La sève

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  L’été avançait et ma croissance progressait tout autant. Je présentais à présent une ébauche de tronc souple et solide. Ma tige tenait debout grâce à mes vaisseaux vascularisateurs qui faisaient parvenir mon suc jusqu’aux parties les plus reculées de mon organisme. Il faisait beau, il faisait chaud, mes feuilles fonctionnaient à plein régime, m’assurant une respiration idéale. J’étais puissant et plein d’énergie, bien que ma taille ne dépassât pas le mètre. Ma sève montait et descendait dans mon petit tronc, des feuilles aux racines, avec fluidité.

Puis le temps se rafraîchit. Le soleil commença à se faire rare. Les masses de brouillard étaient plus épaisses et mettaient plus de temps à s’évaporer autour de moi. Il pleuvait, aussi. Ce n’était pas pour me déplaire, l’eau constituait une part importante de mon alimentation. Mais je constatais peu à peu un changement à l’intérieur de moi. Ma sève, auparavant si fluide et si puissante, ne circulait plus correctement dans mes fibres, engourdie par le froid. Elle prenait de longues heures pour faire le tour de tout mon organisme, contre quelques minutes au plus chaud de l’été. Je compris que je ne pourrais pas vasculariser chacun de mes membres quand l’hiver se serait installé. Il me fallut faire un choix.

Comme il fut difficile de me séparer de mes chères feuilles ! Elles m’avaient permis de voir et de sentir tout le long de l’été, m’avaient fait respirer, me rafraîchir. J’avais été si fier de les faire sortir de terre. J’avais tant pris soin d’elles après l’attaque des chenilles. Avec le soleil qui n’inondait plus ma clairière, je n’avais plus besoin de leurs services.

Je cessai de les irriguer en sève. Elles se vidèrent de leur eau, séchèrent, durcirent. Leur couleur passa d’un vert éclatant à un jaune orangé. Elles devinrent cassantes. La première d’entre elles ne tarda pas à être emportée par une bourrasque, elle se détacha avec un claquement sec, plana quelques secondes et se posa sur le sol. Les autres la suivirent bien vite. Je fus complètement dénudé en à peine quelques jours.

  Il en fut de même pour mes racines. Je choisis avec soin celles dont je conserverais l’irrigation pendant l’hiver, et délaissai les autres. Alors que le sol baissait peu à peu en température, puis se couvrait de givre, je gardais ma chaleur dans mon sein. Ma graine était toujours là. Sa coque protectrice avait complètement éclaté sous la poussée de mes racines et le grossissement de mon tronc, mais son coeur n’avait jamais cessé de battre. Je ne grandis plus pendant cette période, consacrant mon énergie à survivre dans le froid. Ma sève parcourait un circuit plus court, mais plus lent. Elle était moins riche, moins fluide, mais n’arrêta jamais sa progression.

Je parvins à survivre à ce premier hiver en tant qu’arbrisseau. Ce ne fut pas le cas de nombre de mes semblables qui, moins bien armés face au froid ou au manque de nutriments, virent leurs flammes s’éteindre. Qu’à cela ne tienne, cela ferait moins de concurrence pour la lumière une fois le soleil revenu.

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