Biches et écorces

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  J’eus beau survivre à l’hiver, ce ne fut pas une partie de plaisir. J’avais émergé là où se trouvait la lumière, au centre d’une petite clairière. Mais dans cet espace presque vide circulait un courant d’air glacial. Mes maigres branches se retrouvèrent enveloppées d’une couche de glace transparente. La sève n’y remontait même plus.

  Mon ami champignon contribuait à notre relation symbiotique en m’apportant divers nutriments nécessaires à ma survie. Malgré sa présence, je me sentais à nouveau seul. Seul face aux monde et à ses éléments, à son vent et à son givre, à sa neige et à sa glace.

Seul, je l’ai été lorsqu’une nuit où la pleine lune éclairait ma clairière comme en plein jour, deux masses sombres se sont approchées de moi sans un bruit. Le museau de la plus grosse me souffla un air tiède dessus, tandis que celui de la plus petite créature se frottait contre mon tronc. Alors que je pensais que la biche et son faon allaient me laisser tranquille et passer leur chemin, une douleur aiguë me transperça. La biche venait de planter ses dents dans mon écorce. Elle arracha un morceau avec précaution, le mâcha et l’avala devant moi. Puis elle continua sa besogne, un coup offrant le bout d’écorce arrachée à son faon, un coup se réservant une bouchée goulue. Je fus rapidement déshabillé de ma couche supérieure. Alors que je faisais déjà mes prières, persuadé que les deux animaux allaient me dévorer vivant, la biche releva la tête et s’en alla d’un pas tranquille, rassasiée.

Le froid me saisit encore plus, maintenant que mon écorce supérieure avait disparu. J’avais mal, j’avais peur, j’étais gelé. Je venais une nouvelle fois d’assister à mon impuissance. Je n’avais pas de crocs, de bec ou de griffes pour me défendre, j’étais seul. Ma chair me semblait presque à vif, à la merci de la morsure du froid.

La douleur s’atténua avec le temps. L’écorce dénudée durcit à son tour, et une nouvelle couche plus résistante la remplaça au printemps, d’une couleur différente. L’expérience se reproduisit chaque nouvel hiver, mais mon écorce épaississant un peu plus chaque année, il vint un jour où je ne remarquai même plus qu’on m’avait blessé.

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