La rencontre

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J'étudie attentivement ce bout de papier, marquant un temps d'arrêt à chaque aspiration qu'Elly a imaginée pour moi.

— C'est quoi, ça ? Une sorte de wishlist pour les ermites ? me vexé-je.

Mon sarcasme n'échappe pas à mon amie. Je ne suis pas forcément d'humeur à la plaisanterie après ces vingt-quatre heures réparties entre la France et l'Amérique.

Elle vient me rejoindre sur le lit et enlace mes épaules.

— Ne prends pas cet air pincé. Çà, dit-elle en m'ôtant la liste, n'est juste qu'un support - plutôt fun - pour tes vacances.

Plutôt fun ? Tu t’ennuies à ce point pour te lancer le challenge de dévergonder Sawyer-la-fille-sympa-mais-un-peu-coincée ! Je refuse de devenir ta bonne action de l'année !

Mon ton est allé crescendo, fluctuant entre sarcasme et déception. Je me réjouissais de ce voyage. Mon père, né sur ce continent, a fait de moi l'unique héritière de ses origines. Ici, je me plais à converser dans cette langue qui a bercé mon enfance. Il me tarde de découvrir ce quotidien si différent de celui qui a rythmé mon existence. D'autant que je me donne pour mission d'y revenir grandie, plus accomplie.

Mais ai-je vraiment besoin d'aller à un double date pour se faire ?

— Respire, Sawyer-la-fille-sympa-mais-un-peu-coincée, je comptais bien argumenter ma défense.

Elle a cette voix douce et posée, presque amusée de la situation. Il est évident qu'Elly avait envisagé ce type de réaction. Non seulement, je ne dégage pas de vibrations fun, mais de surcroît, je suis prévisible... Une combinaison bien dramatique.

— Reviens t'asseoir sur le lit et retire-moi cette moue boudeuse, veux-tu ?

Je n'avais pas remarqué m'être levée, bras croisés sur ma poitrine. Je regagne ma place, les yeux plissés à tenter de conserver mon regard presque menaçant.

— Primo, tu n'es pas coincée. Deuzio, j'ai déjà fait ma B.A en acceptant un rencard comploté par mes parents et tertio, sache que cette liste est mûrement réfléchie.

Je l'intime en silence à continuer de plaider sa défense, curieuse d'entendre la suite.

— Je me répète Sawyer, je ne t'ai jamais vue comme une fille coincée. Plutôt comme celle manifestant un comportement exemplaire. Tu es la belle-fille que toutes belles-mères rêveraient d'avoir. La nature t'a pourvue d'une beauté universelle, autant qu'Anne Hathaway ou Julia Roberts. Écoute... Jérémy a décidé de sortir du placard, tu ne crois pas qu'il serait temps que tu sortes de ta chambre ? Je t’offre l'opportunité de vivre une fête à la American Pie avec tous les clichés qu'elle comporte. Ou encore aller à un concert de rock, comme ceux que tu regardes depuis Youtube. Laisse-moi t'apprendre les bases de la conduite, à surfer sur les plus belles vagues de Mavericks !

Elle m'énumère son plaidoyer avec tellement de conviction, qu'il est difficile d'être fâchée plus longtemps. Son pouvoir de persuasion est aussi redoutable qu'il m'énerve.

— Et le double date, tu m'expliques un peu sa nécessité ?

— Parce que j'ai promis ce rencard à mes parents avec monsieur Mark-Darcy¹-au-pull-ringard. Alors... tu vois... je me suis dit que ma compatissante et dévouée correspondante m'accompagnerait peut-être...

Sa joie fait place à des yeux suppliants. Ce qui, j'avoue, est plutôt hilarant quand on s'imagine une seconde cet énergumène - aux cheveux bientôt gris - à la voiture des années cinquante, dans un resto chic au bras d'un jeune homme tiré à quatre épingles.

— On pourra même se choisir un code gestuel si l'une de nous deux brûle de décamper. Et puis, as-tu déjà eu un rendez-vous galant ? Se serait peut-être l'occasion de t'entraîner avant que tu ne rencontres ton Johnny Castel : « on ne laisse pas bébé dans un coin »² .

— Est-ce que tu peux arrêter d’essayer de m’amadouer avec tes références cinématographiques ! Anne Hathaway ? Darcy ? Les cinquante nuances ? Sérieusement !

— Ça marche un peu ?

— Tu me fatigues avec tes plans qui n'en sont pas vraiment.

— Alors c'est oui ?

— Seulement si je choisis qui m'accompagne.

— Ah Sawyer ! Tu es la meilleure après moi ! s'exclame-t-elle se jetant dans mes bras.

— Dernière chose avant que je te rince la tête.

— Tout ce que tu voudras, mon cœur !

— On n'a pas abordé le dernier point ; faire un truc fou. Qu'est-ce que tu entends par là ?

Elle se redresse et redevient sérieuse.

— Je tiens vraiment à ce que tu envisages cette liste comme une possibilité. Mais j'aimerais que par toi-même, tu t'autorises une folie. Tu as carte blanche. Surprends-moi, Sawyer-la-fille-sympa-mais-un-peu-coincée.

Il n'a fallu à Elly qu'une journée pour que j'appréhende les semaines à venir.

En pyjama, nous nous tenons debout côte à côte face au grand miroir à poser dans le style shabby chic. Ce soir, je suis la seule à découvrir son changement capillaire. Ses parents travaillent car ils sont respectivement un simple pilote d'avion et une banale hôtesse de l'air. Le cliché absolu qui te donne l’air branché dès la naissance...

— Sois honnête.

— Je suis assez impressionnée par ma mission, ce gris argenté te va bien.

— Serais-tu donc d'accord pour avouer que parfois, faire un truc fou peut s’avérer être un franc succès ?

— Mais tu ne lâches jamais, toi !

— Jamais.

— On pourrait clore le sujet « wishlist » pour ce soir ?

— Pour ce soir, promis.

— Si cela ne t'ennuie pas, je vais essayer de joindre ma mère.

— Tu as l'embarras des pièces, m'accorde-t-elle dans un geste théâtral.

Tu m'étonnes ! Cette maison fait de l’ombre à tout le quartier...

Ma mère n’est pas accessible sur WhatsApp. Une évidence compte tenu du décalage horaire. Soudain prise de regrets, le cafard emporte mon bien-être. Pas seulement à cause de cette occasion manquée, c'est aussi un trop-plein d'émotions. Si mon amie fait de son mieux, elle est aux antipodes de Jérémy. J'espère du fond du cœur qu'il aura le courage de déclarer sa préférence sexuelle à ses parents. Supposé que ce soit le deuxième cas de figure qui se présente, celui où ils ne le tolèrent pas, je ne serai pas là pour le réconforter. Et cette pensée donne vie au sentiment douloureux d'occuper un cheval de frise dans le bide.

De petits coups frappent à la porte.

— Comment va ta mère, mon cœur ?

Je hausse les épaules, tête baissée, puis laisse couler les larmes sans bouger.

— Merde... Sawyer !

— Ma mère ne décroche pas, je suis tellement pour Jérémy, sans oublier que je stresse à mort pour mon essai de demain !

Mon chagrin s'accentue proportionnellement à mes pleurs. Constater l’état dans lequel je termine ma journée nourrit mes larmes. Quel tableau pathétique.

Elly me serre dans ses bras tout en me raccompagnant dans sa chambre.

— Envoie un message à ta mère via Messenger, elle le lira dès son réveil. Oublie ton job, oublie cette liste et allonge toi, tu es exténuée.

Je m'exécute, glisse dans ce lit revêtu de similicuir aux formes capitonnées. Muni d’une imposante tête de lit avec une corniche aux motifs floraux argentés, ce chef-d’œuvre artisanal est un faire-part à toutes les belles au bois dormant.

— Je te propose en guise de distraction, de te raconter la raison pour laquelle mes parents m'incitent à rencontrer Preston. Le Mark-Darcy-au-pull-ringard. Les faits ont eu lieu pendant le rangement des courses. C’est le moment qu’a choisi mon père pour m’implorer de stopper mes déboires nocturnes. Qu’à mon âge, on se cherche un mari. Il a donc eu la brillantissime idée de me demander de sortir et faire connaître du monde au fils de l'un de ses confrères. Soi-disant, les parents déplorent que leur fiston soit un solitaire. J'ai contesté aussitôt ! Parce que ça, tu vois, c'est le début des emmerdes ! Si par mégarde, ça se passait mal, mon paternel me reprocherait d'être une perpétuelle insociable. Ce que je ne suis pas ! Je suis super cool comme fille ! Mais je sais maintenant d'où vient mon pouvoir de persuasion. J'ai capitulé. En prouvant ma bonne foi, j'ai même refusé de voir sa photo. Ainsi, je suis sûre de ne pas me dégonfler s'il s'avère moche. C’est dire la balle que je viens de me tirer dans le pied ! Puis m'est venue l'idée de me teindre les cheveux en gris, histoire que Mark-Darcy sache tout de suite à qui il a à faire. Tu crois que j'en fait trop ?

Je tenterai bien une réplique, mais j'accueille de bonne grâce le sommeil lorsqu'il me dérobe progressivement de mon état de conscience.

*

* *

Ma correspondante a passé sa matinée à me relater l'origine désastreuse de son futur rendez-vous avec Preston. Son monologue d'hier soir m'ayant expédiée rapidement dans un sommeil propice aux songes. Ce midi, je suis parvenue à bavarder avec maman, notre conversation a suffi à guérir mon moral. J'ai aussi pris du temps pour rapporter dans mon journal de bord mes émotions de la veille.

On s'apprête à monter en voiture quand Elly m'accroche le coude.

— Oh punaise !

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— C'est son pick-up !

— Tu pourrais faire l’effort de développer ? la questionné-je en sondant le voisinage.

— Tu vois la maison là-bas ? Elle se trouve être ton futur foyer.

— C'est la demeure des Özkan ?

— Yep ! Et ce joyau garé devant n'est autre que celui de Can ! Il est rentré ! Viens, on y va !

— Quoi ? Mais pourquoi ?

Je me dégage de son emprise et allonge deux pas en arrière. Ce qui n'est absolument pas le cas d'Elly qui sautille autant qu’un régiment de pucerons.

— Pour que tu déposes tes affaires, te présente à Karen et accessoirement à son neveu...

— Le plan, c'est d'aller me former au Bebek où m'attend Ibrahim, paniqué-je. Je me suis préparée psychologiquement toute la matinée pour mon essai ! On en reste au plan A. Et je te défends d'utiliser Karen juste pour minauder devant ton explorateur.

— Dis-toi que s'il est venu rendre visite à Karen, il passera forcément voir son oncle, m'avertit-elle avec son inépuisable sourire en coin. Il est donc fort probable que d'ici ce soir...

Son inépuisable sourire en coin termine sa phrase pour elle.


*

* *

— Il va falloir garder tes mains disponibles, prend ton plateau que d’une seule. Tu es droitière ?

— Oui.

— Dans ce cas, pose ton plateau à plat sur ta paume gauche largement ouverte. Ne le considère non pas comme un objet, mais plutôt comme un véritable prolongement de ta main, permettant d'en augmenter la taille.

Il est quinze heures passées, je suis en plein exercice d'agilité. Le service en salle peut paraître simpliste, mais pour une fille dont la maladresse est cousue au fil blanc, c'est une véritable prouesse.

— Ok, parfait. Maintenant, débarrasse la table que j'ai dressé juste derrière toi. Si tu ne veux pas déséquilibrer ton plateau, répartis le poids des objets. Avant toute chose, place la bouteille au centre. Ensuite, tu pourras te permettre de mettre les verres tout autour.

Je m'exécute, ravie d'y arriver sans tout casser dans un désastre dont moi seule ai le secret. Je m'autorise même une courbette, lui offrant mon plus beau sourire victorieux.

— Tamam³, tamam, sourit-il les deux paumes vers le bas en signe de prudence. Pose ton arme avant de tout faire chavirer.

— Alors, la prochaine étape ? demandé-je impatiente.

J'ai tellement stressé pour cet essai. Elly avait raison, il n'y avait pas lieu de me rendre malade. Depuis près de deux heures, mon patron me donne une formation accélérée de mes futures tâches et des compétences requises pour celles-ci. On a déjà abordé l'encaissement, l'entretien des lieux et des équipements du bar et le stockage des produits dans la réserve.

— On va continuer sur la pratique. Tout à l'heure, tu as survolé la carte des boissons, me certifiant que tu n'avais pas besoin de la ramener pour l'apprendre par cœur. Passe derrière le bar, je vais te questionner sur chaque cocktail, ensuite, je te montrerai leur préparation. Prête ?

Grâce à ma mémoire eidétique, je possède des capacités mémorielles exceptionnelles. Je détiens la faculté de stocker une quantité d'informations. Un don bien singulier souvent résulté à travers mes bons résultats scolaires, et dans le cas présent, la mémorisation des cocktails ainsi que chaque verre associé à son alcool. En conclusion, la théorie est toujours la partie la plus facile, mais la pratique... Arh ! Elle requiert une adresse qui ne m'est pas innée, mais alors pas du tout. Surfant sur ma réussite, je me place confiante derrière le bar, disposée pour mon interrogatoire.

— Le Cosmopolitan.

— Liqueur d'orange, cointreau, vodka, jus de citron vert et jus de cranberry.

— Facile, c'est un classique. C'était juste l'échauffement. Pour le Cosmo, tu remplis de glaçons ton shaker, verses-y ensuite un centilitre cinq de Cointreau, trois centilitres de vodka, un centilitre cinq de jus de citron vert et un centilitre de jus de cranberry. Frappe ton shaker de cette manière et verse le mélange dans ce verre à martini.

Il a toute mon attention. Mon cerveau restitue à la manière d'un puissant ordinateur, chaque donnée qu'Ibrahim prend le temps de partager avec moi.

— Compliquons les choses. Si je te dis... un punch rosé.

— Gin, vin rosé, citron jaune frais, crème de cassis, nectar de cranberry et menthe fraîche.

À peine avait-il posé sa question, je débitais les ingrédients à la vitesse d'un calculateur numérique.

— Bon sang Arizona ! Tu as vraiment enregistré la carte en moins de dix minutes ?

— J'ai une bonne mémoire...

Je hausse les épaules l'air de rien, mais ma fierté fait aussi sa courbette. Contente que cela provoque toujours son petit effet.

L'espace d'une heure ou peut-être plus - j'ai perdu la notion du temps - nous élaborons ensemble les cocktails et étudions les doses d'alcool. Pour être honnête, je me régale. Il faut dire que je ne lâche rien tant que ce n'est pas parfait. Je mets un point d'honneur à écouter ses précieux conseils et faire grâce à la patience d'Ibrahim.

Concentrée pour la cinquième tentative dans l'élaboration d'une recette alcoolisée de la carte, je n'entends qu'à peine la porte qui s'ouvre. Trop occupée à essuyer l'alcool renversé maladroitement un peu partout, je ne relève pas non plus la tête quand le bruit d'une démarche assurée m'indique qu'une personne pénètre dans ma bulle sécurisée dans laquelle je m'étais laissée porter tout l'après-midi. Ibrahim s'est installé sur un coin de table pour gérer la commande de ses stocks, me jetant de temps à autre des coups d'œil, parfois amusés, parfois inquiets. En y regardant bien, j'ai légèrement investi son bar en laboratoire de chimie... légèrement. C'est lorsque je l'entends se lever que mon esprit daigne enfin rassembler tous les indices : un neveu dont on attend le retour, bénévole à temps non défini sur mon lieu de travail, le pick-up de ce matin. Comment s'appelait-il déjà ?

— Can ! benim oğlum4 !

Mes yeux s'écarquillent, fixent les tranches d'ananas coupées grossièrement sur une planchette de bois. Je stoppe tout mouvement. Mes mains sont immobilisées dans les airs, coupées net dans leur action.

Tout va bien se passer.

J'ose un bref coup d'œil en direction du présumé coupable de mon état. Une large carrure habillée d'une veste en cuir noire me fais dos. Les deux hommes s'étreignent dans une accolade fraternelle et virile. Je remarque que cet homme qui arbore le man bun5, surplombe la silhouette de son oncle l'éclipsant totalement de mon champ de vision. Apparemment, être grand, costaud et partager le style hipster est une affaire de famille chez les Özkan.

Tout va bien se passer.

— Mon employée, la jeune française dont je t'ai parlé dans notre dernier échange.

Mon réflexe premier est de me caler les joues de morceaux d’ananas. La nourriture agit sur moi comme un anxiolytique et m'occupe accessoirement l'esprit quand celui-ci refuse de fonctionner à la normale. Je me mets à compter les pulsations anormales de mon cœur, à mesure où des pas contournent le bar pour s'arrêter à ma gauche. Foutue correspondante ! M'avoir mis dans le crâne que cet homme était une idole pour des gens, doté d'un physique agréable et d'un génie capable de lui faire exercer des métiers à l'antipode les uns des autres. Cette fille mériterait l’Oscar de la plus grande emmerdeuse.

Tout.Va.Bien.Se.Passer.

Mon visage se tourne lentement vers celui de l'intéressé. Accoudé nonchalamment au bar dans ma direction, ses yeux accrochent les miens à la seconde où ils se découvrent pour la première fois. Ses prunelles engagent un échange de regard persistant, sans se préoccuper de la gêne qu'elles peuvent déclencher. Dans ce qui me paraît être une éternité, il brise le silence.

— Comment t'appelles-tu ?

Il a ce genre de voix calme et grave qui vous informe tout de suite de la concentration de testostérone que comporte son organisme. Et je note un accent parenté, certainement relié à ses origines turques. Je me racle la gorge, secoue la tête pour reprendre contenance et m'essuie la bouche du revers de la main.

Comment je m'appelle déjà ?

— Sawyer. Arizona... Je m'appelle Arizona Sawyer... bafouillé-je d'une voix presque inaudible.

— Enchanté, Can Özkan.

Ses yeux ne cessent leur éprouvante inspection. Il me tend la main. Je contemple les miennes, affreusement collantes... Souriant timidement, gênée, je les essuie sur mon tablier. Toujours dans l'attente que je réponde à son geste, j'ai le réflexe - très idiot - de le gratifier d'un signe de la main accompagné d'un « salut ». Je décèle alors chez mon interlocuteur une première expression, un sourire furtif.

Que la foudre vienne frapper mon manque d’assurance ! Et rayer Elly de la carte.

— Arizona est en plein apprentissage des cocktails. Elle a passé l'après-midi à découvrir les ficelles du métier. D'ailleurs, il est également important que tu puisses conseiller le client, explique mon patron. Fais l'essai avec Can, propose-lui quelque chose à boire.

J'ai la sensation d'être sollicitée pour une interro surprise. Celle où l'on se retrouve face à la classe, les regards braqués sur soi.

— Qu'est-ce que tu recherches dans un cocktail ?

— Qu'il soit délicat, sucré et vienne réveiller mes papilles, me répond sa voix affirmée.

Je me concentre et interroge ma mémoire photographique, à la recherche d'une recette de la carte pouvant correspondre à sa demande. Mes mains tremblent lorsque je m'attelle à la tâche. Impossible qu'il ne le remarque pas. Le mélange terminé, je pose le verre devant lui. Il le porte à ses lèvres, en savoure une gorgée. Je l'observe se délecter de ce contenu corsé, tandis qu'il continue en retour son observation sur ma personne.

— C'est Can qui a inscrit le Smoggy sur la carte. Tu es impressionnante. Cette jeune fille a mémorisé la carte en moins de dix minutes, elle peut refaire chaque cocktail au centilitre prêt sans avoir pris de notes. Tu peux aller te changer, rentrer à la maison pour t'installer, Arizona. Ma femme t'attend. Ton contrat est sur mon bureau, récupère-le et prends le temps de le lire à tête reposée avant de le signer.

Contente de retrouver mon espace de sécurité, libérée de la proximité que m'a imposé cet homme, je ne me fais pas prier et me rue dans la pièce qui me sert de vestiaire. Je veux quitter cet endroit au plus vite. Il me faut retrouver de l'air pur, non polluée par le magnétisme de Monsieur Sans Gêne. Valises sur les talons, je traverse le couloir, récupère mon contrat au passage, et m'apprête à saluer les deux hommes quand Ibrahim m'interrompt dans ma course.

— Préviens Elly de ne pas venir te chercher. J'ai proposé à Can de se joindre à nous pour le dîner. On va célébrer ton contrat et ta première soirée sous notre toit ainsi que son retour au pays. Il va te ramener le temps que je termine ici.

Tout ne s'est pas du tout passé comme prévu...

¤¤¤¤¤¤

¹ «Mark Darcy» est un des personnages principaux du livre et son adaptation cinématographique « Le journal de Bridget Jones ».

² «On ne laisse pas Bébé dans un coin» Référence au film « Dirty Dancing ».

³ « taman » mot turc signifiant « d’accord / ok » .

4 « benim oğlum » mots turcs signifiant « mon fils ».

5 « man bun » est un chignon pour homme.

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