo à Maxime.

— Non.

Sa réponse était particulièrement froide et surpris tout le monde. Il ne savait décidemment pas mentir.

— Vous n’êtes vraiment pas drôle.

Je saisis la main de Maxime et nous écartais du groupe. Voyant qu’il n’avait pas particulièrement le moral, je l’emmenais vers un stand de hot dog.

— Il est un peu tôt pour manger mais je meurs de faim, lui dis-je.

Il me sourit distraitement.

Plus tard dans la soirée, sur le chemin du retour, nous fûmes arrêtés par des embouteillages. Maxime râla et tapa sur son volant, agacé.

J’espère que ce n’est pas encore une émeute, dis-je.

En nous rapprochant de l’entrée de la ville, nous comprîmes ce qui prenait autant de temps. Chaque voiture qui entrait dans la ville était contrôlée.

— Ils contrôlent quoi, à ton avis ?

— Je ne sais pas.

J’espérais que ce n’était qu’un contrôle de routine. Quand nous arrivâmes finalement au niveau du barrage, le policier demanda à Maxime son permis et les papiers du véhicule. Il demanda également à ce qu’il dépose son empreinte sur un petit boitier étrange.

Pourquoi prendre les empreintes ? demandai-je.

— C’est une question de sécurité, madame. Nous devons contrôler toutes les entrées.

L’art de répondre à une question sans répondre à la question.

Quand Maxime toucha finalement le boitier, une alarme commença à sonner. Et je compris : ils n’en avaient rien à faire des empreintes, c’était un détecteur d’éternels. Je détachais Maxime, me détachais et lui criais de ne pas bouger de la voiture. Je sortis de mon côté tandis que le policier contactait la brigade spéciale.

Je le neutralisais en quelques secondes. Même après des mois d’inactivité, j’étais toujours un membre de la meilleure escouade de mon époque. Mais c’était trop tard : les renforts arrivaient.

J’ouvrais la porte et tirais Maxime à ma suite à travers les voitures. Nous croisâmes deux autres policiers que je mis K.O. également, les attachants l’un à l’autre avec leurs menottes. J’emmenais Maxime en dehors de la ville, aussi loin que nous étions capables de courir sans nous arrêter.

— Donne-moi ton portable, ordonnai-je.

— Pourquoi ?

— Donne !

Il me le tendit et j’y enlevais la batterie avant de le ranger dans mon sac et de réserver le même sort à mon portable.

Ils ne pourront pas nous tracer grâce aux GPS de nos téléphones. Suis-moi, on doit continuer à se déplacer.

Maxime me suivit par automatisme pendant quelques minutes avant de m’arrêter brusquement.

— Je ne comprends pas ce qu’il se passe… m’avoua-t-il.

— Ils cherchent à localiser tous les éternels pour les ramener dans leurs laboratoires et faire des expériences sur eux.

— Pourquoi ?

— Certainement pour découvrir la raison de notre présence sur Terre. Qu’est-ce qui a fait émerger notre espèce ? Pourquoi nous sommes là ?

— Nous ? demanda-t-il sans comprendre.

— Oups. J’en suis une, Maxime. C’est pour ça que je sais autant de choses sur eux.

Bon, c’était surtout parce que je venais du futur, mais il n’avait pas besoin de le savoir.

Il me regardait, abasourdit.

— Tu savais que j’en étais un ?

Je lui souris, un peu moqueuse je l’avoue.

— Oui, tu es un très mauvais menteur.

— Quand l’as-tu découvert ? Comment ?

— Peu importe. On n’a pas le temps pour ces questions. On va passer chez tes parents très rapidement prendre quelques affaires et les prévenir qu’ils ne te reverront pas avant un moment.

— La police ne risque pas d’aller les voir directement ? Ils ont encore mes papiers…

— Merde, je n’avais pas pensé à ça.

— C’est juste. Je sais ce qu’on va faire. On va disparaitre. Je gagne assez d’argent avec la bourse pour nous entretenir tous les deux. Ou du moins, tant que Juliette me laisse utiliser son identité. Et comme je suis sûre qu’elle ne me dénoncera pas, on n’a pas de soucis à se faire.

— On ne va pas vivre comme des fugitifs toute notre vie ? paniqua-t-il.

— Maxime, calme-toi. Ce n’est que temporaire. Le temps que les choses se calment et que les éternels aient un véritable statut juridique.

— Avec notre président actuel, ce n’est pas près d’arriver.

En réalité, je savais qu’il n’allait pas rester longtemps au pouvoir. Une fois passé la panique générale face à la découverte d’une nouvelle espèce, sa politique « zéro éternel » commencera à faire débat. Ce que je ne savais pas, c’était quand ça allait arriver.

— Tu me fais confiance ?

Il hésita. Je ne pouvais pas le blâmer, toute sa vie venait d’être chamboulée en un claquement de doigts.

— Je crois, répondit-il finalement.

J’attrapais son bras et le forçais à me suivre.

— Où as-tu appris à te battre comme ça ?

— C’est un secret, répondis-je avec un sourire amusé.

Il soupira, blasé.

— Le dernier secret que tu m’as caché a été d’être une… une éternelle. J’espère que celui-ci n’est pas aussi gros…

— En réalité, c’est encore plus gros que ça. Mais je n’ai pas le droit de t’en parler.

— Qui t’en empêche ?

— C’est un secret.

Il eut un sourire à la fois amusé et contrarié. Il n’aimait pas que je lui cache des choses mais il me faisait plus confiance qu’il ne s’en rendait compte. Un bon point.

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