11. Sophie

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11.     Sophie

 

— Eh bien ça, si je m’attendais… Christophe qui fait les courses !

Cette voix de femme hérissa le poil de Christophe… Il avait reconnu la voix de Sophie !

Cette dernière se planta devant lui dans le supermarché, au rayon huiles et vinaigres où était Christophe en quête de vinaigre balsamique.

Il ferma les yeux, respira trois fois avant de se détourner du rayon pour tourner la tête vers l’endroit d’où venait la voix en question.

Lentement, il se tourna donc vers elle… Qu’il eut un peu de mal à reconnaître ; envolée la gracieuse Sophie qui d’antan faisait tant attention à son apparence. Il avait face à lui une femme qui avait mal vieillit ; elle devait avoir 35 ans, mais en paraissait facilement 40, voire un peu plus. La teinture blonde délavée de ses cheveux dont on voyait les racines sur près d’un centimètre n’avait pas, sur elle, l’effet « rajeunissant » qui était souvent plébiscité. Sur sa peau mate et bronzée intensivement, cela donnait du plus mauvais effet. Christophe l’avait connue « tirée à quatre épingles », ce qui le dérangeait parfois, préférant le côté naturel… Ici, dans le rayon du supermarché, il n’y avait plus trace de la femme qu’il avait connue ; en cette fin de mois d’août ensoleillé, Sophie portait un short bleu électrique qui la boudinait avec un t-shirt qui avait été blanc, sans forme, trop large pour elle et qui dévoilait l’une de ses épaules, barrée par la bretelle de son soutien-gorge. Ce tombé n’avait strictement rien de gracieux.

C’est donc un peu saisi qu’il lui répondit,

— Sophie ? Oh… Tiens, que fais-tu dans ce supermarché ?

— Bah, je fais mes courses critounet !

Il leva les yeux au ciel… Elle utilisait le surnom dont elle l’affublait à l’époque, il eut l’impression d’avoir été pincé. Il lui précisa,

— Appelle-moi Christophe, s’il te plaît, nous n’avons plus le type de relation qui te permette de m’attribuer ce genre de surnom.

— Aaah oui, c’est vrai, t’aimais pas ce surnom !

— De fait, je ne l’aimais pas.

Comme il faisait mine de reprendre le mouvement, elle l’interpella,

— Et quoi ? Tu t’en vas ?

— Je fais mes courses Sophie.

— Oh, moi qui me disais qu’on aurait pu discuter un peu…

Il la regarda droit dans les yeux et lui dit, d’une voix ferme,

— Discuter ?! Mais de quoi donc Sophie ? Tu sembles oublier la façon dont notre relation s’est terminée… Je pense, pour ma part, que nous n’avons plus rien à nous dire.

Il soutint son regard puis la dépassa et se dirigea vers la caisse.

Il avait envie de hurler… Mais pour qui se prenait-elle ?! L’apostropher, comme si de rien n’était, comme s’ils étaient juste de bons copains qui s’étaient perdus de vue et qui retombaient par hasard l’un sur l’autre.

C’est fâché qu’il rentrât chez lui.

Il était passé au supermarché en vitesse parce que certaines choses manquaient pour le barbecue qu’ils avaient improvisé en famille avec la venue d’Esther et de Bertrand. 

Il déposa les sacs rapportés sur le plan de travail de la cuisine de ses parents en soufflant. Clémence leva le nez des brochettes qu’elle confectionnait avec Mathilde et vit, à la tête qu’il faisait, que quelque chose n’allait pas. Mathilde aussi.

— Christophe que s’est-il passé ? Tu as l’air… Contrarié.

— Oui Clem, je le suis… Je viens de croiser Sophie au supermarché.

— Oh, fit sa mère, et… ?

— Et cette connasse voulait qu’on taille une bavette comme si de rien n’était, comme si on était de vieux copains !

Il avait haussé le ton, s’en rendit compte puis s’excusa.

— Désolé, je m’emporte.

Il soupira et dit,

— Je crois que je vais tenter de passer mes nerfs à l’étage, je n’ai pas envie de faire mauvaise figure devant ta sœur et ton beau-frère… Et surtout devant Ludovic. Je dois me calmer.

— Ok, ça va dit simplement Clémence.

Elle posa sa main sur celle de Mathilde qui, à son tour, lui dit,

— Oui, fait ça mon fils.

Une fois Christophe monté, Mathilde s’épancha,

— Oh mon dieu, j’espère qu’il arrivera à passer au-dessus… Mais qu’est-ce qu’elle lui veut maintenant !?

Clémence la prit par les épaules, pour la rassurer puis lui souffla,

— Je l’espère aussi.

Après s’être tue, Clémence reprit,

— Et s’il n’est pas descendu d’ici un quart d’heure, je passerai voir où il en est, là-haut.

— Oui, il faut que tu ailles voir...

— Entre-temps, nous allons terminer les brochettes, comme si de rien n’était, tu es d’accord ?

— Tu as raison, comme cela tout sera prêt à temps pour tout le monde.

Elles s’y remirent. Madison, avec Ludovic dans les bras, vint aux nouvelles pour savoir si la cuisson des viandes pouvait être lancée, André et Bertrand ayant allumé le barbecue.

Mathilde lui répondit,

— Oui, et on va commencer par les pilons de poulet qui sont  dans le frigo, ça prend plus de temps pour cuire !

— Ok !

— Et quoi ? Tu ne les embarques pas ?

— Bah non, j’ai Ludo dans les bras !

Elle éclata de rire puis dit à Mathilde et Clémence,

— Mais oui, je ramène Ludo à sa mère et je reviens vous aider !

— Ah ! Je préfère ça, gronda Mathilde.

Une fois Madison sortie de la cuisine, Clémence dit à Mathilde,

— Ok, je vais voir comment cela se passe pour Christophe, là en haut.

Mathilde acquiesça.

 

En arrivant à l’étage, Clémence entendit qu’il avait mis un fond de musique douce, elle reconnut l’un des albums de Massive Attack.

Il était allongé dans le divan, songeur, griffonnant des choses dans un petit calepin. Il la vit et lui sourit.

— Viens.

Il s’assit pour lui permettre de s’asseoir à côté de lui.

— Comment ça va Christophe ?

Il la prit dans ses bras et posa sa tête au creux du cou de Clémence et lui souffla,

— Ça va, ma colère est retombée. Je crois que c’était plus le choc de la revoir après tant d’années… Et surtout la façon dont elle m’a interpellé.

— Comme si vous étiez de vieux copains, c’est ça ?

— Oui, comme si de rien n’était.

Il se tut puis dit,

— Je crois que j’aurais bien pu la gifler… Mais en même temps, elle m’a semblé tellement pitoyable…

Il lui expliqua, notamment, les changements physiques qu’il avait constatés puis soupira et se tut, elle lui demanda,

— Tu crois que tu serais prêt à descendre ? La cuisson des viandes a commencé.

— Oui, pas de souci.  

Il se leva, l’entraînant avec elle. Comme elle le devança, il lui dit, en la retenant par la main,

— Attends…

Elle se retourna vers lui, soucieuse,

— Quoi ?

— Rien… Non… Viens dans mes bras, j’ai envie de te serrer dans mes bras.

Elle sourit et se lova contre lui. Il la serra fort puis lui glissa,

— Je t’aime Clémence, merci d’être là malgré mes sautes humeurs.

Elle l’enlaça à son tour et lui répondit,

— Moi aussi, je t’aime Christophe.

Ils restèrent un moment collés l’un à l’autre puis Christophe lui dit, en embrassant la racine de ses cheveux,

— Viens, on y va maintenant, je n’ai pas envie que tout le monde se pose des questions.

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