Chapitre 21

9 minutes de lecture

En arrivant sur les lieux, Johnson avait expliqué aux proches de Lucy la présence de Thomas, ainsi que sa complicité avec le FBI qui était bel et bien lié à toute cette affaire. Il était passé rapidement sur le tout, promettant de plus amples explications une fois qu'ils auraient retrouvé la femme avec laquelle ils étaient censés avoir rendez-vous. Le fait qu'elle ne s'était pas présentée était très inquiétant, surtout en vue du fait qu'elle était extrêmement investie dans l'enquête pour retrouver son frère. Au bout d'une heure de recherche cependant, le groupe n'avait toujours rien trouvé. Ils avaient fouillé le moindre recoin, passé de long en large chaque petite rue aux alentours, mais ils ne trouvèrent aucune trace de la femme pour laquelle ils étaient venus jusqu'ici. C'était comme si elle n'avait jamais existé; personne n'avait la moindre information, il n'y avait absolument plus rien à son propos. Pas même la boulangère qui avait pourtant l'habitude de lui offrir des miches de pain n'avait pu donner un mot à Johnson quant à la sans domicile ou son frère, agissant comme si elle ne les avait jamais connus. Le sergent pesta. Cela ne servait plus à rien de continuer ; il savait très bien qui était la cause de toute cette histoire. D'abord l'enlèvement du frère, puis voilà que subitement son enquête était entravée par la disparition de la sœur ? Si les ravisseurs avaient simplement voulu enlever les deux, ils l'auraient fait quand la femme avait surpris les hommes enlever son frère, mais non, c'est seulement après qu'elle ait partagé des informations qu'elle s'était faite enlever. Après que Thomas l'ait rencontrée. C'était beaucoup trop gros pour être une coïncidence. Mais maintenant, les accusations seules n'auraient aucun impact, il fallait des preuves. Et ça, Johnson n'en avait malheureusement aucune. S'enfonçant dans sa chaise, le sergent était contrarié. Le groupe constitué des proches de Lucy, ainsi que des deux rangers, était revenu dans la chambre d'hôtel des parents de la disparue. Cet endroit était presque devenu leur QG avec le temps, ils s'y retrouvaient à chaque avancée dans l'enquête. Le silence qui était tombé entre les occupants de la pièce en disait long; tous avaient très bien compris qui se cachait derrière tout cela, mais personne ne pouvait rien dire. Cette situation était extrêmement frustrante, comment pouvaient-ils se battre contre un ennemi tel que le FBI ?

« Il nous faut des preuves. murmura Eli. »

Johnson hocha la tête. C'était effectivement ce dont ils manquaient, une implication concrète du FBI, quelque chose que même eux ne pourraient pas nier. Cependant avec les entraves qu'ils s'appliquaient à placer face à chaque enquête du sergent, c'était mission impossible. Jamais il ne pourrait trouver quoi que ce soit les impliquant, il n'en avait pas l'autorité.

« Peut-être que.. je pourrais aider ? »

Le caporal-chef Thomas avait parlé, hésitant. Il savait très bien que sa présence ici n'était pas particulièrement bien vue de la famille des victimes, et ce à juste titre. Cela ne manqua d'ailleurs pas; tout de suite après ses mots, une foulée de regards accusateurs se posa sur lui. La confiance des proches de Lucy envers un agent double du FBI n'était pas là plus flagrante, bien au contraire.

« Un traître veut aider maintenant qu'il est découvert ? On a peur de perdre son boulot peut-être ? »

Les mots de Prince étaient crus, cependant personne ne l'arrêta. Si tous n'osaient pas le formuler oralement comme le brun le faisait, ils n'en pensaient pas moins. Doutes et suspicions étaient braqués vers Thomas, mélangés à un soupçon de colère. Seul Johnson prit la défense du caporal, croyant les mots qu'il lui avait adressé plus tôt dans l'après-midi.

« Écoutez, je sais de quoi il a l'air, mais je vous assure que vous pouvez lui faire confiance, c'est-
- Laissez Johnson, je m'en occupe. »

Coupant le sergent dans ses explications, Thomas prit la parole. Il ne pouvait pas blâmer les personnes ici présentes de le soupçonner, cependant il tenait malgré tout à expliquer lui-même sa situation.

« Il y a deux ans, on bossait sur l'enquête du premier disparu du désert. On avait du mal à trouver une piste, mais nous avions quand même pu mettre la main sur quelques indices, comme un bout de vêtement par exemple. Ce soir-là, j'étais en train d'attendre les résultats des analyses sur le bout de tissu que nous avions trouvé plus tôt. J'étais le dernier présent sur la base des rangers, il devait être vingt heures passé. Après quelques minutes d'attente, j'ai finalement reçu les résultats, mais quelqu'un toqua à la porte presque au même moment. Pensant que c'était une urgence, j'ai immédiatement ouvert, mais je suis tombé nez à nez avec deux agents du FBI en costume. »

Personne ne dit un mot face aux explications de Thomas, tous très attentifs à ses paroles. Après tout, sur cette histoire se jouait toute la confiance qu'ils apporteraient ou non au caporal-chef, alors il avait tout intérêt à se montrer convaincant, mais surtout, honnête.

« Les agents sont entrés, m'ont posé quelques questions sur l'avancée de l'enquête. Je ne suspectais rien alors je leur ai tout dit, notre quadrillage du désert, la découverte du morceau de vêtement... C'était des fédéraux après tout, je m'étais dit que dans le pire des cas ils pourraient nous dans notre enquête, et tant pis s'ils en récoltaient le mérite. »

Johnson reconnaissait bien là son vieil ami, se fichant de récolter le produit de son travail tant que justice était rendue. Il n'avait pas l'ombre d'un doute quant au fait que Thomas avait bel et bien divulgué les informations qu'il possédait dans l'unique but de retrouver la victime le plus tôt possible. Cela faisait partie de sa façon d'être après tout.

« Nous avons encore échangés quelques mots avant que les agents affirment avoir d'autres éléments sur cette enquête qu'ils avaient du mal à interpréter. Ils m'ont demandé de venir les aider puisque je connaissais mieux le dossier qu'eux, et ce serait par ailleurs la raison de leur visite. J'ai accepté sans la moindre hésitation et les ai suivis jusque dans leur voiture, garée devant la base. À partir de là mes souvenirs sont un peu flous; je ne me souviens pas du trajet que nous avons fait mais je peux vous dire une chose : à l'arrivée nous n'étions pas au QG du FBI. L'endroit ressemblait à un entrepôt sombre, reculé, et protégé par des dizaines de gardes armés. Je ne me souviens pas précisément de l'intérieur, mais il y a une chose dont je me rappelle tellement bien que cela me hante depuis des années. Quelque chose de si horrible que je le revois à chaque fois que je ferme les yeux. Cette chose.. sont des restes humains que j'ai pu voir. Des corps, dans un état monstrueux. Ils n'avaient plus la moindre trace d'humanité en eux. Leurs visages tombaient en lambeaux, et leurs corps, eux n'étaient plus que tas amorphes, sanglants. »

Le regard de Thomas avait changé tout en prononçant ces paroles. Son visage blanchissait à chaque syllabe qu'il amorçait, comme si le souvenir se ravivait encore un peu plus avec les secondes qui passaient. On pouvait facilement voir à quel point cette vision avait dû être traumatisante pour lui, ses yeux s'assombrissant encore un peu plus à chaque mot.

« Ils m'ont dit que c'était le sort destiné à l'humanité. Qu'il était impossible d'y échapper. Que tout le monde y passerait, sans aucun espoir de rédemption. Ou du moins, que ce serait le cas s'ils ne trouvaient pas de solution. »

Le caporal-chef reprit son souffle, essayant de calmer la respiration saccadée que la remémoration de ces souvenirs avait engendré.

« Au début, je ne voulais pas y croire. Je ne voulais pas croire que l'humanité allait finir comme ça, il n'y avait aucune raison pour que ce soit le cas, n'est-ce pas ? Mais ils m'ont montré. Ils m'ont montré ce que la terre allait nous faire subir. C'était si.. réel. Les agents m'ont dit que la solution résidait dans les disparus du désert. Qu'ils apportaient la lueur d'espoir pour notre pays et même plus, pour notre monde. Et moi.. j'y ai cru. J'ai cru en leur discours de sauveurs de l'humanité, j'ai cru qu'ils faisaient ça pour le bien de tous. J'ai accepté de les aider parce que je ne voulais surtout pas laisser l'humanité se réduire à ce que j'avais vu plus tôt, ces... choses. Si seulement j'avais posé plus de questions là-bas, si seulement je m'étais rendu compte de ce qu'ils cachaient... »

Thomas serra les poings, le regard emplit de regret. On pouvait lire la culpabilité sur son visage, voir à quel point il s'en voulait de s'être laissé manipuler.

« Au final, je ne sais rien. Je ne sais pas ce qu'ils font subir aux disparus, je ne sais pas où ils se trouvent où en quoi sont-ils la solution. Je ne sais pas contre quel mal se bat le FBI, et pas même si tout ça est simplement vrai... Je suis désolé, tellement désolé. »

Le silence envahit la pièce une fois de plus. Personne ne prononça un mot, emmagasinant les informations qui venaient d'être révélées. Tous avaient l'impression d'avoir fait un pas de géant dans l'enquête, mais en même temps l'impression d'avoir fait tout ça pour rien. Les paroles de Thomas étaient très floues, et énormément de points étaient encore à éclaircir. D'autant plus que lui-même n'était pas sûr de sa propre mémoire, alors comment pouvaient-ils espérer connaître la vérité qui se cachait derrière tout cela.

« Il faudrait qu'on retrouve l'endroit dont vous parliez caporal-chef. »

Comme à son habitude, Eli était le premier à briser le silence, toujours imperturbable.

« Mes souvenirs sont trop flous, je ne pense pas réussir à me remémorer le trajet. En plus de ça, il y a des gardes armés tout autour, on ne pourrait même pas entrer.
- Lucy pourrait être là-bas. Lucy et les autres. Et si c'est le cas, on aurait pas besoin d'entrer, juste de les surprendre apporter quelqu'un d'autre. »

Les parents de la disparue retinrent leur souffle. C'était la première piste qu'ils avaient quant à la localisation de leur fille, la première vraie lueur d'espoir depuis plusieurs jours. Elle était certes faible et vacillante, mais ils voulaient y croire, croire qu'ils allaient enfin retrouver leur enfant. En cet instant, les doutes qu'ils avaient pu avoir envers le caporal-chef ne comptaient plus, seul cet espoir qu'il avait amené avec lui était gravé dans leurs esprits.

« Il faut essayer de vous souvenir, amorça douloureusement la mère de Lucy, s'il vous plaît, c'est tellement important pour nous...
- J'aimerais, j'aimerais vraiment. Mais c'est comme s'il y avait un brouillard devant mes souvenirs, tout est si confus... je n'y comprends rien, je me souviens parfaitement être entré dans la voiture pourtant, mais après ça c'est le vide.
- Et si tu avais été drogué ? Ça expliquerait tout. »

Johnson, qui était resté silencieux jusqu'à maintenant avait finalement prit la parole.

« Si le FBI cache réellement les disparus là-bas, alors ça me semble logique qu'ils ne veuillent que personne ne sache où cet endroit se situe. Recourir à une sorte de drogue dans ce but me semble tout à fait envisageable. »

Eli hocha la tête. Il avait pensé à la même chose que le sergent, l'utilisation de drogue expliquant le brouillard dans les souvenirs de Thomas. Ce dernier quant à lui avait toujours du mal à réaliser cette possibilité, restant quelque peu dubitatif. Il n'excluait bien sûr pas cette hypothèse, mais pour lui tout ne collait pas. Ou du moins, pas encore.

« Pour avoir été drogué, il aurait fallu qu'ils me donnent de la drogue. Pourtant, je ne crois pas avoir consommé quoi que ce soit de leur part...
- Tu ne t'en souviendrais de toute façon probablement pas même si c'était le cas, répondit Johnson, et ils auraient très bien pu contaminer l'air aussi, ou bien un objet proche de toi.
- Mais pourquoi m'emmener dans un endroit qu'ils mettent tant d'efforts à cacher ?
- Pour vous convaincre, sûrement. ajouta Eli. Ils savaient très bien que vous étiez un homme de principes et que vous auriez besoin de plus que quelques mots pour les rejoindre. »

Thomas acquiesça. Il était vrai que s'il n'avait pas vu ces dépouilles, jamais il n'aurait accepté d'aider les fédéraux de la sorte, en mettant ses valeurs de côté pour ce qu'il avait estimé être le bien de tous.

« Le problème est que si c'est réellement l'effet de la drogue qui a causé cette perte de souvenirs, alors il va être quasiment impossible de retrouver le chemin jusqu'à la base secrète du FBI. »

Les mots de Johnson étaient lourds, portant un coup direct aux espoirs des personnes ici présentes. La vérité était difficile à entendre, elle était crue et se fichait des rêves et espérances. En quelques minutes à peine, les parents de Lucy avaient vu un espoir puis se l'étaient fait arraché. Mais pourtant, malgré tout, ils ne voulaient pas déjà abandonner cette piste. Peut-être était-ce de la naïveté ou de l'entêtement, mais laisser tomber si rapidement leur semblait beaucoup trop précoce. Il devait y avoir une solution quelque part, il le fallait.

« Si je peux me permettre, je pense avoir une idée. »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lucilfuru ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0