Partie 8 : Thalas

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Le recul si vif de Fray ne fit pas réagir le roi qui releva simplement son regard vers le jeune homme. Il avait l’air si embarrassé, assis sur les coussins, que Thalas ne put s'empêcher d’afficher un rictus amusé. Il reconnaissait bien cette réaction, ce désir qui commençait à naître en Fray. Le roi avait l’habitude de faire chavirer les coeurs des femmes comme des hommes, même si seuls ces derniers l'intéressaient. Thalas ne faisait pourtant rien dans ce but, son charme naturel suffisait. Le charme d’un roi qui, même meurtri, imposait un respect et une admiration sans borne.

Lorsque Fray se cacha le visage de ses mains, Thalas prit enfin la peine de réagir.

— Que se passe-t-il, Fray ? Tu me sembles quelque peu perdu.

Evidemment, il savait très bien ce qui tournait dans la tête du jeune homme… Mais il avait envie de le mettre davantage dans l’embarras. Cela le rendait encore plus mignon et amusait beaucoup le roi. Thalas voulait que le blondinet dise tout haut ce qu’il pensait tout bas.

— Désolé messire, bafouilla Fray sous le regard insistant du roi. En fait… Je suis completement perdu… Toute ma vie est en train de basculer. Je ne comprends pas ce qui m’arrive… Vous devez me trouver pathétique.

— Pathétique est un bien grand mot, rétorqua Thalas.

Maintenant que la douleur était revenue labourer son dos, le roi évitait de trop bouger de sa position qui la rendait plus supportable. Cependant, après ce court échange, Thalas prit sur lui pour se redresser sur ses coudes et tendre un bras vers Fray. Ce mouvement lui tordit le bassin et provoqua des décharges cuisantes dans le bas de son dos déjà endolori. Le roi grimaça mais ne s’arrêta pas. De son bras, il attrapa celui de Fray et le força à s’allonger à son tour. Le lit était assez grand pour trois personnes. Le jeune serviteur y trouva une belle place aux côtés de son maître.

Une fois son serviteur allongé sur le dos, Thalas maintint sa prise. Le jeune homme ne se débattit pas, il se contenta de rouler de grands yeux surpris. Il n’osait même plus respirer. Thalas sourit et se pencha sur son serviteur pour venir capturer ses lèvres avec les siennes. Un baiser doux mais rapide. Ce ne fut qu’après cela qu’il relâcha Fray et se laissa retomber dans le lit, fier de lui. Laissant alors le blondinet rouge comme une tomate, dans une confusion totale. Thalas, pour sa part, affichait un simple sourire satisfait. Il considérait cela comme la récompense de Fray.

— Dans une heure, un grand buffet m’attend. Je compte me reposer entre temps, fit-il d’une voix détendue.

Il ne demanda pas à Fray de s’en aller. Comprendrait-il son ordre muet de rester à ses côtés ? Le jeune homme sembla hésiter un instant, mais demeura immobile. Sans doute lui fallait il du temps pour encaisser toutes les émotions encore visibles sur son visage.

Le roi venait juste de fermer les yeux lorsqu’on vint frapper à la porte de sa chambre. Sa première réaction fut un grognement de frustration : le roi avait de fréquentes insomnies depuis toujours et celles-ci n’avaient fait qu’empirer depuis l’accident. La fatigue et les massages de Fray avaient réussi à le détendre suffisamment pour l'amener enfin aux portes du sommeil… Et voilà qu’on venait le déranger ?

Alors qu’il cherchait à ravaler sa frustration, l’importun ouvrit la porte sans attendre la réponse du roi. Le responsable de cet affront aurait surement eut droit à une sévère correction s’il ne s’agissait pas de sa guérisseuse.

— Deyidra, gronda le roi en ouvrant les yeux et la voyant entrer.

— Mon roi… Désolée de vous déranger… durant ce genre de moment, mais votre traitement passe avant tout. Vous devez être capable de tenir debout pour ce soir, dit la guérisseuse d’une voix neutre et douce.

Fray sursauta et se redressa comme un ressort pour s’asseoir de nouveau, attirant l’attention du roi. Il ne s’attendait pas à ce que quelqu’un le surprenne ainsi dans le lit royal, ça se voyait sur son visage. Cela fit sourire Thalas. Alors que le serviteur s’inclinait avec respect devant Deyidra, le roi s’assit à son tour en serrant les dents. Elle lui avait sauvé la vie, c’était son amie… Mais il aurait préféré la voir à un autre moment.

— Comment allez-vous aujourd’hui ? demanda la guérisseuse face au silence du roi.

— Rien de nouveau à signaler.

Xylo fit un meilleur accueil à Deyidra : il sauta du lit et vint se frotter contre ses jambes.

— Oh, vous avez adopté un chat ? fit-elle en prenant la créature dans ses bras.

Thalas garda le silence face à cette réflexion… Était-elle complètement aveugle pour confondre ce petit être divin avec un chat ? Le roi ne préférait pas poser la question. Alors il se pencha doucement vers Fray pour poser le menton sur l’une de ses épaules. Comme prévu, les joues du jeune serviteur s’empourprèrent. Le roi avait bien envie de continuer à le gêner devant son amie, cela lui permettait de ravaler son agacement pour le remplacer par de l’amusement.

— Par contre, ajouta le roi, j’étais sur le point de m’endormir avant que tu n’arrives… À cause de toi, le sommeil va me fuir encore une fois...

Deyidra avait l’habitude de ce genre de piques tout comme elle avait l’habitude de trouver un jeune homme aux côtés de son souverain. Elle n’avait pas peur du roi ou de sa mauvaise humeur et lui répondit d’un simple sourire avant d’approcher pour déposer Xylo sur les genoux de Fray et sortir les potions que devaient prendre Thalas.

— Il a un sacré caractère, dit la guérisseuse à l’intention de Fray, mais c’est un homme bien. Prenez soin de lui.

Le roi préféra ignorer sa remarque. Il se redressa et attrapa plutôt son remède du jour pour le boire sans attendre. Ces potions peu ragoutantes ne dérangeaient plus les papilles gustatives ou l’estomac du roi depuis longtemps. Il en avait bien trop l’habitude à présent et était insensible à leur goût douteux. Une fois le liquide avalé, il rendit la fiole en terre cuite à son amie.

— Oh, s’exclama le roi, je ne vous ai pas présenté. Deyidra, voici Fray, mon cadeau le plus spécial de la journée. Fray, voici Deyidra, ma guérisseuse.

Il prit un temps de pause pour caresser la tête de Xylo qui était toujours blotti contre le jeune serviteur..

— Il est vrai qu’aujourd’hui est un jour spécial pour vous, messire, commença Deyidra...

— Et cet être, coupa le roi, que tu traites de chat est un gardien… J’espère que tu as fait exprès de ne pas le remarquer, sinon ta place n’est pas ici, Deyidra.

La guérisseuse sourit et ignora de nouveau la pique du roi pour adresser un gentil regard au jeune homme.

— Enchanté, Dame Deyidra. Permettez-moi de vous présenter Xylo, dit Fray d’un air timide pour compléter les dires du roi.

— Enchantée, Fray, reprit la guérisseuse avant de regarder son roi. Je vous ai moi aussi rapporté un petit présent.

Deyidra tendit une petite boite à Thalas que ce dernier ouvrit, curieux. A l’intérieur se trouvait un bijou très sobre : une perle d’une couleur étrange accrochée à une fine chaînette d’argent.

— Cette perle change de couleur en fonction des émotions. Elle est unique en son genre ! Elle s’éclaircit quand son porteur ressent des émotions positives et s’assombrit aux émotions négatives.

Thalas était plutôt surpris par les propriétés de la perle. Mais c’était mal le connaître de penser qu’il porterait ce genre de bijou, lui qui passait son temps à cacher toutes ses émotions, toute sa souffrance quotidienne. Il sortit cependant délicatement le cadeau de sa boîte tandis que Xylo approchait pour renifler cet objet inconnu. Le gardien éternua.

— Merci pour cette attention, Deyidra. C’est un très joli cadeau. Mais tu sais bien que je ne peux pas le porter. Cependant…

Il fit une brève pause pour se tourner vers Fray et glisser le bijou autour de son cou.

— À lui, ça convient parfaitement. Il te va à merveille, Fray.

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