La Trouée

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Dans sa maturité Géant dompte ses frères

En étendant sur eux l'emprise de ses bras ;

L'Ombre leur est portée, on ne peut s'y soustraire,

Mais juste après la chute un nouveau temps viendra.

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Le Géant affaibli s'était effondré d'un bloc, fatalement entrainé au sol par le poids des branches maîtresses qui avaient survécu à la foudre.

Peut-être une taille sévère aurait-elle pu lui gagner quelques années, mais alors il lui aurait fallu survivre ainsi rabattu, Samson végétal tondu au tronc, comme un enfant honteux obligé de subir la « coupe au bol » du pauvre, en lieu et place d'une coiffure stylée ?

Non, il n'y avait pas à regretter d'être tombé chevelu, mais pour le promeneur qui ignorait encore la nouvelle, la découverte du doyen de la forêt écroulé au sol était un choc... A ses yeux d'humain, quel drame, quelle désolation ! Un fatras de branches encore vertes rompues dans la chute en fagots misérables et suintants, le tronc à l'écorce devenue trop mince éclaté en bris semblables à de longues langues fibreuses et noirâtres, largement ouvert sur la cavité centrale où l'eau avait accumulé une épaisse couche d'humus... Les branches principales brutalement précipitées à la terre y avaient creusé de larges plaies, éparpillant aux quatre vents la litière de feuilles mortes et labourant la couche fertile surplombant la roche.

Une petite clairière s'était ainsi formée autour de ce qui restait du tronc, car désormais toute la zone était entièrement ouverte vers des nues que plus rien ne tentait de toucher. Vu du ciel, l'effet était saisissant, et le terme de « trouée » prenait ici tout son sens... On eût vraiment dit une immense carie creusée dans le vert de la forêt, noire et humide.

Même les effluves puissants qui s'échappaient de l'arbre et de la terre scarifiée portaient une odeur âcre de pourriture et de champignons.

C'était là l'odeur des sols foncés, humiques, que l'homme associe à la décomposition du vivant...

L'odeur de la mort, en somme...

La mort, oui... Voilà tout ce que les yeux humains voyaient en contemplant le triste spectacle...

Mais les humains savent-ils seulement regarder, et projeter leurs pensées au-delà de l'instant présent pour imaginer le futur ?

Tapi sous la terre noire et meurtrie, l'avenir se préparait. Castagnu n'était pas tombé vainement, rien n'est futile pour la Nature.

Tant que ses racines creusaient le sol, émiettant lentement la pierre en cailloux, puis arène granitique, puis sable fin se mélangeant au végétal, la couronne de l'arbre avait intercepté la lumière pour son bénéfice seul. Presque rien ne pousse dans l'ombre dense des très grands arbres...

Mais dans la pénombre stérile, le sol conserve scellé son trésor de graines, patiemment, dans l'attente du jour où un rayon de soleil viendrait réchauffer la terre et lever les dormances, incitant les semences à germer, enfin...

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