Chapitre 2

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- Vous prendrez un apéritif monsieur ?

- Un demi s’il vous plaît.

- Très bien monsieur.

David était assis dans la nouvelle poissonnerie Le pêcheur du lundi qui faisait également office de restaurant. Les locaux venaient d’être refaits, une odeur de peinture fraîche se mélangeait à celle du poisson. La décoration était assez basique pour un restaurant de fruits de mer ; les murs étaient décorés de filets de pêche et des ancres en bois trônaient sur les différentes portes du restaurant. Il y avait également deux ou trois tableaux représentant des bateaux ; tout ce qu’il y a de plus normal.

Le serveur apporta un demi à David qu’il commença à boire lentement. Pour une ouverture, le restaurant était bondé ; sa localisation proche de la plage amenait beaucoup de clientèle. David commanda des moules frites qu’il ne trouva pas excellentes. Il se promis de ne plus revenir dans ce restaurant. Ayant essayé tous ceux de la ville, il savait où aller et Le pêcheur du lundi n’en ferait pas partie.

En rentrant chez lui, il passa devant son ancien café Le Goéland bleu. Il s’arrêta quelques instants sur le seuil de la porte pour fumer sa pipe. Malgré son manque d’argent, David avait décidé de ne pas revendre l’enseigne, il n’avait pas pu. Ce café était le dernier endroit qui le ramenait à son père et sa femme ; ce lieu était trop précieux pour le vendre.

Il continua son chemin jusqu’à sa maison pour s’arrêter et faire une sieste ; sa journée l’avait fatiguée. Lorsqu’il arriva devant sa porte, il croisa son voisin Christophe.

- Bonjour David ! lança Christophe de l’autre côté de la haie.

- Bonjour Christophe, répondit poliment David.

- Comment ça va aujourd’hui ?

- Comme un après-midi de juin, répondit David en rentrant la clé dans la serrure de sa porte.

- Je vois. Vous êtes tout seul, David ? s’interrogea son voisin.

- Comme d’habitude, Christophe.

Un court silence s’installa durant lequel David n’osa pas ouvrir sa porte.

- Je pars à la pêche, lui dit Christophe. Vous voulez m’accompagner ?

- Non merci. Je vais me reposer.

Christophe ferma sa porte d’entrée et se dirigea en direction de la plage.

- Au fait ! l’interpela David.

Christophe se retourna, espérant que David ait changé d’avis.

- Oui ?

- Le pêcheur du lundi, la nouvelle poissonnerie-restaurant. Ne prenez pas les moules frites. Conseil de voisin, lui dit David en souriant.

- Je note. Bonne journée, David.

- Bonne après-midi, Christophe.

David rentra dans sa maison, beaucoup trop grande pour lui tout seul. Il enleva ses chaussures et descendit à la cave chercher une bouteille de blanc. Son père était un grand amateur de vin et David le remerciait depuis deux ans pour cette passion. Il passa par la cuisine pour ouvrir sa bouteille et monta dans sa chambre se poser dans son lit.

Depuis quelques mois, l’ancienne chambre commune était devenue un réel dépotoir. Des mégots s’entassaient dans plusieurs cendriers disposés sur différents meubles, une collection de bouteilles vides était éparpillée sur le sol, dans un coin de la chambre. L’odeur de tabac froid régnait dans la pièce sombre, où les volets n’étaient jamais ouverts. Il n’y avait que la coiffeuse de Marie-Anne, magnifique, qui était resté intacte. Ses robes d’étés étaient conservées dans son armoire ; David n’avait pas eu la force de les enlever.

Le veuf passait le plus clair de son temps dans cette pièce. Il y avait souvent du bruit dans la maison, chose qu’il voulait absolument éviter. En vivant seulement dans 20 m², ses activités restaient très limitées. David restait dans son lit à boire du vin à même la bouteille, contemplant durant des heures et des heures des photos et des vidéos de sa femme. Parfois il pleurait, parfois il riait. Souvent, il s’endormait de cette manière. Si David avait vraiment de la motivation, il allait faire sa deuxième activité favorite, la peinture. Il avait installé un petit atelier au fond de sa chambre. David aimait peindre. Il s’était découvert une passion pour les toiles depuis la mort de sa femme. Son psy lui avait conseillé de trouver une occupation, un défouloir ; alors David avait commencé à peindre des portraits de sa femme ; il y en avait partout dans la maison, un dans chaque pièce. Ces tableaux étaient rassurant pour lui, ils gardaient l’âme de sa femme, sa présence ; comme si elle était toujours là. David parlait à ces portraits, tous les jours. Il vivait comme si sa femme était encore là, il ne voulait toujours pas réaliser qu’elle était partie.

Vers 19h, David émergea de sa sieste et alla manger. Il se rouvrit une bouteille de vin, se cala devant la télévision dans son canapé et mangea une conserve à même la boîte ; froide. David ne regardait pas vraiment d’émission, il laissait la télévision tourner comme fond sonore, laissant les diffusions défiler sans vraiment y faire attention. Il aimait regarder la télé-réalité, ces différents programmes pour lesquels il n’avait pas besoin de se concentrer.

Après son repas et la moitié d’une deuxième bouteille, David ressortit de chez lui avec une écharpe de sa femme autour du cou, bourré. Il tituba jusqu’à son banc, les larmes aux yeux. Il alluma sa pipe et finit sa bouteille, l’alcool tapant de plus en plus fort. David resta là à écouter les vagues cogner contre les rochers. Il regarda la plage, déserte.

Lorsqu’il avait trop bu, cela lui arrivait de s’endormir sur son banc et de rentrer au milieu de la nuit. Parfois, il restait là jusqu’au matin et était réveillé par la lumière du jour ainsi que le bruit des touristes. Lorsque cela arrivait il partait acheter le journal et retournait directement sur son banc, sans passer par sa maison.

Mais ce soir-là, alors que David était en train de boire sur son banc, il vit sur la plage deux enfants tout seuls. Ils étaient sur le sable en train de faire un château. L’homme n’arrivait pas à déterminer si c’étaient des garçons ou des filles, il pensait seulement qu’ils devaient avoir entre trois et cinq ans. David se redressa pour confirmer ce qu’il venait de voir, il n’en était pas sûr. L’alcool pouvait lui jouer des tours. Il essaya de se lever mais le vin cognant à l’intérieur de son crâne, il ne put comprendre ce qu’il se passait et retomba sur son banc. Il ferma les yeux, essayant de se convaincre qu’il avait eu une hallucination. Après tout, cela avait peu d’importance.

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