Mousse

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  Une année de plus s’écoula. Le printemps se montra à nouveau particulièrement généreux en pluies, si bien que l’atmosphère du sous-bois resta humide pendant tout l’été qui s’ensuivit.

Mes racines avaient bien grossi. Les glissements de terrain provoqués par les lourdes averses printanières en avaient découvert certaines, qui affleuraient du sol autour de mon petit tronc. Dénudées en l’espace de quelques heures, elles avaient d’abord été très sensibles, comme si j’avais été égratigné. Puis leur couche supérieure durcit, et elles prirent la même consistance que mes branches, leurs copies aériennes.

Du sol meuble et frais ne tardèrent pas à surgir de minuscules pousses qui retenaient entre leurs filaments les gouttes de rosée : c'était la mousse. Elles poussa comme une forêt miniature, se regroupant en de gros monticules à certains endroits. Cette mousse était d’un vert si éclatant qu’il paraissait briller dans l’ombre du sous-bois. Je fus heureux de constater qu’elle prenait ses aises et commençait à investir mes racines qui dépassaient de terre. Tout le bas de mon tronc se retrouva ainsi recouvert d’une couche protectrice. La mousse forma un réseau de racines microscopiques qui se glissaient dans les aspérités de mon écorce, sans me faire aucun mal, sans rentrer dans ma chair.

Non seulement ce végétal attentionné maintenait une chape d’humidité pendant les longues après-midi estivales, mais il attira aussi une myriade d’insectes autour de moi. Ce furent d’abord de petits organismes rampants qui colonisèrent la zone, rapidement rejoints par des insectes ailés. La mousse se mit à grouiller de vie, de jour comme de nuit. Des dizaines d’escargots passaient régulièrement faire le plein de fraîcheur sous mon ombrelle de feuilles, de minuscules araignées investirent les sinuosités de mes racines pour y tisser leurs toiles qui se constellaient de gouttelettes de rosée tous les matins. Ces premiers résidents ne tardèrent pas à en attirer d’autres.

De drôles de créatures à la peau verte et luisante, qui se déplaçaient par petits bonds, venaient chasser pendant la nuit. Elles se postaient, immobiles, dans un renfoncement de mes racines, attendant qu’une proie se présente pour ouvrir tout grand leurs bouches et capturer les pauvres insectes dans leurs langues élastiques. Elles revenaient rarement bredouilles. Un autre animal, hérissé de piquants, venait aussi tous les soirs faire sa ronde autour de mon tronc, à la recherche de limaces ou d’escargots grassouillets. Je pouvais également apercevoir certaines nuits d’autres créatures bondissantes, aux longues oreilles et à la fourrure brune. Ces êtres-là ne s’approchaient jamais de moi, préférant brouter l’herbe luxuriante qui poussait tout autour de ma clairière envahie par la mousse.

J’étais aux anges. Enfin la forêt m’acceptait en son coeur. Chaque lambeau de mousse m’ancrait un peu plus dans le sous-bois, chaque être vivant qui m’honorait de sa présence confirmait mon droit d’y être né et d’y vivre. Je passai ainsi l’un de mes plus beaux étés.

A l’automne, ce tapis végétal accueillit de nombreux champignons qui pointaient çà et là le bout de leurs chapeaux. Ce fut l’une de mes seules sources de réjouissance : il se mit pleuvoir tant et tant ces quelques mois que le sol devint spongieux et instable. Plusieurs arbres voisins s’écroulèrent sous leur propre poids ou se noyèrent dans la terre gorgée d’eau. La mousse s’empressa de recouvrir leurs troncs morts.

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