Chapitre huit - La cité du savoir

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Profitant de l’absence de Wezen, Le chaman invita Stella dans sa crypte pour fumer une sorte d’ayahusca placée à l’intérieur d’une longue pipe en verre. Elle lui adressa aussitôt la parole en français.

— Sénéqué, pourquoi avez-vous proscrit la langue humaine sur Ombrilio ? Wezen m’a révélé ces faits. Tous les hybrides seraient aptes à s’exprimer en français ?

— Le père de Wezen n’était pas un bon seigneur. Parler sa langue, ce serait continuer de l’honorer.

— En quoi était-il mauvais ?

— Je n’ai pas à t’informer de mes décisions. Aspire plutôt une bouffée d’ayahusca.

Quelques minutes plus tard, ils se décorporaient et leurs esprits voyageaient ensemble à l’intérieur d’une bulle argentée dans l’infiniment petit et ils forcèrent le verrou psychique de Furud. Ils l’aperçurent, camouflé derrière une paroi rocheuse, et le virent s’approcher silencieusement du guetteur et l’égorger pendant que Wezen, son frère jumeau, parcourait l’anse sablonneuse attenante à la falaise. Ensuite, Stella et Sénéqué réintégrèrent chacun leur enveloppe corporelle, puis le chaman sortit de sa poche un rhombe, sorte de losange biseauté en bois, attaché à une ficelle. Il s’installa sur le pic aux échos, doté d’un puissant magnétisme, et fit tourner rapidement le rhombe au-dessus de lui. L’instrument émit un vrombissement modulant. Aussitôt, les flots tumultueux de l’océan Titanique stoppèrent leur assaut contre la falaise d’Algaraï. Wezen pu ainsi rentrer sain et sauf.

Bien que Stella ait regagné son corps, elle était toujours connectée psychiquement à Furud. Elle se cacha derrière un rocher et visualisa la scène qui suivit. L’écume aux commissures des lèvres, l’agresseur entreprit l’ascension vers la demeure du chaman. Il saisit le fil du rhombe pour étrangler Sénéqué en état de méditation, lequel se métamorphosa en serpent pour se dégager de son étreinte mortelle, puis s’échappa dans une cavité minuscule située dans la roche.

Fou de rage, Furud regagna son antre où il découvrit au centre une sorte de membrane ovoïde nervurée posée sur le sol. Dans l’affrontement avec le chaman il s’était blessé, et tandis qu’il l’observait quelques gouttes tombèrent de son nez sanglant sur l’œuf mystérieux. Soudain, il vit son sang spiraler à l’intérieur puis un embryon se former. Au bout de quelques minutes, deux, quatre, huit puis vingt autres fœtus au total se constituèrent à l’identique dans la matrice. Des clavicules se formèrent à l’intérieur de chacun, puis un squelette. Une heure plus tard, l’impensable se produisit, la première créature en position fœtale perfora la membrane de ses griffes acérées et le double féminin de Furud se déplia. La créature se mit debout tout en le regardant, impassible. Stupéfait d’admiration, Furud tendit la main, la toucha et vibra d’excitation à son contact. Il cria qu’il était l’équivalent d’Amma car il avait su créer la vie.

— La seigneurie d’Algaraï est à moi maintenant, Amma vient de me consacrer, s’exclama-t-il, fièrement ! Je vais dresser une armée de clones pour renverser Wezen. Quand je l’aurai vaincu, j’engrosserai sa promise pour m’assurer une descendance.

Sénéqué, lové dans une alvéole, avait été témoin du spectacle. Il contacta Stella par télépathie pour lui dire qu’il ne pouvait réintégrer son enveloppe charnelle car il s’était métamorphosé en reptile alors qu’il méditait. Spectateur impuissant de ce drame, il la chargea d’une mission capitale.

Elle courut alors jusqu’à la table de visée astronomique où se tenait Wezen, et lui relata en détail le complot que son frère Furud préparait.

— Viens avec moi, Stella !

Il saisit sa main et toucha un triangle sur la pierre plate. Un passage s’entrouvrit et ils s’engouffrèrent à l’intérieur. Les roches devinrent luminescentes comme pour guider leurs pas. Ils suivirent pendant quelques minutes un long tunnel descendant sous la mer. Soudain, des ventricules translucides similaires à ceux d’un cœur humain se mirent à palpiter devant eux, laissant entrevoir une sorte de tube transparent.

— Ne crains rien, nous allons être aspirés dans le cylindre jusqu’à sa sortie de l’autre côté.

Pendant la traversée, Stella eut l’impression d’être précipitée dans un cyclone puis la rotation s’arrêta subitement et elle retomba sur le sol. Étourdie, elle sortit à quatre pattes du tube. Ils poursuivirent leur chemin vers une montée abrupte qui les conduisit devant un sas réclamant l’identification du pouce du souverain.

À l’intérieur, Stella découvrit une salle immense, d’une longueur de trente mètres environ. Des êtres reptiliens vêtus d’une combinaison blanche y travaillaient consciencieusement.

— Où sommes-nous ? Qui sont ces êtres ?

— Nous sommes au cœur de la pyramide de Neith, la mère de l’univers, au pied de la montagne d’Albaruru. Les Ugunus sont les premiers colons arrivés sur Ombrilio, il y a plus de trois millions d’années.

— Sur Terre, la déesse Neith est représentée sur le plafond de Dendérah dans le temple d’Isis et d’Hator qui présente des axes fixes sur le point où se levait Sirius ! s’exclama Stella.

— Le bâtiment que tu me décris était la demeure terrestre de la déesse. Nous sommes ici au centre névralgique du triple système stellaire de Sirius.

— Je présume que tu viens chercher de l’aide auprès des Ugunus, afin de renverser ton frère ?

— J’ai tendu un piège à Furud qui va être arrêté par mes gardes. Il se croit invincible et va tenter une attaque avec ses clones éphémères.

— C’est-à-dire ?

— Avec la complicité de l’ovopraticienne Lilith, j’ai placé une matrice de clonage défectueuse à l’intérieur de son gîte, pour le confondre.

— Tu possèdes des connaissances scientifiques en matière de clonage ? Je suis stupéfaite.

— Je vais te présenter aux deux monarques d’Ombrilio qui sont mes supérieurs hiérarchiques. Nay est stelléricien à la Cité du Savoir, et voici Lilith dont tu connaissais déjà l’existence. Une dizaine d’Ugunus travaillent sous leur responsabilité et résident à l’intérieur de la pyramide toute l’année. Étant d’essence divine, ils ne côtoient jamais les hybrides. Sais-tu que notre centre de recherche est ouvert à toutes les sciences ? Dans le domaine stellaire, nous récupérons l’énergie issue des explosions de supernovæ. Actuellement, nous utilisons celle produite par le Grand Nuage de Magellan. Nous n’extrayons aucune des énergies fossiles d’Ombrilio qui sont polluantes et destructrices pour l’environnement. Les Ugunus se connectent psychiquement aux neutrinos, qui sont des entités intelligentes, puis réalisent l’opération. Les neutrinos vérifient auparavant que leurs intentions sont pacifiques.

— Je brûle d’envie d’être associée à leurs recherches. Penses-tu qu’ils m’accepteraient au sein de l’équipe ?

— Ils s’estiment les seuls habilités dans ce domaine, je suis désolé ! Cet endroit est secret, mon frère ignore son existence au même titre que les hybrides de la falaise d’Algaraï. L’énergie produite par les explosions de supernovæ est prodigieuse, comme tu le sais. Si les neutrinos détectaient les mauvaises intentions de leurs interlocuteurs, la mission échouerait.

— Quelle sanction envisages-tu pour Furud ?

— Les clones de mon frère ont une durée de vie éphémère. À l’heure actuelle, sa troupe est déjà entièrement décimée. Mes sentinelles le captureront vivant et l’emprisonneront jusqu’à mon retour dans une geôle sur la falaise d’Algaraï. C’est grâce à ta loyauté que j’ai pu stopper Furud. Il t’a demandé d’être sa compagne et tu l’as éconduit, puis tu es venue m’avertir de ses mauvaises intentions dès que tu en as eu connaissance.

— C’était une habile mise en scène, je n’y ai vu que du feu. Grâce à ton don télépathique, tu as testé mon intégrité. Je ne suis guère flattée de ta méfiance à mon égard. Cependant j’ai eu peur pour toi.

— M’accorderas-tu ton estime, à présent ? En remerciement, je t’informe d’une nouvelle qui va sans doute te réjouir. Sénéqué a été contacté par son homologue sur Terre, le sage dogon Ogôtolo. Une Terrienne, Kayelem Ambana, l’a rencontré. Elle l’a informé de l’arrivée de ta mère au Mali. Elle assistera au prochain lever héliaque de Sirius dans quelques semaines. Tu l’apercevras si tu le désires.

— Tu dis vrai, c’est la chose que je souhaite le plus au monde !

— En échange, j’exige que tu respectes les règles dictées par les Ugunus. Maintenant, je vais te conduire dans tes nouveaux appartements situés dans l’aile ouest de la pyramide.

Ils traversèrent des patios garnis d’iris parfumés. Stella aperçut à l’horizon une mer calme sans marées cataclysmiques.

— Comment se fait-il que l’océan Titanique soit pacifique, ici ?

— C’est une mer intérieure qui ne communique pas avec l’océan.

— Ainsi, tu refuses d’offrir à ton peuple une qualité de vie identique à celle des Ugunus ? Les conditions de vie des hybrides seraient plus agréables sans les marées cataclysmiques.

— L’océan Titanique protège les Ugunus de toute intrusion. Tu dois comprendre que la Cité du Savoir doit rester imprenable.

— Hum, cela s’appelle vivre en bonne intelligence, ironisa Stella. De toute façon, comme la population d’hybrides décroit faute de naissances, la menace me semble injustifiée.

— Les ovopraticiens connaissent la cause de la stérilité affectant mes congénères femelles, mais elle n’a pas été révélée aux hybrides. Un astéroïde est tombé sur Ombrilio quelques instants après ma naissance et a irradié la planète. Depuis, aucune grossesse n’a eu lieu. Lilith et son équipe tentent de comprendre cette calamité.

— Les ovopraticiens œuvrent-ils à cette tâche depuis longtemps ?

— Oui hélas, depuis un quart de siècle.

— C’est étrange, de nombreuses météorites sont déjà tombées sur terre sans qu’elles n’affectent la fécondité des Terriennes !

— Si tu es consentante, j’aimerais m’accoupler avec toi afin de vérifier cette possibilité.

— J’hallucine ! concevoir un enfant est un acte d’amour, pas une expérience scientifique ! Tu aimais ta femme Aludra, je suppose ? Tu ne l’as pas épousée uniquement pour t’assurer une descendance ?

— Mes fonctions l’imposaient avant toute chose. Nous nous sommes aimés ensuite.

— Je refuse ta proposition inconvenante. Je vais postuler auprès de Nay pour rejoindre son équipe, même si je suis Terrienne. Cette journée m’a épuisée, indique-moi où se trouve ma chambre !

— Je t’y conduis tout de suite.

Wezen salua Stella après lui avoir souhaité une bonne nummay. L’endroit était d’inspiration purement égyptienne. Un stuc à base de poudre de marbre recouvrait les murs. Les meubles étaient incrustés de pâte de verre multicolore et de feuilles d’or. Des fleurs de fantôme et des Pelagornis chilensis avaient été finement ciselés sur les dossiers des chaises dans des couleurs chatoyantes. Elle découvrit au-dessus du lit le plafond de Dendérah qui la plongea dans la cosmogonie mystérieuse de cette civilisation antique. Sa couchette avait la forme d’un imposant varan couché et ses quatre pieds imposants représentaient les pattes de l’animal se terminant par des griffes sculptées. Des dizaines de fleurs de lotus parsemaient le couvre-lit. Un fauteuil en bois était orné d’incrustations de nacre. Son dossier était décoré de deux déités reptiliennes placées sous la protection d’Amma. Les accoudoirs se terminaient par des têtes de serpents et l’assise plate à damiers était ceinturée de hiéroglyphes.

Une Ugunue habillée d’une tunique blanche lui apporta son dîner composé d’un plateau de kapotiers et de quelques galettes de sorgho fermenté. Éprouvée par cette journée singulière, elle tomba dans les bras de Morphée son repas aussitôt consommé.

À son réveil, l’odeur des embruns de la mer intérieure attira irrésistiblement Stella. Elle se dirigea vers la plage en contrebas de l’édifice pour s’adonner à sa première séance d’apnée sur Ombrilio. Wezen lui proposa aimablement de l’accompagner. Au fond des abysses, des anémones de mer changeaient constamment de couleurs. Des bancs de poissons argentés scintillaient dans les herbiers qui lui évoquèrent les posidonies de l’île de Port-Cros formant une pouponnière de plantes à fleurs pourvoyeuse d’oxygène. Des hippocampes zébrés parcouraient des grottes en forme de spirale. Elle dut remonter au bout de cinq minutes, à court d’oxygène. La capacité respiratoire de Wezen était de loin supérieure à la sienne.

— Tu peux rester combien de temps sous l’eau sans respirer ?

— Une quinzaine de minutes, mais je possède de l’ADN amphibien.

Elle frissonna et Wezen passa délicatement sa main palmée dans son dos puis descendit dans le creux de ses reins. De faibles impulsions électriques la réchauffèrent et une énergie vivifiante parcourut son corps. Elle se sentit troublée tout à coup, et couvrit ses seins dont les tétons pointaient au travers de sa combinaison, trahissant son calme apparent. Il l’attira contre lui tout en la fixant droit dans les yeux. Il l’embrassa longuement et lui insuffla la quantité d’air nécessaire pour replonger. Ils se déshabillèrent et virevoltèrent dans les prairies sous-marines. Les herbes affolées par les courants marins stimulaient leur désir en frôlant leurs corps. Stella se cambra autour de la taille de Wezen et il s’inséra dans son intimité. Elle accentua la pression contre son torse musclé en serrant ses cuisses, pour qu’il s’harmonise à la rythmique de ses hanches. Il guetta ses premiers soubresauts, signes d’un orgasme imminent et la rejoignit.

Ils regagnèrent la plage au bout de quelques instants puis s’allongèrent sur le sable chaud.

— Je suis désolée, je ne voulais pas que ça arrive aussi vite. Mais tu as mis mes sens en émoi quand tu m’as effleurée, avoua Stella.

— Toute congénère femelle correctement stimulée s’adonne à l’acte sexuel avec plaisir.

— C’est gênant la façon dont tu me décris les choses…

— Apparemment, tu as apprécié mes caresses. Veux-tu que je t’exalte à nouveau ?

— Mais non… Oui !

Après cette seconde communion charnelle, Stella se détendit et aborda un sujet plus sensible, celui de la disparition d’Aludra.

— Pourquoi ton épouse ne vivait-elle pas avec toi à la Cité du Savoir ?

— Aludra est née sur la falaise d’Algaraï. Amma ne lui a attribué aucune fonction scientifique. En conséquence, je ne lui ai jamais révélé l’existence de la pyramide. Quand elle s’est suicidée, j’ai voulu rejoindre sa dépouille momifiée sur l’île de Douat. Sénéqué m’en a empêché, me rappelant que j’étais le guide suprême d’Algaraï.

— Je m’excuse d’aborder cette période difficile.

— J’ai fait mon deuil à présent, rassure-toi. As-tu d’autres questions pertinentes à me poser ?

— Quand tu es devenu adolescent, tu n’as pas entrepris des recherches avec Furud pour retrouver ton père ?

— Sénéqué m’a certifié qu’il était mort.

— De quelle façon est-il décédé ?

— Le chaman garde le secret sur sa disparition, estimant qu’il n’apporterait rien de positif à la colonie. Souhaites-tu maintenant quelque chose en particulier, quelque chose pour toi ?

— Je me sens inutile sans activité professionnelle. Intercéderais-tu en ma faveur pour que Nay m’intègre à son équipe ?

— Malheureusement, les Ugunus ne partagent pas leurs connaissances avec les hybrides. J’ai été initié à certains secrets seulement au titre de seigneur d’Algaraï. Je regrette, mais je ne peux t’en apprendre davantage, étant lié par le pacte du secret. Cependant, en tant que ma compagne, tu es autorisée à résider dans mes appartements privés. Autre bonne nouvelle, le moment venu, je t’emmènerai sur le pic aux échos afin que tu puisses voir ta mère. À cette fin, Sénéqué se connectera sur la fréquence de Schumann terrestre de 7,8 Hz. À présent, je dois vaquer à mes obligations, je te souhaite une journée remplie de sérénité.

En début de nummay, Wezen revint accompagné d’une créature hybride femelle qui fut conduite par les gardes dans une aile secrète de la pyramide.

Ensuite, il se dirigea vers l’appartement nuptial. Stella se jeta dans ses bras.

— Wezen, je suis heureuse que tu sois là. Que s’est-il passé ? Ton frère a-t-il été capturé par tes vigiles ?

— Furud est mort. Nous avons retrouvé sa dépouille dans sa chambre où se trouvait la matrice de clonage. Parmi les clones, un seul a survécu, son double féminin.

— Tu l’as amenée à la Cité du Savoir pour l’étudier, je présume ?

— Oui, logiquement tous les exemplaires auraient dû mourir. Pourquoi a-t-elle survécu ? C’est un mystère…

— Comment vas-tu l’appeler ?

— Yasigui. Elle restera captive ici. Personne n’est autorisé à lui parler actuellement.

— L’ordre est valable pour moi aussi ?

— Oui, je ne souhaite pas que tu sois exposée à un danger potentiel.

— Et Sénéqué, a-t-il réintégré son enveloppe charnelle ?

— À ma demande, il t’a fait croire qu’il ne pouvait plus se métamorphoser. Cela faisait partie du plan visant à tester ta fidélité. Tu avais pour mission de me communiquer le message d’alerte du chaman.

— La méfiance est mère de la sûreté[1] ! lui répondit-elle, sèchement. Ton chaman se méfie-t-il autant de Yasigui que de moi ?

— Furud est mort pendant le processus de réincorporation de Sénéqué qui, malheureuse­ment, n’a pu être témoin du décès. Yasigui est le seul être à avoir assisté à cette mort inexpliquée.

— Le chaman ne t’accompagne jamais à la Cité du Savoir ?

— Comme tous les hybrides, il n’est pas autorisé à y venir.

Au cours de la nummay, Wezen posa ses lèvres délicatement sur celles de sa compagne. Il parcourut patiemment les zones érogènes de son corps en émettant des vibrations de très basse fréquence. Stella atteignit un tel degré d’extase qu’elle se cramponna à son cou, en l’implorant de perdre toute retenue. Épuisés par leurs ébats dantesques, ils restèrent enlacés jusqu’au lever de l’étoile mère.

Les jours qui suivirent, l’ovopraticienne Lilith, accompagnée de gardes du corps, se rendit dans l’aile secrète du bâtiment où était détenu le clone. Stella tenta de la questionner mais perçut une certaine aversion à son égard. Intriguée par cette Ugunue sournoise, elle interrogea Wezen.

— Les premières analyses de Yasigui ont-elles révélé quelque chose de particulier ? je ne trouve pas ton ovopraticienne très coopérative. Elle m’évite manifestement.

— Lilith est une scientifique hors pair, issue d’une lignée très ancienne d’Ugunus royaux. Son principal défaut est son caractère un peu ombrageux, j’en conviens ! J’ai appris que Yasigui était née au milieu des cadavres de clones. Tout porterait à croire qu’elle est le dernier maillon de la chaîne de production. Elle semble psychologiquement très affectée par la disparition de sa fratrie. Nous n’avons pas encore détecté quelle mutation de son ADN lui a permis de survivre.

— Je ne peux t’aider en génétique, hélas ! J’espère que tu n’as pas oublié un événement important ? Demain est un grand jour pour moi, c’est le lever héliaque de Sirius. Tu m’accompagnes toujours sur le pic aux échos afin que je puisse voir ma mère ?

— Oui, je te l’ai promis Stella.

Le jour suivant, le couple parcourut le souterrain dans l’autre sens et arriva sur le lieu spirituel à l’heure exacte. Sénéqué se tenait droit sur l’extrémité du pic aux échos et lança le rhombe qui émit un vrombissement de plus en plus intense. L’air s’ionisait au fur et à mesure, puis la silhouette holographique de Stéphanie apparut.

Mère et fille se découvrirent l’une l’autre, sans possibilité d’émettre le moindre son. Stéphanie lui envoya des myriades de baisers en mimant le geste plusieurs fois de suite. Stella esquissa un cœur avec l’arrondi de ses doigts. Une minute plus tard, la rotation du rhombe ralentit, puis les visages se floutèrent et disparurent.

Wezen lui expliqua que sa mère s’était installée dans le village malien où le premier Nommo était sorti du lac Débo dans la nuit des temps.

— Elle vit donc maintenant dans l’une des régions les plus désertiques de la Terre. Elle a tout quitté pour se rapprocher de moi… Je ne peux concevoir qu’elle s’y enterre jusqu’à sa mort. Apparemment, mon père ne l’a pas rejointe. Mes parents vivent-ils toujours ensemble ? Ton défunt frère m’avait parlé d’une téléportation possible à partir de cet endroit pendant la fête du Sigui ?

— Cette hypothèse n’est valable que si l’intéressé y est autorisé par les neutrinos. Au préalable, le Hogon se connecte à eux pour connaître leur décision. La téléportation est orchestrée par les intelligences supérieures qui sont les correspondantes d’Amma. Tu reverras ta mère dans quelques semaines, ne t’inquiète pas.

— L’échelle du temps n’est pas la même de son côté. Elle va devoir patienter une année terrestre de plus ! L’espoir fait vivre, mais ma mère n’est plus toute jeune. Je me sens tellement impuissante dans ton univers.

Il l’attira vers lui et la serra dans ses bras, visiblement aussi peiné qu’elle. Main dans la main, ils regagnèrent en silence la Cité du Savoir, à l’intérieur de la pyramide.

[1] Citation de Jean de la Fontaine.

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