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— Pst, Azmin ! Hé !

Azmin ouvrit les yeux ; elle avait somnolé pour tromper l'ennui. Elle se redressa et tenta de distinguer les traits de la personne qui lui parlait dans la pénombre.

— Tiên ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Où est le choesang ?

— Il m'a dit de venir te voir. Il attend dehors.

Son amie se tenait juste derrière la grille de fer forgé et lui souriait doucement.

— Tiên, je suis tellement désolée, je ne voulais pas te blesser... Je... Je ne sais pas ce qui m'est arrivé...

La voix d'Azmin se brisa sous l'émotion.

— Je sais bien, répondit Tiên. Je sais bien que tu n'étais pas dans ton état normal, à ce moment-là. C'est moi qui ai eu peur, je me suis évanouie quand tu m'as touchée. C'est ce que j'ai dit au Conseil. Mais...

— Je sais. Ce n'est pas ça qui les fera changer d'avis. Désormais, je suis un monstre pour eux, une menace à éliminer.

— Azmin, pardonne-moi !

Tiên s'élança contre la grille et passa son bras à travers les barreaux.

— C'est de ma faute ! Si je ne t'avais pas entraînée dans la tente de Nearidei, tu... Je...

Elle tomba à genoux, le corps agité par des sanglots amers. Azmin eut le cœur serré devant le chagrin de son amie. Elle tira sur ses chaînes pour s'approcher d'elle et la consoler, mais elle ne parvint qu'à se déchirer plus la peau des poignets. Alors, elle se résigna et se tassa dans l'ombre de son étroite cellule.

— Ne t'en fais pas, Tiên. Rien de tout cela n'est de ta faute. C'est un pur hasard.

Elle-même voulait s'en convaincre, mais les paroles du prêtre lui revinrent en mémoire : la transformation en imura résultait toujours d'une malédiction. Or, qui aurait pu lui lancer un maléfice aussi puissant lorsqu'elles étaient dans la tente, à part Nearidei ?

Azmin frissonna en repensant au visage transfiguré de la voyante qui lui prophétisait un avenir sanglant.

— C'est étrange... Au moment où elle parlait de toi, tu t'es changée en démon. Mais moi, elle a prédit que je mourrai aussi. Et pourtant, je suis là à te parler... reprit Tiên d'une voix chevrotante.

— Ne dis pas ça, s'il te plaît... Jamais je ne te ferais de mal, Tiên. Tu es ma meilleure amie.

— Le destin ne peut être changé, puisque ce sont les dieux eux-mêmes qui l'écrivent. Ne t'inquiète pas, je ne compte pas mourir si facilement. Mais je dois bien m'habituer à cette idée.

— Je ne laisserai jamais rien t'arriver, promit Azmin. Je t'en prie, arrête de penser que je vais te tuer.

— Seul l'avenir nous le dira...

Un long silence s'ensuivit, entrecoupé par les pleurs ténus de Tiên. Les paroles d'Azmin l'avaient touchée au plus profond de son cœur ; elle ne pouvait que croire les mots de son amie de toujours. Jamais elle ne l'avait déçue, jamais elle ne l'avait abandonnée lorsqu'elle était dans le besoin. La jeune fille était partagée entre la peur inspirée par la prophétie et l'admiration pour la détermination sans faille de la prisonnière. Une idée germa dans son esprit.

— Dis, Azmin... Tu crois que les humains peuvent quand même changer le cours de leur destin ? interrogea-t-elle soudain.

— Je ne sais pas, répondit Azmin, prise au dépourvu. J'espère que oui. Le choesang m'a assuré du contraire, mais je refuse de me complaire à jouer le jeu des dieux, ou de qui que ce soit qui définit à l'avance mon avenir. C'est moi qui vivrai, pas eux, alors je veux pouvoir décider de ce que je deviendrai moi-même. Si on me laissait une deuxième chance, je voudrais pouvoir prouver que je suis capable de respecter mes valeurs morales.

Tiên leva la tête et vit la détermination sur le visage attristé de son amie.

"Azmin va se battre... Elle n'abandonnera jamais. Ça, c'est elle tout craché."

Elle se remit sur ses pieds et s'éloigna de la cellule d'Azmin.

— Attends, Tiên ! Où vas-tu ? l'interpela cette dernière. J'ai peur, ne me laisse pas...

— Mon destin m'appartient, et je vais le changer ! répondit Tiên d'une voix assurée. À plus tard, Azmin !

Azmin resta seule dans la prison souterraine, hantée par le souvenir de Nearidei.

— Qu'est-ce qui t'est passé par la tête, Tiên ? Je t'en prie, ne me fais pas me sentir coupable à ton égard. Ne fais pas de bêtise, murmura-t-elle après que les bruits de pas se furent évanouis.

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