Chapitre 9

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CHAPITRE NEUF

29 AOÛT 2017

Tout commença un mois après la soirée. Juliette et moi étions tranquillement en train de prendre notre petit déjeuner quand le journal télévisé commença.

« Un évènement terrible vient tout juste de se produire dans une petite ville près de Bordeaux. »

— Probablement un nouvel attentat, dit Juliette d’un ton triste.

« Lors d’un cambriolage, les deux voleurs ont été surpris par le propriétaire. L’homme avait remplis sa maison de caméras et d’alarmes silencieuses. Les images sont difficiles à croire. Nous conseillons aux âmes sensibles de ne pas regarder ce qui va suivre. »

Juliette augmenta le son de la télé, captivée par ce nouveau scoop. Moi, je me contentais de siroter mon thé en regardant vaguement ce qui pouvait bien se passer. Un homme, que je soupçonnais être le propriétaire, arriva en trombe dans la pièce où se trouvait les deux voleurs. Il les menaçait d’une arme.

— Pas de chance d’être tombé sur un flic, commentai-je en entamant mes céréales.

Le premier voleur fit mine de poser son sac à terre tandis que le propriétaire leur dit quelque chose. Le second homme sortit de nulle part une arme et tira en direction du propriétaire mais le manqua. Plongeant au sol, ce dernier tira à son tour et toucha le second voleur dans la gorge. Je fronçais les sourcils, ne comprenant pas comment ils pouvaient passer une image pareille à la télévision, et Juliette déglutit.

— C’est horrible, commenta-t-elle.

— C’est clair.

Ce qui se passa ensuite m’horrifia, mais pas de la même façon que cela horrifia le reste du monde. L’homme qui venait de se faire tirer dessus vacilla mais ne tomba pas à terre. Il sembla avoir des difficultés à respirer pendant plusieurs secondes avant de sa peau se régénère. Un éternel, devinai-je. Il s’était fait filmer…

L’image revint sur la reporter. « Nos experts sont incapables d’expliquer comment cet homme a pu survivre à une balle pareille. À l’heure actuelle, il n’y a aucun signe visible d’une quelconque blessure au niveau de sa gorge. De nombreux tests sont encore en cours. »

— Je suis sûre que c’est un canular.

Devant ma tête horrifiée, elle demanda :

— Tu n’y crois quand même pas ?

— Si, j’y crois…

Perplexe, elle me fixa du regard. Pour paraitre innocente, j’ajoutais :

— Ils ont forcément vérifié la véracité de cette vidéo ! Il y a des gens qui sont experts là-dedans !

— Tu penses que les X-mens existent ?

Je manquais de sourire pour me moquer d’elle gentiment. Mais quelque part, elle n’avait pas tout à fait tort.

— Apparemment.

Tout d’un coup, elle se leva et se jeta sur son ordinateur.

—Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

— Je vais regarder les tendances sur twitter ! Voir ce que les gens en pensent ! S’ils y croient, quoi.

Je soupirais en levant les yeux au ciel. Elle me dévisageât d’un air malicieux.

— Je sais très bien ce que tu penses, mademoiselle je-suis-contre-les-réseaux-sociaux !

— Je ne suis pas contre, c’est juste que je n’en comprends pas l’intérêt !

—Viens voir, m’ordonna-t-elle, tu vas comprendre à quel point c’est génial.

Je m’assis à côté d’elle et jetais un œil à son ordinateur. Visiblement, la communauté internet était très divisée sur le sujet : la plupart pensait que c’était un canular, mais certains prenaient la chose très à cœur. Je vis certains mots de rage et d’insultes envers l’homme qui s’était fait tirer dessus. On le traitait de monstre, d’abomination.

C’était donc ainsi que le monde avait découvert son premier éternel. Et je savais qu’il ne serait pas le dernier. Le professeur Clayton, à l’université, nous avait expliqué que la pire période pour les éternels avait été juste après leur apparition au grand jour : n’ayant aucun statut légal, il pouvait leur arriver n’importe quoi sans que personne ne puisse réagir. Les autorités n’étaient pas autorisées à punir les coupables de crimes et délits sur des éternels. Meurtres et viols fleurirent les premiers mois, ainsi que les agressions, les divorces. Tout était acceptable dès lors que le mot « monstre » était prononcé. Et je découvrais à quel point mon professeur avait raison.

Les jours qui suivirent la première apparition médiatisée d’un éternel, de nombreuses vidéos firent le tour d’internet. Beaucoup étaient trafiquées, mais certaines étaient malheureusement vraies, et une épidémie de peur se répandit travers le monde.

— Je n’arrive pas à croire que ça existe.

Juliette avait accentué son « ça » comme si les éternels étaient en dessous de tout.

— Ils ne sont peut-être pas si dangereux, avançai-je.

— Décidément, tu n’as jamais regardé un film de science-fiction, toi. Les nouvelles espèces essaient toujours de prendre le dessus sur les humains.

—Peut-être parce que les humains traitent les nouvelles espèces comme des ennemis… marmonnai-je.

Je regardais mon téléphone pour la centième fois depuis une semaine.

— Appelle-le au lieu d’attendre qu’il réponde à ton pauvre SMS.

— Je l’ai déjà appelé, il refuse de me répondre… Je ne comprends pas pourquoi.

En fait, je comprenais très bien pourquoi. D’une façon ou d’une autre, Maxime avait dû se rendre compte qu’il n’était pas tout à fait comme les autres. Si ce n’était pas l’âge, c’était la capacité de régénération accrue. Et là, il venait de comprendre qu’il n’était pas seul sur cette terre et que les siens se faisaient traquer comme des animaux.

J’avais échangé quelques messages avec son frère (que je connaissais à peine) pour demander ce qu’il se passait avec lui, mais sa réponse avait été vague.

Je décidais finalement de me rendre directement à son appartement et de le mettre au pied du mur.

— Salut, Emma.

— Je ne te dérange pas ?

— Je… ce n’est pas le bon moment, je suis désolé…

— Tu as l’intention de m’éviter longtemps ? demandai-je de but en blanc.

Oui, j’en avais marre de son silence. Il me manquait, et je détestais qu’il ne me fasse pas confiance.

Il hésita. Je voyais bien dans son regard qu’il était perdu. Et qu’il avait peur. Devant son manque de réaction, je le poussais sur le côté et pénétrais dans l’appartement.

— Emma… Tu ne devrais pas…

Sa voix était basse, peu sûre, et cela me brisa le cœur de le voir ainsi.

— Dis-moi ce qu’il se passe, s’il te plait.

— Je ne peux pas…

— Pourquoi ?

Il n’avait pas besoin de répondre, je le vis dans son regard. Il avait peur. De quoi ? Je n’en savais rien. Était-ce que j’ai peur de lui ? Que je le dénonce ? Ou que je sois moi-même une éternelle ?

— Qu’est-ce qui te fait si peur ?

Il détourna les yeux, incapable de soutenir mon regard.

— C’est cette histoire d’éternels ?

— Éternels ?

Merde, je m’étais grillée. Personne n’avait encore nommé notre « race ».

— Ces gens qu’on voit à la télé et partout sur internet. Ceux qui survivent à des balles de révolvers.

Il ne répondit pas et alla s’asseoir sur son canapé. Je le suivis et pris sa main dans les miennes.

— Parle-moi. S’il te plaît.

— Je ne peux pas.

— C’est… parce que tu connais un éternel et tu as peur de le mettre en danger en m’en parlant ?

Il hésita. Il faillit me dire quelque chose mais se ravisa.

— Je n’ai pas peur d’eux, dis-je.

— Vraiment ?

Une lueur d’espoir traversa ses yeux. Je lui souris.

— Je pense que ce sont des gens normaux, avec un patrimoine génétique impressionnant.

— Tu sais, s’ils ne font que guérir vite, pourquoi les appeler « éternels » et non « invincibles » ?

Je me mordis la lèvre. S’il me taquinait, c’était qu’il allait mieux. Un peu mieux.

Ce qui était maintenant certain, c’était qu’il savait ce qu’il était, et qu’il l’avait découvert comme moi, en guérissant trop vite. Et il ne savait pas pour la jeunesse éternelle, contrairement à ce que j’avais pu comprendre.

— Abus de langage, j’imagine.

Il me fit un sourire et se pencha vers moi pour m’embrasser tendrement.

— Tu vas me dire ce qu’il se passe ? demandai-je, avec une moue triste.

— Pas aujourd’hui, répondit-il en baissant les yeux.

— Alors tu vas arrêter de m’éviter ?

Un petit sourire naquit sur ses lèvres.

— Ça dépend.

Je lui jetais un regard méfiant et amusé à la fois. Me prenant au jeu, je répondis :

— De quoi ?

— De mon humeur…

De nouveau, il se pencha vers moi et m’embrassa. Mais cette fois-ci, ça n’avait rien de doux et mignon.

C’était un baiser passionné, et je ne résistais pas la moindre seconde.

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