Chapitre 2

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Non loin de Dina Morgabine naviguait un vaisseau qui venait de quitter les Indes et se dirigeait en direction du sud. À son bord, un équipage portugais qui répondait aux ordres d'un certain Diego Dias, Colonel et Capitaine de cette frégate commerciale destinée à ravitailler en épices les forts et les points stratégiques qui sillonnaient leur route.

La frégate était belle, très bien entretenue et figurait à sa pointe un grand requin scie sculpté dans le bois massif des forêts d'Europe. Une merveille sur l'eau, un chef d'œuvre parmi les mers portant avec fierté le nom de Lamentin.

La frégate comptait trois grandes voiles blanches tissées d'une épaisseur d'un haut de gamme qui ne pouvait provenir que d'un des plus grands ports du monde. Cela ne faisait aucun doute.

Sur le pont, les marins veillaient à ce que la traversée se passe bien, du moins c'était le cas des plus sérieux d'entre eux. Le ciel était calme sans vent et à ce rythme, ils arriveraient à destination, et ce s'ils étaient chanceux, pas avant plusieurs années. L'autre partie des hommes de bord en profitait pour jouer et boire, prétextant surveiller la marchandise pour éviter qu'elle ne s'abîme. Leurs présences augmentaient plutôt le risque et ne rassuraient en réalité personne.

D'habitude les bruits de chaînes et les quelques fûts qui tombaient auraient suffi à les excuser mais avec le silence qui régnait, leur présence n'était que répugnante et cela plutôt pour leur rang que pour les ivrognes qu'ils étaient. Un soldat, un commerçant, des gentilshommes ne pouvaient ressembler à des pourritures que s'il n'y avait que cela autour d'eux. Dans le cas contraire, la morale faisait qu'on n'était qu'un moins que rien et la norme nous préservait des infamies, des beuveries.

Le soleil était haut et au sommet du mât, à la vigie, le matelot s'efforçait de tenir son poste. Il faisait une chaleur abominable sur le pont comme à la cale et dans l'ombre des recoins du bateau des questions commençaient à se murmurer. Les rumeurs circulaient disant que le capitaine Dias n'était plus le même car il ne sortait plus depuis plusieurs jours et certains racontaient même qu'il était atteint d'une terrible maladie. Une de celle dont on ne revient qu'après un long passage dans l'au-delà. Le cuistot en revanche espérait qu'il serait peut-être déjà mort, cela aurait fait un plat de moins à prévoir pour le dîner. Un de moins à jeter à la mer et Dieu savait que tout cela était possible, ce n'allait pas être Silvio, le second, qui allait dire l'inverse. Lui-même n'avait pas vu Dias depuis qu'il l'avait mis dehors, le corps tremblant de fièvre et le teint pâle et frêle. Tel un mort parmi les vivants, il semblait sombrer chaque jour un peu plus qu'hier, laissant son plat plein et refroidi. Il ne semblait boire qu'un jour sur deux et était pourtant sobre uniquement lorsqu'il dormait.

Au soir, peu avant le dîner, Max le petit mousse vint pour se rassurer auprès de Silvio qui repassait ses poignards et profitait encore un peu des instants de calme qu'il leur restait.

— Tu penses qu'il va se reprendre le capitaine ? demanda-t-il.

Silvio ne répondit pas, scrutant l'horizon comme si quelque chose allait apparaître. Le gamin pas plus haut que trois pommes se pendilla à une rambarde, Silvio ne pouvait plus le rater dorénavant.

— Tu regardes quoi comme ça ? La terre est encore loin et ce n'est pas aujourd'hui que tu pourras la voir.

— J'essaie de réfléchir. Et tu m'empêches de le faire, je n'aime pas ça, grogna-t-il.

— Tu es grincheux ce soir. Ta bien aimée te manque-t-elle ? C'est elle qui te met dans tous tes états ?

— Pas le moins du monde.

— Alors tu as soif ? Je vais te chercher à boire !

— Il n'est rien de tout cela petit mousse ! J'ai juste besoin de temps, je devrai peut-être prendre la relève du navire si le bougre qui nous sert de capitaine ne se décide pas à sortir de sa caverne !

— L'autre soir il parlait encore seul, se chamaillant avec lui-même. Polo le cuistot dit que c'est la fièvre qui fait ça.

— Cela est dû à son ivrognerie démesurée veux-tu dire ! Il n'est même plus capable de s'asseoir et la dernière fois que je l'ai vu, il rampait au sol. Pour notre survie, il va falloir que je prépare...

— Une mutinerie ? s'écria le jeune garçon.

— Silence petit mousse ! Tu ne voudrais pas que le borgne t'attrape ? Il n'attend que ça ! Ne faire qu'une bouchée d'un asticot comme toi ! rétorqua-t-il.

Le borgne était une légende de marin qui circulait à l'époque et racontée aux plus jeunes pour qu'ils se tiennent à l'écart, ne se mêlant pas des affaires des grands, des hommes, des vrais marins.

L'heure était avancée à présent. Sur le vaisseau, le dîner n'allait pas tarder à être distribué et presque tout l'équipage s'était réuni aux dortoirs pour recevoir le potage qui leur servirait de repas ce soir comme chaque soir qu'ils passaient en mer. La coutume était de chanter en attendant le maître des cuisines. Il fallait du courage pour assurer un service pareil avec une quinzaine de timoniers plus fêtards les uns que les autres, trente officiers bagarreurs et mal-lunés, quarante marins de piètre qualité se comptant - en grande partie - de simples mousses. Et avec ça, un commandement dont le capitaine était aux abonnés absents, le premier officier saoul comme un cochon et pour seul véritable commandeur, un second inexpérimenté. Voilà qui allait à coup sûr mener ce navire à la ruine complète !

Certes les mousses prenaient leur travail à cœur, mais sans de réels piliers solides cette frégate coulait à sa perte.

Max était près de la cuisine, en avant-première, il avait ce soir pour mission d'amener son repas au capitaine sur ordre de Silvio bien évidemment. Celui-ci, quant à lui, restait avec une vingtaine d'hommes sur le pont veillant à ce que tout s'y passe bien. Attendant la plupart du temps pour rien car il s'y passait moitié moins d'embrouilles que le quart de ce qu'il pouvait se passer dans les dortoirs.

Le petit mousse observait Polo aux commandes, ses gestes étaient passionnés et remplis de savoir ; il préparait un mets des plus savoureux avec des pommes de terre et cela grâce à des épices douces. Mais à la longue, ce potage était devenu banal et ressemblait plutôt à une vulgaire purée, une de celles que l'on trouve dans les petits comptoirs marchands au sud du Portugal. Cela avait tout de même le mérite de leur rappeler leur pays.

— Petit mousse ! Le plat du capitaine est prêt !

Max se précipita sur celui-ci, le saisit et alla en direction de la cabine du capitaine. Il passa les couloirs de garnison et la cabine des officiers avant de se tenir face à la porte rouge dont la poignée était dorée. Il posa le plat sur un meuble à sa droite, frappa trois fois, ne s'ensuivit aucune réponse. Il ouvrit la porte, récupéra le plat et entra. Un froid glacial lui traversa les entrailles car la mort gisait à l'intérieur de cette pièce. Non pas que le capitaine ait rendu l'âme à ce moment-là, non, il était bel et bien vivant. Mais l'atmosphère que dégageait la pièce faisait froid dans le dos au plus haut point.

Le capitaine avait le teint pâle, des cernes bleutées et puait le vin à plus de cinq pieds. Tout à coup la porte se referma, piégeant le mousse à l'intérieur de la fosse. Max posa le plat et opéra un demi-tour, presque d'un pas militaire se voulant force de courage et de ténacité face à la bête. Quand il réouvrit la porte, le capitaine se trouvait juste derrière lui, il venait de se téléporter comme par enchantement et son souffle glacial lui bleuit le cou à tel point que le jeune mousse se plaignit de douleurs durant toute la soirée et le lendemain encore.

Quelque chose n'allait pas chez Diego Dias. Après l'événement effroyable que venait de connaître Max qui ne l'avait pas gardé pour lui, un vent de nouvelles rumeurs circulait entre les planches du Lamentin. Le capitaine serait possédé d'un démon plus mauvais encore que le Diable lui-même. Un matelot assurerait l'avoir vu se tenir à un des mâts lors d'une soirée de pleine Lune, observant l'horizon la tête à l'envers et les pieds s'agrippant à une corde !

Silvio devait réagir avant que la situation ne dégénère car c'était son devoir de second. Alors il décida d'organiser sa mutinerie. Mais pour cela il allait avoir besoin d'aide.

Silvio eut connaissance par un bruit de couloir que résidait parmi les prisonniers de la cale une dame qui connaissait les pouvoirs et effets psychotropes des épices. Il alla la trouver et passa un marché, sa liberté contre l'épice qui permettrait d'endormir le capitaine et les officiers. Ensuite, il suffisait de jeter tout ce beau monde à la mer durant leurs hallucinations. Il deviendrait ensuite capitaine et choisirait de faire cap vers une île ou un archipel en vue de se ravitailler avant de rentrer au pays. Une fois là-bas, il prétexterait une grave maladie et aurait bien sûr pris soin de falsifier des identités grâce aux quelques documents se trouvant dans la cabine de Dias. Tout était prêt !

Il mit donc son plan à exécution en allant chercher dans la réserve l'épice miracle qui les sauverait. Max quant à lui était maintenant complètement impliqué et avait la charge de la prochaine étape, celle de mettre la poudre orangée dans le potage des sieurs. Tous eurent de leur soupe hallucinante, mais à l'extérieur éclata un violent orage se transformant très vite en une fulgurante tempête ! Les marins sur le pont prirent peur et paniquèrent. Certains d'entre eux allèrent rejoindre les bas-fonds, d'autres réussirent à s'attacher grâce aux cordes qui traînaient. Silvio essaya d'atteindre le gouvernail pour changer de cap mais rien à faire. La tempête était bien trop forte et la dérive du navire ne put être empêchée.

Le petit mousse était au dortoir avec la partie de l'équipage qui venait de rentrer les voiles et qui priait pour que la tempête s'arrête. Dans la cabine des officiers tous roupillaient. La mutinerie n'ayant pas eu le temps d'être achevée, ils étaient encore là entassés entre eux. Silvio avait mis le cap vers l'ouest car il était persuadé d'être encore loin de la terre et ne risquait donc rien en y allant à la dérive.

Les mutins attendaient ses ordres avec impatience, allaient-ils jeter les hommes à la mer ou fallait-il les attacher ? Le second n'avait rien décidé pour le moment. Il scrutait une carte, la réflexion profonde et la main ne lâchant pas sa croix qu'il portait au cou attachée par une chaîne en argent. C'était Rosa qui la lui avait donnée, sa bien-aimée restée au pays avec leur fils Jimmy. L'ambiance au dortoir était morbide, Max en eut assez et se dirigea vers la cuisine pour voir ce que faisait Polo. Il était le plus grand homme du navire et ne quittait presque jamais les cuisines, même quand il n'avait rien à cuisiner. Sur le chemin le mousse passait devant la pièce des prisonniers. Ils étaient une dizaine de femmes et cinq hommes noirs destinés à être vendus sur le continent. Les femmes venaient d'Inde et les hommes d'Afrique, tous parlaient à peu près l'anglais. Max entendit une voix sortant de l'ombre, derrière les barreaux de la cale.

— The death is coming, we will go to ... They are here for us ! It is coming ! balbutia une femme.

La voix, Max la connaissait et pour le peu qu'il connaissait de l'anglais, cela suffit pour qu'il comprenne le message. Son corps se crispa et un grand frisson le traversa tout entier. L'atmosphère avait changé, dans son dos, un bruit résonna et parvint jusqu'aux dortoirs. Le bruit était un claquement de porte brusque qui se fracassait sur une paroi du navire. Silvio se dépêcha et vint dans le couloir pour voir ce qu'il se passait.

— Petit mousse ! Tout va bien ? dit-il avant d'arriver au couloir.

Max ne bougeait plus et vit une ombre s'approcher de lui, cette fois c'était sûr le borgne était venu pour lui ! Le remords s'empara de lui et il versa une larme.

Dans le même temps Silvio arriva près du mousse et fut saisit de peur, car Dias se tenait à ses côtés et il regardait dans la cale.

« Normalement le capitaine devrait être en train de roupiller calmement dans sa cabine » se dit-il.

D'un ton des plus effrayants et avec un charisme des plus étonnants, Dias s'adressa à la "dame".

— Silence ou je te coupe les mains et je les jette par-dessus bord, sorcière !

Elle sortit de l'ombre. Face à face avec Dias, elle le regarda droit dans les yeux et repartit après quelques secondes, sans rien ajouter. Dias se tourna vers Silvio et lui dit :

— Va sur le pont et rouvre les voiles. Prends les hommes dont tu auras besoin pour ça et ensuite que tous partent dormir, je m'occuperai du reste pour ce soir.

L'homme était réellement devenu fou, cela n'était que folie d'envisager un pareil scénario, il voulait les mener à une mort certaine et cela ne faisait plus aucun doute ! Silvio, fourbe comme il était, acquiesça et demanda au maximum de matelots de rejoindre le pont, car le moment était venu, la mutinerie allait enfin avoir lieu. Tous se dépêchèrent à l'annonce du second, une mélodie de poignards et de mousquets sonnait dans les couloirs, allant vers la même direction. Polo, qui avait entendu ce qui se passait se rendit sur le pont avec Max et les autres mousses. Un homme contre un équipage complet, Dias n'avait aucune chance et ce n'allait pas être ce soir que les marins rendraient leur dernier souffle.

En haut, la tempête faisait rage, le sol luisant était des plus glissants. La houle faisait virevolter le Lamentin, l'entraînant dans une danse à deux temps. Un coup par ici, un coup par là-bas. Dias se trouvait en hauteur mais les marins étaient plus nombreux. Il se tenait à la barre, droit et semblant n'être dérangé d'aucune façon qui soit par la tempête. Les mutins s'étaient rassemblés en contrebas, fixant avec effroi le surhomme qui se dressait devant eux. Silvio fit un signe de croix à la vue de celui qui apparemment ne craignait plus la mort, d'après ce que disaient les rumeurs. Une fois l'équipage prêt, ils pointèrent poignards et mousquets vers Dias. Silvio prit la parole :

— C'est la fin Diego ! Ce soir, tu ne mèneras pas ce navire à la perte et c'est ainsi que ton commandement s'achève ! Tu as deux choix, soit on te laisse la vie et tu rejoins les prisonniers jusqu'à ce qu'on te dépose en exil sur terre ! cria-t-il à travers la pluie.

Le ciel s'éclaira d'une lumière transcendante et un violent tonnerre éclata, effrayant les marins et stoppant Silvio dans son discours. Dias quant à lui ne réagit pas. Silvio reprit :

— Soit on en finit tout de suite et tu vas rejoindre les poissons par-dessus bord !

— Silvio, je te pensais plus malin que cela ! Vous ne savez rien sombres idiots !

Un autre coup de tonnerre retentit, Dias leva la main vers le ciel et une lumière venant de nulle part éclaira la scène à des mètres de distance. Dias rapprocha sa main lumineuse de son torse et hurla. Il se tenait à présent la tête inclinée vers le sol et l'on aurait dit que son corps flottait. Il dressa son bras la main tendue vers la foule et les marins tombèrent un à un à mesure qu'il les pointait du doigt. Silvio et quelques autres marins eurent le temps de se cacher pendant que Max, Polo et les autres mousses retournèrent à leurs quartiers. La porte donnant accès au pont se ferma, Dias se mit en route vers le moindre marin qui faisait encore acte de résistance. Petit à petit, tous cédèrent jusqu'à ce qu'il ne reste que Dias et Silvio. Dias se dressait face à lui à présent. Le doigt pointé dans sa direction, il lui dit :

— Tu comprendras que je fais cela pour votre bien, jeune capitaine en devenir.

Il fit un tour de poignet et Silvio tomba à son tour.

Le lendemain matin.

— Max ! Max ! dit une voix timide.

Le mousse ne se réveilla pas, la voix insista de nouveau.

— Max réveille-toi ! Tu ne vas pas le croire !

Il ouvrit l'œil, comme pour vérifier qui se tenait devant lui et aperçut Jacques-Alexandre, un autre mousse. Un drôle de personnage qui s'était familiarisé très rapidement au reste de l'équipage, malgré son handicap. Il était le plus joyeux des marins à bord, ce n'était pas une jambe en moins qui allait l'empêcher d'être un bon marin. Jacques-Alexandre devait avoir quelques années de plus que Max et c'était là, comme pour Max, sa première longue traversée.

— Grouille-toi ! Viens voir dehors ! lui ordonna-t-il, en sortant du dortoir.

Max se leva et vit qu'il était le dernier à s'être réveillé. Le bateau ne tanguait plus, il comprit alors que la tempête était passée. Il alla se rincer le visage avec l'eau d'un seau posé près de lui et sortit à son tour. Il franchit la porte menant au pont et quel ne fut pas son étonnement quand il aperçut, à la barre, Dias qui donnait les ordres !

La situation était des plus in-com-pré-hen-sible ! Comment Dias avait-il pu réussir ce tour contre la nature elle-même et pourquoi, à la timonerie, Silvio travaillait-il comme si rien ne s'était passé ? La scène face à lui était des plus étranges car sur le pont, les marins, moins nombreux après l'incident, étaient plus unis qu'ils ne l'avaient jamais été auparavant. Les officiers étonnamment présents, entretenaient leurs armes.

Certains astiquaient, d'autres rangeaient et celui de la vigie descendait du mât. Max se rapprocha de la timonerie. Le capitaine l'ayant aperçu, il lui fit signe de venir. Diego Dias avait l'air en pleine forme, le teint frais, la barbe entretenue, les cheveux lavés et coiffés sans oublier le tricorne propre qu'il portait fièrement. Il était habillé d'un costume bleu et d'une cape noire qui couvrait son épaule droite. Son épée brillait à sa taille dans le plus beau fourreau qu'il avait emporté avec lui. Dias venait de renaître de ses cendres tel le phœnix des légendes.

— Alors, Max le mousse ! Comment vas-tu aujourd'hui ? Je vois que tu es un vrai marin à présent ! Monte donc à la vigie et dis-moi quand on arrivera près de la terre ferme, tu n'auras qu'à sonner la cloche pour cela.

— Très bien capitaine, d'accord. Mais où sommes-nous ?

— Un mousse ne doit jamais poser de questions, assura-t-il d'un ton ferme.

Max alla en direction du mât, pour le gravir et atteindre la vigie.

— En direction d'Oman. Nous faisons cap vers l'Afrique. Nous allons détourner le Mozambique et ferons cap vers la côte Nord-est de l'Afrique. Silvio, rejoint-le !

— Très bien mon capitaine ! dirent-ils en même temps.

Leurs regards se croisèrent, ils avaient plein de choses à se dire. Les deux marins commencèrent leur ascension et Max entama la conversation en murmurant discrètement :

— Que s'est-il passé hier soir ? Comment le capitaine a-t-il pu tenir le navire dans cette tempête ?

— Je ne sais pas petit mousse, personne ne le sait. À l'aube, nous nous sommes réveillés sur le pont, Dias était à la barre et nous venions de quitter la tempête. Personne ne sait comment un tel miracle est possible et il semble qu'il soit encore meilleur marin qu'avant ! Meilleur capitaine, mais enfin, nous verrons bien la suite des événements. En tout cas, je suis chanceux de ne pas me retrouver à la cale ou en pleine mer avalé par un requin.

— Et pourquoi va-t-on en Afrique du Nord ? Nous ne devions pas longer les ports du sud et remonter jusqu'au nord ensuite ?

— Je ne sais pas, peut-être pense-t-il que l'on a suffisamment perdu de temps et que le retard accumulé ce derniers jours doit être rattrapé, termina-t-il pendant que les deux marins continuaient leur ascension.

Une fois à la vigie, l'atmosphère n'était pas la même qu’auparavant, le courant soufflait dans leurs dos et les poussaient à une vitesse amenant une brise fraîche. Il faisait bon de naviguer ce jour-là. Silvio observait au sud pendant que Max veillait au nord.

Après plusieurs heures à la vigie, le soleil pointait à midi et Max crut qu'il avait besoin de repos, des plus confus, il dit :

— Je dois avoir pris un coup de soleil sur la tête, je savais qu'il me fallait un chapeau. Voilà maintenant que je vois un morceau de l'Afrique devant moi !

Silvio fit un bond, attrapa la longue vue et regarda deux fois d'affilée, Max ne rêvait pas ! Il y avait bien une terre face à eux !

— Ce n'est pas l'Afrique petit Mousse ! C'est une île ! assura-t-il en sonnant la cloche de toutes ses forces.

— Terre en vue ! s'écria Max.

Le capitaine parcourut le navire pour en atteindre la pointe, il regarda à son tour. Cette île, elle n'avait rien à faire là. Dias comprit tout de suite qu'ils venaient de découvrir une île, celle-ci semblait vierge et sans le moindre doute il ordonna :

— Que l'on garde le cap ! Nous accosterons d'ici quelques heures. Officiers, préparez les chaloupes ! Nous allons découvrir cette terre !

La terre que l'équipage du Lamentin découvrait n'était autre que l'île de Dina Morgabine, île présentée dans le premier chapitre de ce livre. Les pensées de Dias fusaient rien qu'à la vision de cette terre, il s'imaginait peut-être pouvoir en faire un Fort et en devenir le gouverneur. Dans le courant de l'après-midi, deux chaloupes s'approchèrent de la côte Est. Sur la centaine de personnes que comptait le Lamentin, soixante-dix débarquèrent. Au nord, personne n'avait remarqué à ce moment-là qu'un navire s'apprêtait à déranger la vie calme et paisible des habitants de l'île.

À vrai dire, Émil ne vivait déjà plus une vie comme celle-là. Le malheur l'avait voulu. Des semaines s'étaient écoulées depuis l'incident avec Cory Simendèf et le jeune Morgabin avait depuis une sorte de mal au bras. Une tâche s’y étendait jour après jour. Il la cacha et supporta la douleur qu'elle entraînait car il ne voulait pas devenir une plus étrange attraction que celle qu'il était déjà. Les Domi le fuyaient comme la peste. Ce qui restait un avantage dans le fait de ne plus croiser les jumelles. Gaspar, lui, s'était retiré dans le boucan et depuis il y passait tout son temps, à tel point que les villageois se demandaient ce qu'il pouvait bien y tramer. Une période trouble approchait, les Morgabins le savaient.

Au cours de cette après-midi, l'atmosphère nuageuse était des plus pesantes. Rien à voir avec le magnifique soleil qui la précédait. Dans les hauteurs de l'île, au creux des montagnes, le brouillard épais et la grisaille régnaient, se partageant les remparts et les forêts. Plus bas, près de la côte, la mer était calme. Sur la plage, Alisya vit Émil observant l'horizon comme à son habitude. Elle s'approcha et dit :

— T'as vu quelque chose Émil ?

Le garçon surpris ne répondit pas. La tristesse et la mélancolie le rongeaient. Alisya, sa confidente, insista.

— Je vois bien que ça ne va pas. Qu'est-ce qu'il y a ?

Il se tourna vers elle et dit :

— Je ne suis pas fou ! Et demain, j'irai au pied de la montagne à l'ouest pour retrouver l'homme de l'autre jour.

— On n'a pas le droit de gravir les montagnes !

— Ce Simendèf aura intérêt à s'expliquer.

Émil se dirigea vers le boucan. Alisya vit son envie d'être seul. Elle le laissa.

De l'autre côté de l'île, à l'est, les marins débarquèrent de quoi faire un camp. Ils sortirent de quoi amasser du bois et un groupe suivait Dias à la découverte de la forêt qui s'imposait devant eux.

Silvio et Max n'avaient pas eu le choix, Dias les surveillait depuis l'incident. Polo les accompagnait escorté par une bonne poignée d’officiers. Ils se dirigèrent vers une montagne, afin d'en apprendre plus sur cette terre.

Sur le Lamentin étaient restés deux soldats, quelques mousses et les prisonniers de la cale. Le bruit d'un passage sur une île perdue était arrivé jusqu'aux femmes et hommes enchaînés. Certains d'entre eux réfléchissaient déjà à la possibilité de s'enfuir et de se cacher sur l'île. Mais pour cela ils quitteraient la cale pour prendre possession du navire. Une autre éventualité serait de s'emparer d'une des chaloupes et de se cacher sur l'île. Malheureusement pour eux les deux embarcations étaient sur la plage suite à l'accostage des marins. La situation à Dina Morgabine était devenue des plus animées.

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