XII

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 Ma canette de coca à la main, je monte dans ma chambre. La pochette de cours sur mon bureau, je m’y installe et l’ouvre. Je réfléchis encore sur revenir ou non au lycée. Je me connais et je sais que travailler à la maison va encore plus m’aider à décrocher. Je n’arriverais pas à suivre normalement les cours. Ce que je veux, c‘est justement revenir à la normale, faire l’école à la maison ne m’y aidera pas. En plus, ça fait maintenant plus de deux semaines que je n’ai vu personne à part Vincent. Je crois que ça influe sur mon mentale, déjà qu’il est assez faible. Et en même temps, si je reviens, je vais devoir me montrer, les gens les plus cons vont sûrement se moquer, je serais vu comme la fille qui n’a pas pu dire non, la faiblarde. Ou alors, encore pire, ils auront tous pitié de moi. Je ne veux pas de leur pitié, en aucun cas. Qu’est-ce que je peux faire ? Je suis coincée, dans les deux cas se sera très difficile. Il faut que j’y réfléchisse, encore. En attendant, je jette un œil au dernier cours. Je les rattrape, range, colle, recopie, agrafe, un vrai chantier ! Reprendre tous les cours m’a pris au moins une heure et demi. Les profs ne lésinent pas sur les cours, en même temps, la bac approche. Cet enfant n’aura même pas un mois quand je devrais le passer. Quelle vie difficile je vis ?! Je me décide à prendre mon téléphone. Je vais envoyer un message à Vincent, j’ai pas été cool hier. ‘’Salut, désolé pour hier, j’ai été conne. Je suis allée porter plainte. T’avais raison sur toute la ligne, excuse-moi.’’. Voilà, tout ce que j’écris est vrai. Je suis franche avec lui, il le mérite. Il me répond quelque seconde après.

-Content de voir qu’un de mes conseils a enfin été écouté ! C’est peut-être encore un peu tôt mais, est-ce que ça te dirais de sortir, je sais pas, faire un truc cool ?

-Un truc cool ?

-Tu aime l’art ?

-Ouai. Pourquoi ?

-Tu me fais confiance ?

-Dans la mesure où ça fait à peine dix jours qu’on se connaît, j’avoue, je sais pas trop. Effectivement, bien qu’il m’ai sauvé la vie, je ne sais pas, faire un truc de ‘’cool’ ? Je me méfie encore plus des hommes cette année…

-Vu sous cet angle, t’as raison. Mais je suis têtu. Demain, 18 h 30 en bas de chez toi ? Je réfléchis à sa proposition. On sera tout seul, il fera certainement nuit. ‘’Faire un truc cool’’ ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Je suis de nature curieuse .

-J’aurais jamais du te donner mon adresse ! Ecrivis-je sur un ton humoristique. Bon, d’accord, je te fais confiance.

-Parfait, à demain ! La discussion s‘arrêta là. J’éteignais alors mon téléphone afin de me concentrer sur mon travail. Vers 19h, mon père m’appela pour dîner. A vrais dire, je n’ai pas très faim. Il m’appelle une fois, deux fois, la troisième, je décide d’y aller. Je ne suis plus seule. Je me demande bien ce que mijote Vincent, que veux-t-il faire ? J’arrive dans la salle à manger, c’est Gérôme de service, il met la table. Au menu, riz cantonnais. J’aime tellement ça ! Je pourrais en manger des bols et des bols ! Je retire ce que j’ai dit, j’ai super faim ! Nous nous servons, il y en a pour un régiment ! Le repas se passe, Papa raconte des anecdotes au restaurant et Gérôme, sa journée. Je bois leur récit, moi aussi j’ai envie de revoir le monde. Moi aussi j’ai envie de voir arriver essoufflé le dernier de la classe dans la salle de classe, certain prof me manque ! Je ne sais pas comment, certain prof me manque. Travailler seule est si difficile et si triste. Je pense à prendre ma décision concernant mon avenir, ou du moins mon avenir proche. En attendant, je me ressers un bol de riz. Pourquoi est-ce si délicieux ?! L’estomac bien rempli, je met mon bol dans l’évier, dépose un baiser sur la joue de mon père. Au lieu de remonter dans ma chambre, je décide d’aller dans le canapé occupé en grande partie par mon frère qui joue à la playstation.

-Bouge, tu sais pas jouer ! Lui dis-je d’un ton moqueur.

-Ah ouai, c’est ce qu’on va voir. Ramène-toi et je me fais un plaisir de te réduire en miette ! Dans la seconde qui suit, j’ai une manette dans la main. On joue à Mariokart, je choisi ma voiture et nous laissons le hasard choisir de la course. Une fois choisie, le jeu commence. Je suis déterminée, la dernière partie c’est lui qui a gagner, ce sera ma vengeance ! Les pistes s’enchaînent, le jeu se termine et c’est moi qui gagne ! J’ai eu ma revanche !

-Yes ! Dis-je victorieuse.

-Ouai, bravo, bravo. J’étais à ça de gagner ! Finalement, on se sert la main, je suis contente d’avoir partagé ce moment avec lui. Ca m’a fait du bien ! Je remonte dans ma chambre, contente. Je quitte ce chaleureux endroit pour aller dans ma chambre, un tout autre univers, le mien. Je mets mon pyjama, il ne me va plus on dirait un crop top. On voit un bout de ventre rond mais je m’y suis faite. Je m’installe dans mon lit et surf sur instagram. Je regarde les stories de ces gens que je côtoyais tous les jours. Ils ont une vie normale bien que certains pensent le contraire. Ils ont de la chance, je les envies, tous. C’est drôle, il y a quelques mois je m’en foutais complètement et aujourd’hui je donnerais tout pour avoir leur vie. La chance, cette chose que je n’ai pas eu. Je pose mon téléphone, les regarder se plaindre de leurs petits tracas me gonfle. Je ressens un coup de pied. Il bouge toujours. Je pose ma main sur mon ventre presque automatiquement, l’autre étant occupée à tenir ma tête. Je regarde ce qui avant aurait dû être mes pieds. Je n’y vois plus que mes orteils. C’est impressionnant de le voir et de le sentir bouger. Je le regarde, j’ai peur, tellement peur. Je ne sais toujours pas quoi faire de lui. Il me reste trois mois pour y réfléchir et je ne sais toujours pas quoi faire. Mon téléphone se met à vibrer, un appel. Je regarde le numéro, je ne le connais pas. Hésitante, je décroche.

-Bonjour, me dit une voie d’homme.

-Bonjour. C’est qui à l’appareil ? Je demande.

-Oui, Adèle Thomas c’est vous ? C’est le commissariat de police, commandant Tessier. Vous vous souvenez de moi ?

-Ah oui. Percutais-je. Oui, c’est moi du coup. Lui dis-je.

-Bien, c’était pour vous prévenir que l’on vient d’interpeller M.Lecerf. Il est dans nos locaux, seriez-vous prêt pour une confrontation ?

-Euh, grommelais-je hésitante. Ma soif de justice pris le dessus. Oui. Dis-je d’un ton assuré.

-Bien, on vient de la mettre en garde à vue, il nous reste à peine deux jours pour qu’il passe aux aveux, on n’a rien, à part votre témoignage, pour le garder. Cette confrontation serait-elle possible demain, 17 heures ? Demanda-t-il. Je sais c’est un peu tôt mais ça va être compliqué sino…

-Oui, j’y serais. Lui dis-je sans trop réfléchir. J’y serais.

-Bien. A oui, prenez votre carte d’identité aussi. A demain.

-A demain, au revoir. Répondis-je avant de raccrocher. Ca y est, il l’on mis en garde à vue, ca y est. J’entends l’escalier grincer.

-Papa ?

- Oui ça va ?

-Il, il l’on mis en garde à vue. Ca y est. Dis-je en pleurant. Un léger poids venait de s’évaporer. Il s’est tout de suite dirigé vers moi.

-C’est géniale ! Dit-il en m’enlaçant.

-J’ai, j’ai une confrontation demain à 17h.

-Tu veux que je t’accompagnes ?

-Je, je sais pas. Oui ?

-Ok, je serais là. T’inquiètes pas ma chérie, on est ensemble. On va y arriver. Dans tout ça, j’avais oublié le rendez-vous de Vincent. Je pense que je ne serais pas en retard car le rendez-vous est à 18h30. Je suis terrifiée à l’idée de le revoir. Mais savoir qu’il va sûrement payer me rassure un peu. Je ne sais pas comment ça va se passer. Ils n’ont rien, sauf mon témoignage, contre lui. S’il n’avoue pas, ce sera sa parole contre la mienne. Quoique j’ai un argument solide…

 Le lendemain matin, je me réveille en sursaut, encore un cauchemar. Encore et toujours. Je me lève et part vers ma salle de bain pour me débarbouiller un peu. Mon ventre grossit un peu plus chaque jour. Presque sept qu’il est là. Presque sept mois que je ne dors plus la nuit. Je chasse ces pensées et décide de prendre une douche. Sous l’eau, je me sens bien. Ça me déstresse. Je suis bien. J’ai toujours aimé l’eau, c’est rassurant, on ne sent plus son propre poids, on se sent léger. Un peu comme sur la lune. Mais ce confort reste de courte durée. Je sors de la douche, encore trempée. Les gouttelettes encore fumantes sur ma peau s’évaporent. Je prends la serviette posée sur l’évier et me sèche le visage. Je me regarde dans la glace, mon corps me fait encore un peu peur. Une peur que je n’arrive pas à discerner. Je sèche doucement ma peau, j’ai l'impression que mon corps n’est plus à moi. En fait, cette impression ne m’a jamais quitté. J’ai encore quelques heures pour me préparer à le voir. Je stress, enfin ça ce n’est pas nouveau j’imagine. Je ne sais pas comment je vais réagir, ni comment lui va réagir. Va-t-il tout nié? Va-t-il accepter et tout avoué? Je ne sais pas. Je veux savoir et en même temps, le voir sera une épreuve si dure. Dur mais nécessaire dirait la psychologue! Je repose la serviette là où je l’ai prise. Mon regard reste fixé sur ça. Sur ce ventre qui ne cesse de gonfler, cachant ce fruit coupable. Comment va-t-il réagir à ça? Il faut que j’arrête d’y penser, ça va me triturer la pensée toute la journée. Je décide de m’habiller. Je regarde ma plaie au bras, elle cicatrise doucement. Ça me laissera une marque à vie cette histoire. Je mets un peignoir, par pure flemme, je ne sais pas. Je me reconnecte ensuite sur Instagram. Rien à part des discussions sur le groupe de la classe. Ça fait un bout de temps que je n’y ai pas mis les pieds. Je décide d’y rentrer, par pure curiosité? Je ne sais pas. Tout un flot de messages se déverse sur mon écran. Je remonte le fil, juste après “ l'accident". C’est à partir de là que je n’ai plus suivit. De toute manière, je n’ai rien d’autre à faire. Je me mets à l’aise dans mon lit et commence à lire tous les messages. Une heure plus tard, j’en suis enfin aux derniers messages. Ils ont tous écrit des théories farfelues sur qui, quand, quoi? Certains élèves s’inquiètent de ne plus me voir au lycée. Des personnes que je ne connais pas et qui ne me connaissent pas. De toute manière, en ce moment même qui me connait? Mais moi, je ne me comprend plus vraiment. Ces personnes s’inquiètent un peu, pourquoi pas. Ça ne changera pas grand-chose à ma condition. En lisant ces messages je me rends compte à quel point cette classe est soudée. Bien qu’il y ai plusieurs groupes bien spécifiques, ils arrivent à cohabiter entre eux sans réels soucis. Peut-être les ai-je jugés un peu trop vite? Oh et puis j’en sais rien moi! J’ai toujours fonctionné en solo, ce n’est pas aujourd’hui que je vais y renoncer! Je surfe encore un peu sur les réseaux avant de retourner à mon bureau. J’ai quand même un bac à la fin de l’année! Ni une ni deux, je sombre dans les multitudes de devoirs à faire. Je fais des fiches sur les lectures linéaires faites en classe qui sont à réviser pour l’oral du bac. C’est vrai, bientôt c’est le bac. J’aurais donné naissance avant, ce n’est pas dans cet ordre là que j’avais imaginé ma vie. Tout mais pas ça! Mais avant c’était avant. Maintenant c’est maintenant. Je continue mes fiches, les unes après les autres, je souligne, fluotte, entoure tout ce qui est important. C’est ma méthode à moi. Ma prise de notes est tellement différente des autres quand j’y repense. Je sélectionne les informations importantes et les regroupent. Enfin bon quoi qu’il en soit, on ne se bouscule pas pour avoir mes cours si jamais on tombe malade puisqu’ils sont incompréhensibles pour les autres. C’est un peu comme un langage codé. Enfin bon, ce n’est pas très intéressant ce que je raconte mais bon. Bref, je continue mes fiches. En moins de deux heures, j’en ai fait six, c’est pas mal! Mon père appelle d’en bas, c’est l’heure de déjeuner. Je n’ai pas très faim mais bon, je suis obligé sinon mon père viendra me chercher par la peau des fesses! Je descends donc dans la cuisine. Légumes à la carte, nous mangeons ensemble. Mon frère n’est pas au courant pour la confrontation. Mieux vaut qu’il ne le soit pas, il pétera un câble. Je l’imagine sans peine casser la gueule à ce, ce monstre. En deux secondes c’est plié, si seulement…

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