10. Table rase

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10.     Table rase

 

Une fois arrivé à bon port, Christophe demanda à Madison,

— Tu restes manger chez mes parents ce soir ? Vous allez peut-être discuter de l’aménagement de ta chambre.

— Oui, je vais manger avec eux… Mais je crois qu’ils auraient bien voulu que vous mangiez aussi avec eux ce soir…

Elle sourit à moitié et rajouta,

— Mais je crois que tu as plutôt envie d’être seul avec Clémence, non ?

— Tu as tout compris Madison !

Il esquissa un sourire puis dit à Clémence,

— Si tu as envie de passer un peu de temps avec eux, n’hésites pas Clem… Je risque d’être plutôt grognon ce soir.

Elle le regarda avec douceur et lui dit,

— Je verrais en fonction de ton état, Christophe, mais je vais d’abord tester ma résistance à ton état grognon.

— Ok.

Madison demanda, avant de les laisser prendre le chemin du premier étage,

— Dis, cousin, je peux dire à tes parents qui nous avons croisé cette après-midi ?

— Oui, tu peux !

Il lui gratta la tête puis la laissa partir et enclencha la montée vers son appartement avec Clémence.

Une fois à l’étage, Christophe resta relativement silencieux, Clémence lui proposa,

— Je prépare une tarte salée pour le repas de ce soir ? Poireaux et lardons, ça te va ?

Il répondit en hochant la tête.

Clémence prit le temps de préparer la tarte puis l’enfourner et rejoignit Christophe qui était, songeur, sur le divan.

— Est-ce que ça va, Christophe ?

— Oui, dans l’absolu, oui… Mais, je suis désolé, je crois que je ne serais pas de bonne compagnie ce soir.

Elle lui gratta le bouc et lui dit,

— Je comprends, cette rencontre a dû faire remonter pas mal de chose chez toi.

Il intercepta sa main et y déposa un baiser.

— De fait, j’ai l’impression que cela travaille en moi, pas à gros bouillon, mais juste ce qu’il faut pour que cela m’agace, tu vois ?

— Je pense, oui. Tu préfères que je te laisse mijoter tout cela ?

Il sourit et lui dit,

— Oui, je préfère, je n’arrive pas encore à mettre de mots précis sur ce que je ressens. Je dois d’abord digérer la chose.

— Ok. Mais, tu es d’accord que je reste près de toi ?

— Oui, même tout près de moi si tu veux…

Il la prit dans ses bras, elle se colla à son torse. Il souffla doucement puis lui dit,

— Je crois que je vais bricoler un peu, j’ai besoin de bouger pendant que je réfléchis.

— Tu penses à quoi ?

— La chambre de Madison, je vais la déblayer ce soir.

Un peu étonnée, mais compréhensive, elle lui demanda, tout en se décollant de lui,

— Je mets la tarte salée en suspend jusqu’à ce que tu aies fini ?

— Ça me va !

Il se leva d’un bond puis lui tendit la main pour qu’elle se lève aussi et lui dit, après lui avoir fait un baisemain,

— Merci Clem, merci de me laisser digérer sans question.

Il fila vers le rez-de-chaussée.

 

Alors qu’elle s’occupait de sortir la tarte salée du four et de la réserver pour plus tard, Clémence entendit Madison qui l’appelait dans le couloir. Elle l’invita à monter.

— Qu’y a-t-il Madison ?

— Ben, c’est Christophe, il est dans la pièce qui deviendra ma chambre, j’ai voulu voir s’il allait bien, mais il m’a remballée. Comme j’insistais, il m’a renvoyé vers toi.

Elle prit une mine dépitée et soupira avant de lui demander,

— Alors, tu m’expliques ?

— Ben euh… Que je t’explique quoi ?

— Ben, ce qu’il se passe… Qu’il est là en bas en train de tout déménager… Sans toi. Vous vous êtes disputé ?

Clémence, surprise, eut un petit rire puis rassura Madison,

— Mais non, il a juste besoin de temps pour lui et d’activité physique pour digérer ce qui s’est passé avec ce Jérémy et ce que cela a réveillé en lui, c’est tout.

— Ah… Ouf, mais pourquoi vous ne discutez pas ? Ça avait l’air de bien vous réussir de discuter ensemble, non ?

— Oui, et on le fait encore Madison, mais là, il a besoin de métaboliser cette rencontre.

Clémence fit une petite pause en voyant la mine pleine d’incompréhension de Madison.

— Il a besoin de temps tout seul pour savoir ce que ça lui fait d’avoir revu l’une des personnes qui l’ont le plus trahi.

Comme Madison gardait une mine sceptique, Clémentine lui dit,

— Dès qu’il voudra en parler, il le fera Madison, je lui laisse le temps qu’il lui faut.

— Oui, mais, et toi ? Tu n’es pas frustrée de ne pas savoir ?

— Oui, effectivement, mais le harceler de questions sur des sentiments qu’il n’arrive pas encore à nommer lui-même, ça ne sert à rien, si ce n’est à l’éloigner de moi.

— Oui, mais là, il est loin de toi Clémence…

— Il est loin, mais il sait où je suis et il sait qu’il peut revenir Madison… Et moi aussi, je sais où il est.

Elle fit une pause puis reprit,

— Tu sais, j’ai déjà fait ça, avec un ancien copain… Tout ce que j’ai récolté à vouloir absolument savoir ce qu’il pensait ou ressentait, c’est que je me suis fait larguer en étant traitée de pot de colle et d’emmerdeuse. Je ne veux pas de ça avec Christophe, je lui laisse son espace vital.

Madison semblait réfléchir à ce que lui avançait Clémence, cette dernière ajouta,

— C’est ça aussi, l’amour, Madison, lui laisser la liberté d’avoir du temps pour lui, de ne pas être constamment collés l’un à l’autre. 

Madison eut un petit rire, Clémentine lui fit un clin d’œil et conclu,

— Même si nous adorons être collés l’un à l’autre dans d’autres moments…

— Ah, stop ! Pas de détails !

Elles éclatèrent de rire puis Madison lui dit,

— Quand j’ai dit à tante Mathilde et oncle André que nous avions croisé Jérémy, ils ont eu tous les deux une mine très sombre… C’est ma tante qui m’a envoyé en éclaireur chez Christophe.

— Tu veux que je descende pour leur expliquer ?

Madison hocha la tête positivement et lui dit,

— Oh oui, tu expliqueras ça mieux que moi !

Clémence se rendit donc au rez-de-chaussée et rassura les parents de Christophe, même si, au fond d’elle-même, elle se sentait un peu mise de côté par l’homme qu’elle aimait, qui travaillait bruyamment dans la future chambre de Madison depuis plus de deux heures à présent.

En passant la tête dans le couloir, l’un ou l’autre pouvaient voir qu’il passait, chargé de planches ou autre, en direction de la cave.

Finalement, après trois heures de travaux intensifs, il passa la tête dans le salon de ses parents et les découvrit tous, assis, en pleine partie de jeu de cartes.

Comme ils levèrent le nez vers lui, il dit,

— Bon, la pièce est totalement dégagée Mad ! Ça  donne grand, tu sais.

En regardant vers Clémence, il ajouta,

— Je file sous la douche, on mange la tarte après ? J’ai faim !

Clémence sourit et lui répondit,

— Je termine de gagner et je la mets dans le four pour la réchauffer !

Christophe referma la porte, Mathilde dit alors,

— Il a l’air bien… Tant mieux. Tu nous diras, Clémence, si tu sens qu’il n’est pas bien ?

— Je vous tiendrais tous au courant si j’ai la moindre crainte, ne vous inquiétez pas.

— Eh… Qui vient voir la pièce avec moi ? S’écria Madison.

Les quatre se regardèrent, laissèrent tomber le jeu de cartes en même temps et filèrent observer le résultat de trois heures de labeur.

De fait, la pièce était totalement dégagée ; il n’y avait plus qu’à l’aménager et la repeindre pour la rendre habitable. Clémence s’écria,

— Ça, c’est un nettoyage par le vide ; il a fait place nette !

— Effectivement… Souffla Mathilde.

Clémence la regarda et lui dit,

— J’espère que c’est à l’image de ce qu’il a fait dans sa tête à propos de Jérémy…

Les trois autres personnes présentes dans la pièce acquiescèrent, Clémence sourit et leur dit,

— Bon, je vais mettre la tarte au four, il doit effectivement avoir faim après ce travail intensif !

Elle les quitta pour rejoindre le premier étage et attendre l’arrivée de Christophe qu’elle entendait chanter sur un morceau de musique qu’il avait mis à fond dans la salle de bains.

Elle sourit et leur prépara une belle petite table avec quelques bougies chauffe plat qu’elle plaça de part et d’autre de la table.

Il passa la tête pour lui demander,

— C’est réchauffé dans, approximativement,  combien de temps ?

— quinze minutes, tout au plus.

Il la regarda, de haut en bas, en dodelinant de la tête et lui demanda,

— Et… Tu n’aurais pas envie de prendre une rapide douche avec moi ?

Clémence rigola, un peu surprise, mais accepta, en lui précisant,

— Mais ce sera rapide… Sinon la tarte sera brûlée !

Il lui tendit la main, pris la sienne et l’attira dans la salle de bains en rigolant.

Une fois tous les deux sous la douche, ils se lavèrent l’un l’autre puis Christophe l’embrassa longuement, tendrement, en s’appuyant contre la cloison de la douche. Ils n’avaient pas beaucoup de place dans cette douche, à ce propos, il préférait de loin la baignoire de l’appartement de Clémence.  

Il s’arrêta, Clémence avait les yeux mi-clos et en demandait encore, mais il lui dit,

— J’ai entendu la sonnerie du four… Et j’ai faim.

Il posa encore un baiser sur ses lèvres puis sorti de la cabine douche et l’aida à en sortir en l’accueillant avec une serviette qu’il enroula autour d’elle. Il soupira dans son cou et lui dit,

— Viens, allons manger.

Ce qu’ils firent, amoureusement, juste habillés de la serviette de bain qu’ils portaient, la lumière des bougies ne faisant que rajouter de la douceur à l’ambiance qu’ils vivaient à ce moment-là.

Le repas terminé, il croisa ses doigts avec ceux de Clémence et lui dit,

— J’ai digéré l’affaire Clem, c’est bon. Merci de m’avoir laissé seul… Ça m’a fait un bien fou et je ne voulais pas que tu me voies en train de râler comme je l’ai fait.

— De rien Christophe, je ne voulais pas te harceler, tu me diras ce que tu veux m’en dire, quand tu le voudras.

Il la regarda tendrement,

— Pas trop frustrée ?

— Non, finalement, j’ai compris qu’il s’agissait de la meilleure chose à faire pour toi à ce moment-là.

Elle sourit, puis lui dit,

— Tu sais, Madison a même cru qu’on s’était disputé toi et moi…

— Parce que je suis descendu faire le vide ?

— Oui, et que je n’étais pas avec toi… Je crois que tes parents ont eu peur aussi.

Il écarquilla les yeux, elle lui précisa,

— Je les ai rassurés à ce propos, ne t’inquiète pas.

Il embrassa les deux mains de Clémence puis lui dit,

— Ça se passe bien avec mes parents, non ?

— Oui, depuis que j’ai mis les choses au clair avec ta mère, les relations sont beaucoup plus souples entre nous, l’ambiance est bonne.

Il ferma les yeux et recroisa ses doigts avec ceux de Clémence, puis se leva,

— Viens, j’ai envie de te manger toi, comme dessert.

Les yeux de Clémence brillèrent encore plus, elle se laissa guider vers la chambre où il l’invita à se coucher sur le lit. Elle refusa en lui disant,

— Non, couche toi, tu dois être épuisé par tout ce que tu as fait, laisse-moi m’occuper de toi.

— D’accord… Je te laisse carte blanche.

Elle lui embrassa et massa tout le corps puis lui enduit certaines parties du corps avec une huile comestible qu’ils avaient acheté pour tester.

Rapidement, Clémence arrêta le jeu, comme il l’interrogeait du regard, elle lui dit,

— En fait, c’est particulièrement écœurant ce truc !

— Passe-moi le tube, que je goûte.

Ce qu’il fit. Il plissa rapidement le nez et confirma,

— Ce n’est pas seulement écœurant, c’est tout simplement dégueu ! Ark ! Goût fruit des bois ?! Périmés alors !

Ils éclatèrent de rire puis Christophe lui dit,

— Je vais aller me relaver, je ne veux pas de ça sur mon corps plus longtemps, beurk ! Viens, on va se laver les dents aussi… C’est vrai que ça reste en bouche ! Une vraie crasse…

 

C’est hilare qu’ils se retrouvèrent dans la petite salle de bains de Christophe. Devant l’unique lavabo, ils se lavaient les dents de concert. Entre deux brossages, Christophe lui dit,

— Même le dentifrice est meilleur à avaler !

Elle acquiesça puis, après avoir rangé sa brosse à dents, elle ajouta,

— On ne resterait pas dans la salle de bains ?

— Un peu petit, non ?

Elle fit une petite moue boudeuse puis lui dit,

— Si on fait des choses debout, ce pourrait être possible, non ?

Il la détailla puis marqua son accord. Elle se hissa sur le lavabo et l’accueilli en elle.

Bercée par les mouvements que donnait Christophe, elle se figea tout d’un coup. Inquiet, Christophe lui demanda,

— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as mal ? Je t’ai fait buter contre le robinet ?

Elle le regarda, se mordant la lèvre pour éviter de rire puis lui souffla,

— Non, mais je crois que l’évier a bougé… Je crois qu’on devrait changer de position… Voire même, d’endroit.

Ils croisèrent leurs regards et éclatèrent de rire. Christophe la prit ensuite dans ses bras pour la soulever de l’évier puis ils regardèrent de plus près l’évier en question.

De fait, le joint d’étanchéité… N’avait plus rien d’étanche, preuve en était que l’évier avait bel et bien bougé. Après inspection sommaire, aucun autre dégât ne fut constaté. Clémence le prit par la main et le reconduisit dans la chambre pour enfin parvenir à s’occuper de lui sans risquer le moindre problème.

Ils se retrouvèrent amoureusement enlacés après avoir fait l’amour. Christophe lui caressa le visage et lui dit,

— Je t’aime Clémence, je suis fou de toi, de la façon dont tu me supportes, dont tu me soutiens. J’ai vraiment de la chance de t’avoir comme amie, comme amante, comme amoureuse.

— Tu es pas mal dans ton genre aussi Christophe, tu me combles, plus que tu ne peux l’imaginer. Je t’aime aussi, avec toutes tes facettes, même quand tu es grognon et que je te laisse dans ton coin.

Il l’enlaça et soupira longuement.

— La tantôt, j’étais en colère contre Jérémy, mais finalement, cette histoire est close maintenant, même si j’en ai souffert pendant des années, je me suis rendu compte qu’à présent, je suis moins touché ; j’ai comme « pris du recul » tu vois ? J’arrive à regarder ça de loin, à voir le couple pathétique qu’ils ont formé, alors même que j’étais avec Sophie, mais aussi après.

Elle lui caressa le torse puis posa sa tête contre celui-ci, le laissant continuer à s’exprimer.

— Quand elle a eu ses enfants, des jumeaux, c’était dans l’année de la rupture, j’ai eu du mal avec ça ; j’en voulais, des enfants… Et puis, quelques mois plus tard, un jour que je l’avais croisée avec ses enfants dans un landau alors qu’elle se baladait dans les rues de Tournai, elle m’a renvoyé cyniquement que « même ça » je n’avais pas été capable de le lui faire… Ça m’a fait mal.

Clémentine s’était un peu redressée et lui souffla,

— Cette femme est odieuse Christophe.

— Oui, elle l’est, mais finalement, leur super couple n’aura pas tenu le coup plus de quelques années… Avec des enfants perdus là au milieu. Pauvres gosses !

— Tu les connais ? Tu as des contacts avec eux ?

— Non, mais j’imagine ce que doit être la vie à leur place, avec des parents pareils…

Il s’arrêta et rigola, Clémence le regarda, pleine d’interrogation. Il lui expliqua,

— En fait, c’est bien la première fois que j’arrive à discuter de ça sans sentir de bouffée de colère en moi… Ici, avec toi, j’en parle… Sans animosité, c’est chouette !

Il lui embrassa les cheveux,

— J’en suis content, ça veut dire que je suis passé à autre chose Clémence… Et je suis persuadé que c’est grâce à toi. 

— Je ne sais pas si c’est grâce à moi, mais moi, je suis heureuse que tu n’aies pas continué ta vie avec elle, sinon je n’aurais pas eu l’occasion de vivre ces moments de bonheur avec toi.

Ils s’endormirent enlacés et rassurés.

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