VIII

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 Quatre jours se sont écoulés depuis mon hospitalisation, je passe mes journées à prendre des médicaments, à défaire et refaire mes bandages et à dormir. Je ne parle toujours pas. Rien, pas même un mot. J’étais justement dans mon lit à somnoler lorsque Gérôme est entré dans ma chambre. Il s’est assis sur mon lit. Les yeux fermés, je sentais de mauvaises ondes se propager, un sentiment d’inconfort s’installa. J’ouvris les yeux. Mon frère était à côté de moi, il fixait les planches du parquet d’un air méprisant.

-Qui ? Dit-il d’un ton tellement agressif qu’on aurait cru qu’il allait tué quelqu’un dans la minute. Il me regardait dans le blanc des yeux, il était furieux. Je ne comprenais pas d’où pouvait venir toute cette colère. Il ne m’avait que très peu parlé lorsque j’étais à l’hôpital. Voyant que je refusais de comprendre, il répéta en appuyant sur les mots qui font mal : ‘’Qui t’as fait ça Adèle?’’. Mon père est entré en trombe dans la chambre, furieux lui aussi. Il avait entendu ce qu’avait dit Gérôme, ça l’a mis dans un colère noire. Il s’est précipité vers son fils et l’a pris par le col.

-Je t’ai dit qu’elle n’était pas prête à parler !!! Je te l’ais dis !!! Ils étaient tous les deux furieux l’un contre l’autre. Ils se sont mis à crier.

-A oui ??? Tu ne veux pas savoir qui lui a fait ce gosse toi??? Tu ne brûle pas d’envie de tuer ce salopard??? Je m’en occupe volontiers si tu veux pas te salir les mains ! J’étais horrifiée par la scène : mon père tenait par le col mon frère. Ils étaient aux bord de la bagarre, jamais je ne l'avais vu comme ça. La pièce sentait la colère et la rage. Je n’avais qu’un moyen d’arrêter cette horrible scène.

-Je t’ai dit qu’elle n’étais pas prête à parler p’tit con ! Répéta mon père. Il tendit le poing pour le lui enfoncer dans le crane. Une seule solution pouvait mettre fin à cette fin sanglante.

-C’est un prof’!!! hurlais-je. Lâche Gérôme s’il-te plaît. Papa, lâche-le. Le suppliais-je. C’était mes premiers mots depuis que j’étais rentrée. Mon père était à deux doigts d’envoyer son poing dans sa figure. Au lieu de ça, il se précipita vers moi. On avait évité le pire.

-Oh ma chérie !!! Quel professeur? Qui ? Il tenait ma tête pleurante dans ses mains, avide de réponses. Je balbutia sur son nom. Ce nom que je n’avais pas prononcé depuis la rentrée.

-Le, Le, Lecerf, mon, mon professeur de philo. Ma voix était hachée par les sanglots mais ça y est, j’avais déballé le plus gros. La question du qui était résolue. Mon père m’embrassa.

-Tu voulais pas hein? Dit Gérôme, le poing fermé. Moi j’étais pale. Mon père lui, comprenait lentement.

-Ohh ma chérie… Désole, je n’ai rien vu ! Je suis tellement désolé !! Il n’avait pas le droit de te toucher. On, on va l’enfermer, d’accord ? Oui c’est ça on va l’enfermer. Mon frère quant à lui, soupira, il avait ce qu’il voulait : l’identité de celui qui m’avait fait ça.

-Gérôme, tu ne quitteras pas cette maison. Dis mon père, comprenant les intentions vangerèces et criminelles de son fils. Gérôme se résigna, il sait qu’il va le regretter. Il a fait beaucoup de bêtises quand il avait mon âge. Par chance, ça s’est arrêté le jour où ça a faillit aller trop loin. Mon père l’avait ramené par la peau des fesses du commissariat à la suite de quoi il s’était fait la gueule trois semaines durant. Gérôme mis sa main sur sa bouche pour éviter de dire le truc de trop. Il l’aurait amèrement regretté, il le sait. Mon père remettait ses idées en place. Il prit à nouveau ma main, ‘’Ça va aller maintenant. Ok ?On est fort hein ? Oui on est forts.’’ murmura-t-il en déposant un baiser sur mon front. Pour la première fois, j’avais prononcé son nom sans faire de crise. J’avais à peu près gardé mon calme et j’étais soulagée de ne pas, à nouveau, de ne pas avoir fait de crise. Mais juste après, j’ai eu une baisse de tension. Trop d'émotions peut-être. Rien d’alarmant, mais assez pour faire comprendre que j’avais besoin de repos et non de chamailleries.

Le lendemain, je me suis levée et j’ai pris mon petit-déj' dans la cuisine. J’ai vu mon frère assis, une tasse de café à la main et son portable dans l’autre. Dès que je suis rentrée, il s’est levé, la tête baissée.

-Je, euh... Je suis désolé Ad’ pour hier, je m’suis comporté comme un con. Excuse-moi. Il était vraiment désolé. Je me suis approchée de lui, suis montée sur la pointe des pieds pour enfin déposer un bisou sur sa joue droite.

-C’est pardonné. Lui murmurais-je doucement. J’allais me chercher le neskwik en vue de me faire un chocolat chaud lorsque je l’ai sentit. Je me suis figée, m’appuyant sur l’évier et laissant, par la même occasion, tomber la bouteille de lait que j’avais dans la main s’écraser sur le sol.

-Ad’ ?! s’écria Gérôme, le visage déformer d’inquiétude. En deux enjambées il était à côté de moi. Je le repoussais d’un geste de la main. Aucun contact.

-Il a bougé. Soufflais-je. Il… il a bougé….

 C'est la première fois que je sens bouger cet enfant. Il a donné son premier signe de vie. Les larmes coulent… cette fois, tout devient réellement vrai… Sans réfléchir, je pose la main sur mon ventre. Il continue de bouger, puis se calme. La plupart des mères sont heureuses quand elles sentent ce genre de chose, tandis que moi, j'en suis juste triste. Je ne devrais pas lui en vouloir d’être là mais c’est si difficile. Cet enfant ne fait que représenter toute cette souffrance endurée et pourtant, il n’y est pour rien... Je rassure mon frère, devenu pâle et sèche mes larmes. Je ne sais plus quoi penser. Quoi qu’il en soit, je me reprends en main. J’ai mis un bazard par terre ! Mon frère a eu la gentillesse ou le réflexe de ramasser la bouteille avant que tout le lait ne coule par terre. C’est à moi de nettoyer, je me dirige vers le frigo ou les balais sont rangés dans le petit placard à côté de la cuisine mais mon frère prend les devants.

-C’est bon, je vais le faire. Je vois dans ses yeux sa volonté de se racheter pour hier. Je l’ai donc laissé bien que ça m’arrange un peu. J’étais encore sous le choc. Le temps de trois secondes, j’étais seule avec cet enfant. Je me réfugiais dans ma chambre, penser. Ça y est, tout ça devenait concret. Il est bel et bien là. Il y a un enfant là dans mon ventre, caché aux plus profond de ma chair. Devant mon miroir, je me mets de profil et relève mon t-shirt. Mon ventre se dévoile, rond comme un œuf. Ma main se promène, je la contemple. Comment un bébé a-t-il pu se cacher six mois durant sans que je ne m’en aperçoive ? Rien ne m’avait préparé à ça, rien. Putain, il aurait pu mettre une capote ! Il est vraiment con. Sait-il que j’attends un enfant à cause de lui ? Il est vraiment débile, c’est la preuve de sa culpabilité ! Il ne s’en tirera pas comme ça ! Mon dieu, une question me traverse l’esprit :suis-je la seule ? Y en a-t-il d’autre ? Dans un sens, j’espère être la seule a avoir subi . J’espère que personne d’autre n’a vécu ça. Je me rends compte aujourd'hui que nous sommes des victimes. Il me reste trois mois. J’ai le temps pour réfléchir. Ma vie ne sera plus jamais la même dans les deux cas. Pour la première fois, je souris en regardant mon ventre. Nous sommes pareil toi et moi…

Pendant ce temps au lycée :

Le directeur, mis au courant de la situation, envoya un message à tous les professeurs d’Adèle. Le mail les invite à une réunion exceptionnelle le lendemain matin, à sept heures trente en salle des professeurs. Tous y étaient conviés sauf bien évidemment le fautif : m. Lecerf. Le directeur savait qu'il n'avait pas cours à ce moment-là, c'était le moment propice. A sept heures trente précises, il entre dans la salle des professeurs. Tous ceux concernés était dans la seconde pièce, la cafétéria. Ils étaient tous assis sur les différents fauteuils, un café ou un thé à la main, à discuter sur LA grande affaire. Le directeur alla donc dans la cafétéria.

-Bonjour, tout le monde. Dit-il.

-Bonjour m. Durand. Leur répondirent les professeurs. Il y avait là : évidemment Mme Laval, M. Brisse (professeur de physique et professeur principal de l'élève concerné), M. Suche ( professeur d'anglais LV1), M. Fernandez (professeur d'espagnol LV2), Mselle Dumont (professeure d'histoire-géo), Mme Relin (professeure d'humanité et de lettres), M. Fixes (professeur d'art plastiques), M.Sefaï (professeur d'anglais euro) et Mme Blans, l'infirmière. Tout ce monde était réuni dans cette salle. Mme Laval se tenait aux côtés du directeur. Celui-ci commença.

-Bon, et bien nous voilà réunis pour discuter d'une élève : mademoiselle Thomas, Adèle Thomas. C’est elle qui a tenté de mettre fin à ses jours ici il y a quelques jours. Cette nouvelle choqua tout le monde. Tout le monde avait en tête cette élève discrète. Le directeur continua. Mme Laval présente au moment des faits à rapporter un détail des plus importants. Elle est enceinte, il semblerait que ce soit pour ça qu’elle ai tenté de se donner la mort. Les professeurs étaient encore plus choqués, certains ne comprenaient rien à rien mais le directeur continua. Son frère vient de nous appeler. Nous savons qui est le père. C'est pour cette raison que M. Lecerf n'est pas présent à cette réunion. Les professeurs mirent un petit peu de temps à comprendre cette dernière phrase.

-Vous voulez dire que… Demanda M. Fernandez, soupsonneuse.

-Oui, M.Lecerf est le père de cet enfant. Il sera prochainement emmené en garde à vue par la police pour attouchement sur mineur voir plus. En attendant, ce qu'il se passe ici reste entre nous. Personne n'était prêt à ce genre de nouvelle.

-Vous êtes sûr que c’est lui ? C’est peut-être juste une ado mise en cloque par un inconnu qui essaye de faire porter le chapeau à m. Lecerf. Enfin ! M. Lecert est beaucoup trop respectable pour ça, ce n’est pas possible !Se démarqua M. Safaï. Il s’était lieu d’amitier avec M.Lecerf, ils s’entendaient bien.

-Écoutez, vu son état psychologique, je doute fortement qu’elle ai mentit. Quelques éléments porte à croire que c’est lui le coupable. Maintenant il faut réagir, si jamais M.Lecerf a fait ou dit des choses qui pourrait faire penser que malheureusement Mselle Thomas n'est pas la seule victime, je mets à disposition un petit carnet dans lequel vous pourrez y annoter ses dires. Dit-il en tenant un carnet vert qu'il posa sur la table.

-Quel connard ! Va-t-elle porter plainte ? Demanda Mme Relin, fâchée.

-Je ne sais pas. Répondit Mme Laval.

-J'imagine qu’elle ne viendra pas en cours d’ici là. Demanda Mme Pié.

-Je ne sais pas. Nous sommes tous encore dans le brouillard. La police va éclairer tout ça je pense.

-Va-t-elle bien, psychologiquement parlant ? Demanda M. Sefaï. Professeure d'euro, admirative du niveau d'anglais de la jeune fille. Celle-ci excellait dans les langues bien qu’elle ne parle pas beaucoup en classe.

-Je ne sais pas… Le traumatisme a été assez profond. Je ne sais pas vraiment à quel point… M.Brisse lui coupa la parole.

-C'est grave. Dit-il. Elle est complètement désorientée. J'ai remarqué récemment plusieurs plaies sur ses bras, et quelques pansements au même endroit.

-Qu’est-ce que je suis bête !!! Les très rares fois où je l'ai vu, elle était dans un état critique. Commença Mme Blanc, l'infirmière. Elle a fait une grave crise d'angoisse, je crois que c'était en janvier. Une parmi plusieurs tout au long de l’année. On me l'a amenée toute blanche, une fois, je m’souviens, elle tremblait énormément et refusait catégoriquement qu'on la touche. J'aurais dû percuter… Se lamenta celle-ci.

-C'est trop tard, maintenant, il faut penser à son avenir. Repris le directeur. Sa famille nous tient au courant mais pour l’instant, on pose les choses.

-Dans tous les cas, elle sait qu'elle a notre soutien ? Demanda M. Suche.

-Pas encore, elle est encore sous le choc. C'est une situation assez délicate. Répondit le directeur.

-Effectivement. Ajouta un professeurs.

-Pour M.Lecerf, comment on fait ? Demanda Mme Relin. Le directeur semblait attendre cette question.

-Et bien… Il ne doit rien savoir de ce qui c'est passé ce matin. Faite comme si de rien n’était. Il ne faut surtout pas qu'il prenne la fuite avant l'arrivée potentielle des policiers. Compris ?

-Oui. Dirent tous les professeurs en coeur.

Retour au point de vue d’Adèle .

Toujours chez moi. Ça fait une semaine. Une semaine que je ne suis pas sortie de chez moi. Je n’y arrive pas, l’extérieur me fait peur. C’est difficile. Alors je reste à la maison, dans mon lit. Je perd le fil des cours mais Vincent est là pour m’envoyer ses leçons. Il s’est enfin mis à les copier, pour moi ? Je ne sais pas. En tout cas personne, ni même les délégués, n’ont eu le courage de m’envoyer un message. En fin de compte, il est mon seul lien avec l’extérieur. Je crois que rester à la maison ne me convient pas. J’ai pourtant envie de sortir mais je n’y arrive pas. Sortir au grand jour reste difficile mais il va falloir que je me confronte à la réalité un jour ou l’autre. Mon père a suivit les conseils de Rose, il a appelé le cabinet qu’elle a conseiller, j’ai rendez-vous demain matin. Première sortit. Je ne sais pas si ça me fera du bien mais bon, je tente. De toute façon qu’est-ce que j’ai a perdre ? J’appréhende beaucoup ce rendez-vous. C’est la troisième en moins d’un mois. Je n’ai jamais particulièrement aimé les psychologues. Dès l’âge de six ans, j’allais en voir un. Il était très gentil je dois dire, mais je ne lui jamais parler de moi. Je n’ai pas pour habitude de dévoiler mes sentiments d’habitude alors demain, je me demande à ce à quoi ça va ressembler. Enfin bon, je suis fatiguée. Je vais dormir. La nuit porte conseil comme on dit.

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