Chapitre 1

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CHAPITRE UN

19 JANVIER 2724


— Michael ! appelai-je.

Il tourna la tête vers moi, sans perdre ses ennemis du regard.

— Tu t’occupes de ceux sur le flanc gauche !

Ni une, ni deux, il se jeta dans la direction indiquée. Quant à moi, je m’occupais de nos ennemis à droite. Un homme tenta de me tirer dessus mais manqua son coup. J’en profitais pour lui tirer dans la tête. Une femme apparue derrière lui mais elle n’eut pas le temps de lever son arme qu’elle était déjà morte, et elle fut vite suivie de quatre autres éternels.

En toute modestie, je faisais partie des meilleurs tireurs de la coalition, et quand il s’agissait de tuer des éternels rebelles, j’étais la meilleure. Bon... peut-être pas la meilleure, mais je faisais partie de l'élite. Je n’aimais pas particulièrement tuer, notamment des membres de ma propre espèce, même s'ils pensaient se battre pour leur survie. Mais leurs idéaux étaient corrompus par leur leader : Maxime Leroy.

Maxime était un éternel tellement âgé et intelligent qu’il n’existait que peu de données sur son enfance. Il vouait une haine incommensurable aux humains depuis toujours, et il s’était laissé consumer par elle, qui avait pris le pas sur son humanité au fil des siècles. Les injustices envers les éternels se comptaient par millions, et il les avait utilisés à son avantage pour rallier autant des nôtres qu’il en avait besoin pour monter une armée, dans l’objectif d’éradiquer l’espèce humaine.

Je considérais personnellement que tous les humains n’étaient pas mauvais, tout comme tous les éternels n’étaient pas bons. Nous étions tous les mêmes, humains comme éternels. Nous étions capables de mourir, d'être blessé, de ressentir de la douleur ou de l'empathie. Jusqu'à nos vingt-cinq ans (voire au-delà), la plupart des éternels n'avaient même pas conscience d'être différent des autres.

Je pensais sincèrement qu'un peu de volonté suffisait pour que nous vivions en paix tous ensemble. C’était la raison pour laquelle j’avais toujours refusé de rejoindre les rangs de la rébellion. J'étais souvent passée pour une traître à mon sang par les quelques amis éternels que je m'étais fait, et qui avait rejoint Maxime. Mon peuple était rempli de haine, et malgré tous mes efforts, tous les efforts de la coalition, pour ouvrir les yeux des plus sceptiques, rien n'y faisait.

Monter son armée et préparer son plan lui avait pris deux à trois siècles, selon les estimations. Personne n’avait pris sa menace au sérieux, on le considérait comme un idéaliste qui voulait créer un pays uniquement peuplé d’éternels. Ce qui était une utopie, bien sûr.

La guerre commença le 21 octobre 2717, lors de la Nuit Noire. Il était exactement une heure du matin (heure française) lorsqu’il fit assassiner la totalité des cent vingt-trois dirigeants des pays du monde, créant un chaos sans précédent. Le lendemain, ce furent les capitales des grands pays qui furent décimées à coup de bombes disséminées dans les réseaux souterrains. Il attaqua ensuite la Banque Internationale, basée en Union Italienne Socialiste, ce qui ravagea totalement l’économie mondiale.

Incapable de se remettre sur leurs pieds, les pays tentèrent pour contre-attaquer de leur mieux, mais sans succès. La République de d’Argentine et la Monarchie de France avaient presque réussit à se reprendre et avaient envoyé leurs armées défendre certains points stratégiques, mais les armes biologiques qu’ils lancèrent sur les éternels n’eurent aucun effet durable sur eux. Ils semblaient invincibles.

Le système mondial avait été anéantis en une semaine, et il ne lui en fallu pas davantage pour conquérir le monde. Avant de commencer à le détruire.

Seule une alliance entre les Hommes et les éternels qui les supportaient, appelé la Coalition, permit à l’humanité de survivre sept longues années. Je la rejoins l’année de sa création, en 2719.

Nous n’avions pas l’avantage : nos troupes se réduisaient à vue d’œil tandis que nos frères et nos sœurs tombaient au combat. Il était évident que la menace des éternels avait été grandement sous-estimée, car les armes créées pour les abattre étaient presque toutes inefficaces. Nous voyions nos chances de l’emporter s’amincirent avec le temps, mais notre détermination à gagner ne diminuait en rien. Tant qu’il resterait quelqu’un debout, la Coalition vivrait.

À la tête de la Coalition, il y avait Corentin Night, un américain humain et un stratège incroyable. Il nous avait conduit à de nombreuses victoires au court de cette guerre. Il était accompagné du physicien Cho Mizuki, un éternel nous venant de l’ancien Japon et de la scientifique Sofia Ricci, une éternelle italienne. Cho et Sofia étaient capables de créer des machines, des équipements et des armes si géniaux que nous n’aurions rien pu faire sans eux.

Leur meilleure invention, le Thiding V04, était une arme à toute épreuve contre laquelle même les éternels avaient du mal à se relever. Sans mentir, c’était mon petit bébé à moi. Il était capable de tirer des balles qui faisaient de magnifiques et énormes trous. J’adorais ça !

Ce jour-là, notre intervention consistait à investir le dernier lieu de résidence de Maxime. Douze équipes avaient été déployées pour fouiller les entrepôts à la recherche de prisonniers et d’ennemis, et nous savions que dans le manoir situé tout au fond de la zone se trouvait notre cible. C’était une entreprise dangereuse. À tout moment, il pouvait nous réduire en poussière ou nous capturer à l’aide d’un piège. Mais c’était notre dernière chance. Il nous avait fallu six mois pour trouver cet endroit, et s’il s’échappait, nous ne serons probablement plus assez en vie pour le pourchasser de nouveau. L’explosion de Vienne le mois précédent avait causé de très nombreuses pertes au sein de la Coalition…

Nous ne pouvions pas faillir ni nous décourager. L’avenir de la planète reposait sur nos épaules, et nous avions jurés de défendre les Hommes jusqu’à notre mort. Et ainsi il en sera.

— Éléa ! m’avertit Charles, qui se trouvait à l’étage. J’en ai fini ici.

— Bien joué, m’exclamai-je, me mettant à l’abris derrière un mur. Tu nous rejoins pour le couloir ?

— Si je ne protège pas tes arrières, qui va s’en occuper ? railla-t-il.

Je lui lançais un regard désapprobateur mais le petit sourire qui naquit au coin de mes lèvres ne lui échappa pas.

— Il te reste des balles ? demanda-t-il.

— Dix-sept dans ce chargeur, et il me reste cinq chargeurs de vingt-cinq. Toi ?

— Deux chargeurs de trente.

Je fouillais dans ma poche et lui balançais l’un de mes chargeurs.

— Merci ! Où est Michael ?

— Il est parti dans le couloir de gauche, indiquai-je. Il ne devrait pas tarder à voir le fond et à revenir vers nous. Quand tu es arrivé, je venais tout juste d’en fumer trois mais deux autres sont partit se réfugier derrière la porte là-bas.

Je lui montrais du doigt une vieille porte en fer, une mode des années 2330 si mes souvenirs étaient exacts. Je n’étais pas aussi vieille, mais j’avais étudié l’Histoire. J’avais même été diplômée ! Trois fois, par trois académies (et oui, quand on est éternel, il faut bien s’occuper !). Et pourtant, j’avais beau faire des efforts, je ne serais jamais une intellectuelle. J’étais une fille de terrain. Et j’étais bonne à ça.

— On l’attend où on y va ?

— On devrait y aller, suggérai-je. On n’a plus beaucoup de temps. Si Maxime nous échappe encore, ce sera probablement la dernière fois qu’on sera aussi proche de lui.

Avec le temps qu’il nous a fallu pour le localiser, il est hors de question qu’on perde ce fils de pute ! s’écria-t-il en se lançant vers la porte.

Je le suivais de près, assurant ses arrières. Il sortit de sa poche un détecteur de piège explosif et testa la porte.

— Négatif, chuchota-t-il avant d’ouvrir et d’entrer dans la pièce.

Un coup de feu retentit et il se jeta au sol, se cachant derrière une table cabossée. J’utilisais le pan de la porte pour me couvrir. L’un des avantages des bâtiments de cette époque, c’était leur résistance. La troisième guerre mondiale avait poussé les habitants à se construire des maisons anti-bactériologiques, ce qui impliquait d’installer des murs très épais.

Charles m’indiqua d’un signe de la main d’où venait les coups de feu et je posais un genou au sol, prête à tirer dès que j’apercevrais notre ennemi.

Je n’appréciais pas particulièrement ce genre de position car je me sentais vulnérable. En tirant dans le trou que formait la porte ouverte, il avait une chance sur deux de me toucher.

D’un geste rapide, Charles m’expliqua que je devais sauter à ses côtés et lui faire confiance. Alors je m’exécutais aussi rapidement que possible, mais l’une des balles de notre adversaire m’effleura le bras. Celui-ci tirait avec des balles normales, et ma blessure guérit en quelques minutes. Une chance que Maxime n’ait pas d’ingénieurs comme les nôtres parmi ses troupes. Si ça avait été le cas, il aurait gagné depuis bien longtemps. À croire que les intellos étaient plus ouverts d’esprit.

Grâce à ma diversion, Charles pu dénicher la planque du tireur. D’un tir plus ou moins précis de son EXD 340, il explosa le meuble derrière lequel il était caché puis, lorsqu’il fut à découvert, lui tira dans le cœur.

Charles était le genre de tireur comme on en voyait peu. Il avait une arme différente dans chaque main : dans la droite, c’était la même que moi, dans la gauche une arme explosive.

— Joli tir, félicitai-je.

— En fait, je visais la tête…

Je ris à sa blague. Il était le meilleur tireur au pistolet de toute l’équipe : des tirs précis et rapides, qui ne rataient jamais leur cible. Moi, je préférais les mitraillettes en général. Le K-23 N6, un révolver que je ne prenais que dans ce genre d’endroit où je ne pouvais pas tirer avec une mitraillette, possédait des balles empoisonnées. Il me suffisait de toucher une seule fois mon adversaire pour le paralyser un éternel plusieurs minutes. Un humain normal serait assommé plusieurs heures ou pourrait tout simplement ne pas y survivre.

Nous pûmes enfin rejoindre la sortie. Je me saisis de mon communicateur ultra sécurisé et contactais Michael.

— J’ai terminé de mon côté. Charles est avec moi, où en es-tu ?

Une explosion me répondit à l’intérieur du bâtiment. Une once de panique me traversa avant que la voix de mon ami me réponde.

— All clear, my dear !

— Arrête de parler anglais, tu sais très bien que je n’y comprends rien.

— Je vous rejoins dans trente secondes les enfants ! ajouta-t-il.

— Ok

Je réglais mon communicateur sur la fréquence du groupe.

— Le bâtiment J est sécurisé. Nous attendons encore Michael avant de sortir par l’arrière. Aucun signe de Maxime.

— Très bien, me répondit la voix d’Aminata, notre coordinatrice. Édouard, tu as la sortie en visuel ?

— Affirmatif. Je couvre leurs arrières. RAS dans le secteur. Vous pouvez sortir.

— Michael vient d’arriver, prévins-je.

— Dirigez-vous vers le bâtiment T.

Nous nous approchâmes du bâtiment sur nos gardes. J’avais confiance en Édouard et en ses compétences avec un sniper, mais je savais que l’armée que nous affrontions était au moins aussi douée que nous.

— Ils sont suffisamment éloignés, affirma Édouard.

— Destruction immédiate.

Et le bâtiment explosa derrière nous. La zone où nous nous trouvions était composée de dizaines de bâtiments et nous étions douze équipes pour les fouiller les unes après les autres. Les faire exploser nous assurait qu’aucun de nos ennemis ne s’y réfugierait après notre passage. Il était beaucoup plus difficile de se cacher dans de la poussière.

— Nous venons de perdre l’équipe 9, informa Aminata d’un ton grave. Ils étaient dans le bâtiment S.

— Paix à leurs âmes. Puissent-ils trouver le repos.

Michael jura et mes doigts se crispèrent sur mon arme. Je m’étais de nouveau saisit de ma magnifique mitraillette Thidinq V04 et quand une demi-douzaine d’éternels firent irruption du bâtiment T, je les fumais tous en dix secondes. Un retardataire se fit transpercer la tête par Édouard lorsqu’il tenta de s’approcher furtivement de nous.

Michael et son fusil à pompe rentrèrent les premiers dans le bâtiment et nous pûmes secourir trois prisonniers.

Nous avions déjà fouillé une bonne partie de la zone, presque la totalité. Maxime savait que nous arrivions, mais selon nos analyses du terrain, il n’avait pas de moyen de s’échapper à moins de se diriger dans notre direction ou de s’envoler. Nous nous étions bien sûr assuré qu’il n’y avait pas de tunnel sous les bâtiments, et nous avions un homme posté sur un toit avec un bazooka à tête chercheuse. En théorie, il ne pouvait pas sortir d’ici vivant.

Ce qui était surprenant, c’était que les caméras thermiques ne remontaient aucun mouvement particulier dans le bâtiment principal. Aucune activité particulière… Cela ne pouvait vouloir dire qu’une chose : Maxime voulait que nous le trouvions, il nous attendait. Ou alors c’était un piège et il n’avait jamais résidé ici.

Je connaissais très peu Maxime, nous nous étions croisés plusieurs fois à différents évènements d’immortels, mais nous avions très peu parlé. Mais s’il y avait une chose dont j’étais certaine, c’était qu’il voulait absolument sauver les siens tant qu’il avait de l’espoir pour eux. Que manigançait-il ? Pourquoi si peu riposter avec les armées dont il disposait ? Attendait-il que les humains (qui étaient clairement les cibles de nos attaquants) de nos équipes périssent pour nous proposer de le rejoindre ? C’était la seule explication logique pour moi, et elle n’était pas dénuée de sens.

Le bâtiment T fut très rapide à nettoyer mais Charles pris une balle dans l’épaule. Je rangeais mon arme et sortit notre kit de secours. Je déposais l’anesthésiant local sur la plaie avant d’en retirer la balle. Ensuite, j’utilisais le cicatriseur que j’appliquais à l’intérieur de la plaie avant de lui bander le bras. Et il réussit à ne pas crier, ce qui était très impressionnant.

— Ça ne devrait pas te faire mal longtemps, affirmai-je.

— Je sais ce que c’est, ma petite, je me suis déjà pris des balles tu sais !

Je ris. Charles avait quarante-sept ans et moi cent quatre-vingt, mais il avait tendance à me traiter comme la jeune femme de vingt-cinq ans que j’avais l’air d’être.

— Mais tu n’as jamais été guérit par ce cicatriseur : il fait des miracles ! C’est Sofia qui l’a créé et honnêtement, je me demande s’il n’est pas magique.

Plus loin, un coup de feu attira notre attention mais nous ne vîmes rien.

— Ça doit venir d’un autre bâtiment, affirma Michael, qui nous couvrait.

— Éléa, appela Aminata sur mon communicateur.

— Je suis là. On a dû s’arrêter car Charles a été touché. Ce n’est qu’une blessure minime, il s’en remettra.

— Ekram va se joindre à vous, il est le seul rescapé de l’équipe 1.

Une autre équipe qui venait de succomber. Nous n’étions plus que sept sur quinze. Je connaissais Ekram depuis des décennies, c’était un éternel indien qui avait passé la majeure partie de sa vie à apaiser les âmes de son pays. Il avait fait figure de grand prêtre, de Pape ou de ce que vous voulez. Une figure pacifique et religieuse jusqu’au jour où son temple fut détruit. Il fut d’abord en colère envers les humains jusqu’à ce que je lui prouve que tout avait été orchestré par Maxime pour le convaincre de rejoindre ses rangs. À partir de ce jour, il avait décidé de prendre les armes et de se joindre à notre cause.

— Ekram est arrivé, informai-je.

— Très bien, vous allez vous rendre directement à la résidence. Les équipes 2, 14 et 15 s’occuperont des trois derniers bâtiments.

— Et les équipes 6, 10 et 12 ?

— Nous avons perdu le contact avec l’équipe 6 après un assaut mais c’est probablement un problème technique.

Il y eut un blanc d’une seconde avant qu’elle ne reprenne :

— Les équipes 10 et 12 ont été décimées. Les trois survivants ont été rattaché aux autres équipes.

Et merde.

— Faites très attention. C’est très probablement l’endroit le plus protégé de l’entrepôt.

— Je sais…

— Éléa…

La voix d’Aminata se perdit dans un souffle.

— On compte sur vous ! affirma Édouard. Et vous n’avez pas intérêt à mourir, c’est bien compris ?

Un sourire éclaira mon visage. Il était vraiment nul pour encourager les gens.

— Qu’est-ce que tu crois ? On n’est pas n’importe qui !

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