Chapitre 6

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CHAPITRE SIX

19 AOÛT 2017

De retour chez moi, je tentais de peaufiner mon plan. Peu importait l’élément déclencheur de sa haine tant qu’il avait quelqu’un pour le supporter et le guider dans sa vie d’éternel. Tout ce que j’avais à faire, c’était gagner sa confiance. Quand ce serait fait, je lui avouerais que je suis une éternelle et il comprendra que lui aussi. De là, je le guiderais et répondrais à toutes ses questions. Et si jamais l’évènement qui a fait de lui un monstre se produit, il ne sera pas seul. Je serais là pour le garder dans le droit chemin.

— Ça pouvait marcher.

Pendant la semaine qui suivit, je regrettais de ne pas lui avoir demandé son numéro. Je devais attendre le dimanche suivant pour le revoir. Cette fois-là, je ne le croisais pas en milieu de chemin mais à l’arrêt de bus. Il était assis sur un banc, son chien attaché à sa hanche grâce à une laisse spéciale, et il attendait.

— Bonjour, dis-je en arrivant devant lui.

Il se leva et m’embrassa les deux joues avant de me montrer fièrement qu’il avait attaché son chien cette fois-ci.

— Je suis fière de toi, me moquai-je en caressant l’animal, qui se mit à remuer vigoureusement la queue et à réclamer plus de caresses.

— Elle est encore un peu fofolle, m’informa-t-il.

— Je vois ça. Que me vaut l’honneur de te voir de si bon matin ?

— Oui, je connaissais déjà la réponse. Mais j’avais envie de l’entendre le dire.

Je me suis dit qu’on pourrait courir ensemble ce matin.

— Et si je n’en ai pas envie, le taquinai-je.

— Et bien je courrais derrière toi de façon à ce que tu ne me vois pas et à ce que j’ai une très jolie vue.

J’ouvrais la bouche sous la surprise et ne pus répondre. Il éclata de rire face à ma réaction et attrapa mon bras pour me trainer sur la piste.

Nous courûmes en silence tout le long du trajet aller-retour et je me sentis assez mal à l’aise. N’avions-nous déjà plus rien à nous dire ?

— Que dirais-tu de manger ensemble ce soir ?

— On arrive déjà aux rendez-vous dîner ? me moquai-je. On ne s’est vu qu’une seule fois pourtant.

— Je ne te propose pas de coucher avec moi au bout d’une semaine, bouda-t-il. C’est juste un rendez-vous comme la semaine dernière mais du soir.

— Ah ! Donc tu ne veux pas coucher avec moi ce soir ?

Je sentais qu’il se retenait de dire quelque chose aux fossettes qui naquirent sur ses joues. Il se mordit la lèvre en répondant :

— Non, pas du tout…

Je ris de plus belle. Quel type refuserait de coucher avec une fille dès le deuxième rencard ?

— Quel gentleman ! m’exclamai-je. Va pour ce soir.

— Je viens te chercher chez toi, affirma-t-il.

— Pour ça, il faudrait encore que tu connaisses mon adresse.

— Elle n’a pas été très difficile à trouver.

— Je le regardais avec de grands yeux surpris.

— Je te demande pardon ?

— Tu m’as dit la semaine dernière qu’il te fallait vingt minutes de bus entre ici et ton arrêt. J’ai vérifié, ça ne peut être qu’une seule station.

— Donc tu n’as pas mon adresse, juste la station de bus à côté de chez moi.

— Hé bien… ce serait vrai si je ne m’étais pas baladé un peu dans le quartier… Je suis tombé sur ta colocataire.

— Comment tu connais ma colocataire ?

— Elle a mis une photo de vous deux sur Facebook en disant « la meilleure coloc’ du monde ! ».

— Donc si je comprends bien… tu as suivis Juliette jusqu’à chez elle !

— Hé bien… Je promenais Ariane dans le coin quoi…

— Je n’en reviens pas ! Quel harceleur !

Je prenais l’air indigné mais j’étais plus amusée qu’autre chose. Ça me paraissait bizarre comme coutume, peut-être que c’était normal. Ou romantique.

— Certes, je m’étais moi-même renseignée sur lui, mais j’avais de bonnes raisons de le faire, moi.

— Mais ce n’est pas de ma faute… tu as refusé de me dire où tu habitais, dit-il avec une moue boudeuse. Alors j’ai dû trouver par moi-même.

Face à mon silence surpris, il continua :

— Dis-moi que tu ne trouves pas ça trop bizarre…

— Ce n’est pas bizarre, c’est flippant.

Il prit un air outré.

— Je ne suis pas flippant !

— Je n’ai plus très envie de sortir avec toi ce soir, finalement.

— Mais si ! S’il te plaît ! Sinon je dis à Ariane de t’attaquer !

Je regardais l’animal qui, assis sur le sol, remuait de la queue gaiement avec la langue pendue. Elle n’avait rien d’effrayant à ce moment-là.

— Elle peut être très féroce ! dit-il. Attaque !

Ariane le regarda avec des yeux adorateurs en se relevant et se colla à lui pour avoir des caresses.

— Terrifiant, me moquai-je. Quelle heure ce soir ? demandai-je tandis que mon bus pointait enfin le bout de son nez.

— Vingt heures.

— Quelle tenue ?

— Classe, répondit-il avec un sourire satisfait.

— Ça marche, on verra bien si je décide de venir.

— Donne-moi ton numéro au cas où.

Je saisis un papier dans mon sac à main et griffonnais mon numéro.

— Si ce n’est pas le bon numéro, tu sauras à quoi t’attendre.

Sur ces mots, je lui embrassais le coin des lèvres et montais dans le bus. Un coup d’œil à travers la fenêtre me suffit pour voir la surprise sur son visage. Et le bus démarra. Après plusieurs secondes à peine, je reçu un message d’un numéro inconnu : « bonjour. Si vous n’êtes pas Emma, veuillez ignorer ce message. Si c’est toi, Emma, répond-moi que je sache au moins si c’est le bon numéro… ». Je ris et décidais de lui répondre après dix minutes, histoire de le faire douter un peu.

De retour à l’appartement, Juliette me sauta dessus.

— Aloooooors ? demanda-t-elle.

— Il m’a invité à diner, ce soir.

Elle sauta partout en criant. Le voisin du dessous devait être sourd : les murs de l’immeuble étaient en papiers mâchés et on entendait tout ce qu’il se passait chez nos voisins. Mais personne ne se plaignait jamais de Juliette.

— Il faudrait qu’on fasse une sortie à quatre avec Roman ! s’exclama-t-elle. J’ai toujours rêvé de faire une sortie entre couples !

— On n’est pas encore en couple, rectifiai-je.

— Arrête, tu es mordue de lui !

— Je ne suis pas mordue de lui, répliquai-je, agacée.

— Mouais, je n’y crois qu’à moitié.

— De toute façon, il est hors de question de faire une sortie entre couples.

Juliette connaissait déjà le nom et la tête de Maxime, et je ne voulais pas qu’elle apprenne que je lui avais menti sur « ma relation » avec lui. Même si elle avait une mémoire de poisson rouge et qu’elle ne s’en souviendrait probablement pas.

— Au fait, tu ne travailles plus avec Franc ? me demanda-t-elle.

— Non, je me suis fait assez d’argent pour pouvoir placer en bourse ce que j’avais gagné. Du coup, je gagne presque autant qu’en travaillant avec lui.

— C’est vrai ? s’étonna-t-elle. Je n’y comprends rien à la bourse, moi…

— Si tu veux, je peux m’occuper de placer ton argent en bourse, et je touche un pourcentage de tes gains. Et si jamais tu perds de l’argent à cause de moi, je m’engage à te rembourser.

— Mais je n’ai pas beaucoup d’argent…

— Tu m’as bien dit que pour ton anniversaire, tu avais touché sept cents euros ?

— Oui.

— Tu n’as pas tout dépensé quand même ?

— Non, enfin presque pas.

— Eh bien, si ça t’intéresse, c’est largement suffisant pour commencer.

— Ce serait vachement bien !

Et un nouveau revenu pour moi ! Je pourrais presque faire carrière là-dedans…

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