XXVI

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-Non Adèle c’est important, tu viens manger.

-S’il-te-plait, j’ai pas faim. Suppliais-je.
-C’est trop important, tu viens manger Adèle ! J’en avais vraiment pas envie d’y aller mais mon père me tirait du lit.

-Ok, ok. J’arrive.

-Merci, allez viens. Me dit-il en me prenant la main pour m’aider à me lever moi et mon gros ventre. En passant devant mon miroir, je me rappelais du problème d’habillage que posait ce même ventre.

-Papa ? Demandais-je. Il se retourna.

-Oui ?

-Mes, mes vêtements sont de plus en plus petits, ça commence à vraiment me serrer.

-Ah, oui. Oui bien sûr. Je vais regarder si ta mère n’a pas laissé des affaires de grossesse au grenier. J’étais très surprise qu’il parle de ma mère aussi soudainement. On en parle pas souvent à la maison. Je ne savais pas qu’elle avait laissée des affaires à la maison.

-Attends, y a des affaires à elles dans le grenier ? Pourquoi tu ne me l’a pas dit ? Demandais-je.

-Tu ne me l’a jamais demandé. Mais on peut y aller ensemble si tu veux. Cette idée de monter là-haut m’emballais pas trop. Je refusais et nous allâmes manger le diner. Mon frère à mis la table, tout était près. Nous mangeâmes tranquillement. Mon frère et mon père parlait de truc de sport, match, football, tennis… je les écoutais parler. C’était une discussion comme avant, je n’en perdais pas une miette. Après avoir débarrassé la table, je retournais dans ma chambre après leurs avoir souhaité bonne nuit. J’étais exténuée. Heureusement, c’était le week-end, il passa si vite. Durant ces deux jours, mon père est allé dégoter des habits de grossesse au grenier. Une des rares choses que ma mère m’ai laissé. Il est redescendu avec un carton entier de fringues ! Tout ce qu’il faut pour se sentir bien. Je me sens plus confortable dans ces habits que jamais. Je suis quand même un peu triste de voir que je grossis un peu plus chaque jours. Je ne peux plus mettre de pantalon normaux, c’est triste.
Mais bon, la semaine reprend. Aujourd’hui, mardi, j'ai sport : Badminton. J'aurais adoré jouer mais je ne peux plus, c’est déconseillé. A dix heures, je pars du lycée en direction du gymnase qui est à cinq minutes à pied. Il fait chaud, j’ai prévue une bouteille d’eau au cas où. Je marche seule, les écouteurs enfoncés jusqu’au tympans. Soudain, je m’aperçois qu’on marche derrière moi, je commence à prendre peur, on me suit. Je me retourne et vois Vincent.

-Vincent ? Tu m’as fait peur ! Je m’exclame en cachant ma peur passée.

-C’est que moi, qu’as-tu crus ? Me dit-il en souriant. Ca va ? Continue-t-il.

-Bof, fatiguée quoi. Dis-je sans grande conviction.

-pas top top quoi ! Tu vas en sport là ?

-Ouai.

-Tu vas en faire ?

-Nan, t’es con ou quoi ? Dis-je en souriant.

-Tant mieux, t’as changé quelque chose non ? Ton maquillage ? Tes habits ?

-Peut-être… J’ai pas trop envie d’en parler.

-Ok. Tu vas faire quoi pendant ces deux heures ?

-Je sais pas, te regarder suer comme un porc!

-Donc tu mates toi ?! D’accord, je savais pas que t’étais comme ça ! Enfin non, excuse-moi c’est pas ce que je voulais dire…

-T’inquiètes pas va ! Nous arrivons devant le gymnase. Une partie de la classe est déjà arrivée. On nous regardes arriver. Ca me gêne beaucoup mais je en laisse rien paraître. Ils me regardent tous, de haut en bas. Je sais que ça commence vraiment à se voir, je le sais. Même si j’ai mis un sweet, ça se voit. Mme Fleurit, la prof, n’est pas encore arrivée, nous sommes en avance. Je m’assois sur un des bancs devant le gymnase, on me scrute du regard. Vincent est toujours à côté de moi.

-On s’en fout d’eux ! Me dit-il, il voit bien que je suis gênée. Nous discutons tout les deux quelques minutes avant de voir la prof arriver. Elle est petite, la cinquantaine, toujours en jogging comme la plupart des profs de sports, elle a des lunettes et les cheveux rouges/mauves, elle se croit trop jeune, ça en devient drôle des fois ! Elle ouvre le gymnase, nous entrons à l’intérieur.

-Bon, tout le monde, comme la semaine dernière, dix minutes d’échauffement et vous prenoez les raquettes après. Allez go ! Je vois tout le monde poser sont sacs et aller s’entraîner. Je mets mes mains dans mon sweet et attend. Je suis terriblement gênée, plantée là, seule. Vincent est parti s’échauffer. Je vais dans les gradins. La prof le voit et vient me voir.

-Ba alors Adèle ? Qu’est-ce que tu fais dans les gradins ? Elle n’a pas l’air de savoir, où alors c’est une très mauvaise blague.

-C’est pas drôle. Dis-je, peut-être avec un ton un peu insolent.

-Non mais oh ! Pourquoi madame aurait le droit de sécher ??? Je te demande pardon ! Je crois qu’elle ne rigole pas. Je tente un truc.

-Le directeur ne vous a rien dit ?
-Non, j’été en arrêt maladie pendant un moi, j’ai raté quelque chose ? J’étais vraiment très mal à l’aise. En plus, je voyais les élèves scruter la scène. Heureusement, ils sont assez loin. Je me sentais obligé de lui dire mais elle ne me laissa pas le temps de l’avertir.

-Tu as une dispense ? Me demande-t-elle. Ca ne se voit pas ?! Je me rappelle du papier que ma donné le médecin lorsque j’ai appris… Je cherche dans mon carnet, le retrouve et l’ouvre. C’est ça : dispense urgente de sport, motif : grossesse (7mois). C’est écrit noir sur blanc. Je la donne à la prof, elle l’a vérifie et ses yeux deviennent globuleux. Je suis ultra gênée, elle avait l’aire sincère et l’apprend sur un bout de papier.

-Tu rigoles j’espère ?! Me dit-elle, pourtant c’est écrit noir sur blanc ! Mais, tu as fais du sport cette année, c’est pas drôle.

-C’est pas une blague. Dis-je, le regard sombre. C’est bon ? Je suis dispensé où je dois quand même aller m’échauffer avec ça ? M’énervais-je en désignant mon ventre, mes mots ont peut-être dépassé ma pensée. Elle garde le papier dans ses mains et me laisse tranquille. Elle digère la nouvelle je pense, elle va voir ses élèves qui s’échauffent. Elle n’a pas du apprécier de l’apprendre comme ça. Je méditais en voyant la classe se chauffer. C'est vrai, maintenant, je ne peux plus rien faire d'épuisant… c'est ''fortement déconseillé'' comme l'a dit l'obstétricienne. Je réfléchissais à ça quand une fille de ma classe m'adressa la parole. Elle aussi ne faisait pas sport.

-Eh adèle, toi aussi tu fais pas sport ?

-Non

-Ah bon pourquoi ? Elle se reprit tout de suite. Pardon, c’est trop indiscret, oublie ça.

-C’est bon, t‘inquiètes. Curieuse je lui demandais pourquoi elle aussi ne faisait pas sport.

-Truc de filles si tu vois ce que je veux dire. Mais de toute manière je n'aime pas le badminton. On a continué à parler un petit peu et puis elle s’est endormit. Moi je me suis réfugié dans le dessin. Le cours s’est lentement terminé. J’ai eu le temps de faire quelque croquis des élèves en badminton. Pas ouf’ mais bon, je reprends doucement le dessin. La journée est passée lentement aussi mais j’ai fini à 15h grâce à une prof absente. Je rentrais comme d’habitude chez moi et me mis au travail.

Les jours passent, j’essaye de reprendre les rênes de ma vie, c’est difficile. Je me suis remis au dessin. Mon style a changé, il est plus obscur, profond, noir. Des cranes de mort, du sang, je noie mes mauvaises pensées dans mon carnet de croquis. Ça me laisse m’exprimer, partir, je laisse le crayon guider ma main. Du noir, du gris, quelques teintes de rouges, je laisse mes émotions prendre le dessus. Le couvercle que je mets tous les jours sur le bocal de mes problèmes s’envolent. Je me replonge dans les questions auxquelles je n’ai toujours aucune réponse. J’aurais peut-être pu mourir ce jour-là… Qu’est-ce qui m’a fait tenir ? Pourquoi ? Je ne sais toujours pas quoi faire de ce qu’il y a dans mon ventre… Cette chose qui me donne tant de problèmes… Je ne sais pas quoi faire. Je ne veux pas reproduire le schéma de ma mère en l’abandonnant, grandir sans mère a été si dure pour moi, je ne peux pas faire endurer ça à une autre personne… C’est un bout de moi qu’il y a là-dedans, je ne peux pas faire comme si de rien n’était parce que c’est faux, il y a quelqu’un là-dedans. Sept mois qu’il y est, je suis passée outre plusieurs mois, aujourd’hui je ne sais plus quoi faire. Il est comme moi, une victime. Logé dans mon ventre, il y grandit et y vit en attendant de venir au monde. Venir au monde ? Dans quelques mois ça arrivera, il sera là. Je ne suis pas prête. Cette réalité que j’ai refusé, que mon corps à refusé, est bien présente là-dedans. Au plus profonds de mes entrailles dort le fruit de ce viol. Un mélange d’Adn, un mélange de deux personnes tellement différentes. Repenser à celui qui m’a fait ça me dégoute au plus profond de moi. Est-ce qu’il lui ressemblera ? Est-ce qu’il ressemblera à cet homme au foulard vert ? Celui qui a tout gâché dans une vie déjà pas bien rose… Je revois son regard glaçant, sa main qui me touche, son odeur de parfum me révulse… Ses bruits de plaisirs intenses bourdonnent dans mes oreilles, j’aimerais effacer tout ça de ma mémoire mais c’est gravé au fer rouge sur ma peau. Je ne peux plus fuir et pourtant je ne vois aucune porte de sortie. Maintenant, je sais qu’il y a une porte là-haut accessible à tout moment, en un mot : suicide. Je replonge dans mes pensées les plus sombres. Cette porte, je peux l’ouvrir si c’est trop difficile à supporter. Elle est là, au-dessus de ma tête. J’ai déjà essayé une fois, la prochaine sera peut-être la bonne si je n’y arrive pas ? Cette porte reste à mes côtés, elle est si facile à ouvrir. Je dois m’abstenir. En attendant, j’essaye du mieux que je peux de vivre. J’essaye, c’est dur, très dur, trop dur. J’aimerais tant le voir pourrir en prison, le voir souffrir, le voir mourir. Pourquoi suis-je restée dans cette salle ce jour-là ? J’avais confiance en lui, qui pouvait savoir ce qu’il s’apprêtait à faire ? Une confiance aveugle pour un prof, un adulte censé incarné le bon chemin, le respect et la réussite. Cette image du bon professeur prêt à aider ses élèves m’a trompé. Ce mirage n’est qu’un mensonge, une simulation de ce qu’ils sont vraiment. Nous sommes des moutons qui suivent le mouvement. Je suis juste un mouton destiné à l’abattoir ? Pourquoi m’a-t-il choisi ? Je n’ai rien d’attractif, rien. Savoir qu’il est le père de cet enfant dans mon ventre me révulse toujours autant. Lui, une progéniture ? Lui, une continuité, une descendance ? J’ai beau me dire que ce n’est qu’un mélange d’ADN, je n’y arrive pas. Je ne sais pas. Tous ça n’est que tourmentes. Je sais pas quoi faire. Mon père rentre brusquement dans ma chambre, je suis toujours sur mon bureau, toujours noyée dans mes pensées.

-Adèle chérie ça va ? Me réveille-t-il. Je le regarde puis laisse tomber les yeux.

-Ouai, ça va… Je m’y remets, bisous. Dis-je en parlant des tas de devoirs à faire sur mon bureau. Je ne lui laisse pas le temps de répondre. Je crois qu’il a compris. Des fois, il vaut mieux laisser tomber. J’essaye de retrouver ma concentration, j’essaye. Je n’y arrive pas, tant pis. J’ai envie de sortir, de faire la fête pour oublier tout ça… Malheureusement, je ne peux plus. Toujours ce truc qui me scotch ici. Mon téléphone vibre, c’est le groupe insta’ de la classe. J’y vais, histoire de me changer les idées. Les discussions fusent. ‘’Vous avez vus Vincent et Adèle, vous les shipez vous ?’’ demande l’une des populaires. Comment ça on nous ship (voit ensemble, en couple) ? Sérieusement ? Mes chers camarades s’emballent.

-Mais grave, ils sont toujours ensemble ! dit l’un.

-Qu’est-ce qui se passe ?!

-Y a de l’amour dans l’air on dirait !

-Si ça se trouve, c’est le père de son gosse ! insinue un autre.

-grave !

-Ca ne m’étonnerai pas.

Ces messages me choquent profondément. D’habitude, nous sommes invisibles, jamais remarqué, et là, je fais l’objet de théories aussi connes les unes que les autres ! Je me sens obligé de défendre le peu d’honneur qu’il me reste. Je vois à ce moment précis un message arriver.

-Vous voulez pas la lâcher un peu non ? Vous ne savez rien alors fermez là, sérieux ! C’est un message de Vincent. Je suis encore plus choquée. J’ai vu tous ces messages, ils me font froid dans le dos. Il ne faut pas les écouter, je le sais, mais au moins je vois le vrai visage de la classe dans laquelle je suis. Je m’en lasse et éteint mon téléphone. Je n’aime pas les commérages. Je descends me faire un gouter, il est 16 heures.

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