Un vol de données

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Il manquait toutefois au trio quelques notions fondamentales de sécurité en informatique. L’aspect de protection des données avait été négligé. Il leur semblait en effet suffisant de verrouiller la porte d’entrée pour écarter tout danger. En dépit de la solidité du système de fermeture, une effraction fut bientôt commise en cette période critique. Cet acte n’avait certainement rien d’innocent dans ce moment bien choisi. La stratégie de l’équipe révélait ses failles face à celle de personnes malintentionnées. Quelqu’un, à l’extérieur, connaissait-il la nature des travaux menés dans ce laboratoire? Une fuite d’informations avait-t-elle eu lieu? Les trois collègues s’accordaient suffisamment de confiance pour écarter cette hypothèse. Ils durent reconnaître cependant que, malgré tous leurs efforts pour brouiller les pistes, tout le monde voyait entrer et sortir de cette pièce des experts en génétique, nanotechnologies et neurologie. On déduisait aisément de cela l’activité qui en découlait, l’une de ces personnes étant née de la convergence de ces sciences.

Outre quelques babioles, deux ordinateurs avaient disparu dans le cambriolage. Le troisième? Merci, Emmanuelle, d’avoir osé l’imprudence de le garder dans la poche en fin de journée.

Cyril, tout juste parvenu à trouver la formule du nanorobot lié à la dégénérescence cognitive, n’avait pas encore produit celui-ci. Outre le temps nécessaire à retrouver la formule, avec l’appui des données conservées et de la mémoire de ses associées, un délai devait en effet être pris en compte pour la génération des nanorobots. L’information perdue fut reconstituée avec une rapidité satisfaisante, et les scientifiques laissèrent les machines synthétiser la solution à administrer à la patiente et chef de projet.

Dans l’attente d’un résultat, les recherches touchant au dernier brin d’ADN avançaient. Léa enquêtait en parallèle afin de démasquer les auteurs de l’acte malveillant, à commencer par le Docteur Carballo. Le neurologue offrait de temps à autre ses compétences à un générateur. S’il avait exposé ses suppositions à l’entreprise à propos de ce mystérieux laboratoire, l’implication de cette société dans l’attaque survenue semblait alors évidente : des recherches à contre-courant de ses intérêts auraient porté un coup dur à ses affaires et à celles du secteur tout entier.

Une industrie derrière cela? Cette théorie s’imposait. Mais pourquoi le cambriolage ressemblait-il autant à un acte amateur? Les malfaiteurs semblaient avoir bâclé leur opération. Ils ne prirent pas le soin de saboter les machines de mesures, un geste simple qui aurait réellement compromis les travaux des scientifiques. Des étudiants devaient être responsables de cette manœuvre, commandés et payés par l’une de ces entreprises pour subtiliser les ordinateurs en laissant paraître un vol sans prétention.

Léa avait réussi à prouver l'hypothèse de Riemann, elle devait donc être capable de mener à bien cette enquête. Il pouvait se révéler utile de consulter d'abord Monsieur Godard.

- Monsieur le directeur, connaissez-vous des étudiants dont le profil les laisserait soupçonner de détérioration ou de vol?

- Je veux bien vous aider, Mademoiselle, l’incident m'affecte autant que vous. Mais étant donné le nombre de personnes qui fréquentent cette fac, qui arrivent et s'en vont chaque année, je n'en connais qu'une partie, et seulement par leurs notes. Je pense qu'associer leurs résultats à leur comportement serait hâtif. Mais je vais me renseigner auprès des professeurs. Ils connaissent un peu leurs élèves et auront donc une meilleure idée que moi là-dessus.

- Merci Monsieur. Et merci...

- Je vous en prie.

- Oui, merci d'avoir été réactif pour demander le remplacement de la serrure.

Le directeur afficha une moue exprimant un "Allez... C'est oublié."

L'enquêtrice poursuivit ses investigations auprès des deux bureaux voisins du laboratoire, la salle de cours d'en face n'ayant pas été occupée l'après-midi précédant le cambriolage. Avant de forcer la porte, les voleurs ont dû s'assurer de ne trouver personne à l'intérieur.

- Avez-vous remarqué quelqu'un qui parlait... Pardon, qui passait à plusieurs reprises, ou demandant si nous étions là?

- Non, aucune question, et pas de tête qui réapparaissait souvent, il me semble. Vous savez... Je vois passer les gens dans le couloir à partir de mon bureau, mais j'ai aussi d'autres occupations.

- Vous avez raison! Merci.

Bredouille à son retour auprès de ses collègues, la jeune femme reprit avec eux ses fonctions scientifiques, selon l'ordre de priorité favorisant celles-ci devant son rôle d'inspectrice. Les journées s'articulaient autour de ce programme prenant, aux recherches à l'extérieur limitées pour rester discrètes.

Sortant du laboratoire en fin de journée, Léa fut hélée par Madame Barbe, du bureau voisin.

"Monsieur Godard voulait vous voir."

Elle se rendit dans le bureau du directeur.

- Bonjour Monsieur.

- Bonjour Mademoiselle.

- Vous vouliez me voir?

- Non... Ah oui. Je voulais vous demander si vous aviez réussi à reprendre le cours de vos activités de manière normale.

- Oui... Enfin, non. Nous avons du mal à nous remettre à flot, mais gardons espoir.

Elle rapporta la conversion étrange auprès de ses confrères et de son ami Vincent.

- Le directeur est passé tout à l’heure sans frapper à la porte. Il a demandé à côté si nous étions là, et a eu un moment d’hésitation quand je lui ai demandé s’il voulait nous boire.

- Nous boire?

- J'ai dit ça? Lol, comme disaient nos ancêtres aux débuts d'internet.

Les termes étranges et les bafouillages de l’HumaniX, depuis quelques jours, commençaient à inquiéter ses associés. On tentait de mettre ces hésitations sur le compte de l’émotion causée par le cambriolage et de la fatigue liée au travail éprouvant de restitution des données perdues.

Il restait trois bonnes journées d’efforts à Cyril avant la possibilité d’injecter la solution de nanorobots, mais Léa et ses adjoints craignaient que cela ne soit trop tard. Le deuxième antidote, quant à lui, serait prêt au cours du mois suivant et pourrait donc être administré bien avant l’échéance mortelle.

Les trois jours de préparation des molécules se déroulèrent sans répit, après lesquels le Docteur Lynch injecta le produit, puis une semaine de repos fut imposée à la patiente et vivement recommandée aux autres.

La course était lancée dans le corps de l’HumaniX. Les nanorobots neutraliseraient-ils le gène avant son réveil?

« Du calme, Léa. Nous verrons bien à ton retour. »

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