Ménestrel

3 minutes de lecture

« Tu as encore ton carnet de poésies ? s’enquit-elle.

- Il m’en reste un.

- Tu en avais plusieurs ?

- J’ai perdu celui avec les blasons, mais j’en ai un deuxième contenant des poèmes plus… mélodramatiques. » sourit-il.

Il se leva et alla à son sac. Il chercha un instant, puis en sortit un petit livret relié, à la couverture de cuir usé. Il revint s’assoir à côté d’elle sur le lit. Ils se trouvaient dans la chambre d’une auberge, située dans un petit village nommé Versailles. La pièce n’était pas très grande, et les murs et le sol étaient faits du même bois ancien. Par la fenêtre on apercevait quelques toits, et un peu plus loin le vieux donjon transformé en ferme. La nuit tombait.

« Tu voudrais bien m’en lire un ? demanda Astrée.

- Ils ne valent pas grand-chose, éluda-t-il, je les écris souvent sans y penser.

- C’est assez cynique. commenta-t-elle.

- Je ne vois pas ce que tu veux dire, répondit-il avec une évidente mauvaise foi, après tout je n’ai aucune raison d’y mettre du cœur. Mes amours sont passagères, les poèmes que je leur dédie n’ont pas besoin d’être des trésors de littérature. Étant donné qu’en plus je dois traduire mes idées dans différentes langues… »

Elle hocha la tête d’un air entendu.

« Tiens, reprit-il, si tu veux tu peux voir par toi-même. »

Elle prit le carnet qu’il lui tendait et l’ouvrit. Les pages étaient parcourues d’une écriture hâtive, quoiqu’agréable à regarder. Elle lut rapidement les groupes de mots dispersés sur les pages, destinés à être intégrés à des poèmes, les idées, les remarques, et quelques textes déjà terminés.

« En effet, le taquina-t-elle, tu écris de façon assez conventionnelle. Cependant je suis surprise de ne trouver aucun sonnet.

- Je n’apprécie pas vraiment cette structure, je la considère trop instable. Passer de deux strophes de quatre vers à deux de trois donne une impression de manque sur la fin. En revanche, j’aimerais écrire une ballade, je trouve cette forme plus jolie. »

Elle continua à lire et trouva un quatrain sur la dernière page, apparemment récent.

Boire jusqu’à la lie

Consommer ce poison à l’envi

Puis quand sonne l’hallali

S’enivrer de mort en quittant la vie

« Celui-là est différent, fit-elle remarquer, vas-tu lui donner une suite ?

- Je ne pense pas. Il est bien ainsi, et je risque de le gâcher en le continuant.

- Selon moi c’est un début intéressant, tu voudrais bien le terminer ? »

Voyant qu’il hésitait, elle insista :

« S’il te plaît, juste pour moi.

- Tu ressembles à une enfant, s’amusa-t-il, mais je ne vaux pas mieux. Je le finirai, mais je ne garantis pas le résultat.

- Merci ! » sourit-elle.

Un temps passa, puis elle devint pensive.

« Azzur ?

- Oui ?

- Les poèmes que tu m’as écrits, étaient-ils préparés ?

- Non, la rassura-t-il, je les composais sur le moment, quand tu m’en demandais. »

Elle parut rassurée.

« J’avais besoin de confirmer cela, plaisanta-t-elle, pour me sentir exceptionnelle. »

Il sourit lui aussi.

« Ma phrase va te sembler peu originale, répondit-il dans le même jeu, mais tu as toujours été différente des autres femmes. »

Elle rougit légèrement. Elle remarqua une ombre de tristesse dans son regard.

« Qu’y a-t-il ? s’inquiéta-t-elle.

- Devine.

- C’est parce que je m’en vais ? »

Il acquiesça.

« Pour être franc, ajouta-t-il d’un air détaché, j’ai aussi terriblement envie de t’embrasser tout à coup, mais… »

Elle sembla surprise puis déclara d’un ton badin :

« Je t’en donne l’autorisation, pour cette fois. »

Il hésita un instant, puis suivit son injonction. Ce fut un baiser presque timide, ce qui s’avérait étonnant de sa part. Il ne chercha par vraiment à le prolonger, elle non plus. Quand il s’écarta un peu, il lui posa une question :

« Est-ce que tu pars avec lui parce que je t’ai abandonnée ?

- Une vengeance ? Non, et puis je savais qu’un jour tu me quitterais. Ne raconte pas de telles bêtises. »

Et elle l’embrassa en retour, tant pour le faire taire que parce que c’était la dernière fois qu’ils s’accordaient ce plaisir.

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