Où le Nombre obsédant continue d'obséder de façon obsédante

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142857…

Le nombre continuait à le poursuivre sans lui laisser de répit.

Il s’était demandé s’il ne s’agissait pas d’un numéro de téléphone tronqué, un fixe auquel il manquait juste les indicatifs national et départemental : 01 53 14 28 57 par exemple. Celui d’un avocat, vu les circonstances ? Possible. Ou des coordonnées GPS ? Non, pas assez long. Un code postal ? Trop long. Un numéro de compte en suisse ? Le code d’un coffre-fort ? L’arrivée du prochain tiercé ?

Étendu sur son grabat, il eut tout le temps d’envisager les différentes possibilités. Cela faisait vingt-quatre heures qu’il s’était réveillé et il n’avait toujours vu personne. Il déduisait cette durée des variations de luminosité qu'il apercevait par la lucarne.

Au début, il s’était dit : on va venir me chercher, m’annoncer qu'il s'agit d'une erreur, ou bien que j’ai de la visite, ou qu’on veut m'interroger. Mais rien. La solitude.

L’éventualité qu’il soit coupable de quelque chose ne l’étonnait pas plus que celle qu’il pût être victime d’une erreur. La veille, il avait cherché à atteindre l’étroite ouverture située bien trop haut pour qu'il puisse l’atteindre. Le lit de fer qui constituait l’unique mobilier de sa cellule était fixé au béton du sol.

Il avait tambouriné longuement à la porte. Les sons métalliques résonnaient dans ce qu’il imaginait être un couloir sur lequel donnaient d’autres cellules comme la sienne, mais vides sinon quelqu’un aurait répondu.

Au matin, la trappe inférieure avait grincé. Il avait bondi sur ses pieds à temps pour apercevoir une main gantée de noir pousser un plateau repas. La trappe s’était refermée avec un claquement sec. Les pas avaient décru régulièrement le long du couloir. Il s’était époumoné, en vain. Il se retrouvait seul au monde, occupant unique du couloir, seul locataire de cette foutue prison, peut-être.

Découragé, furieux, il avait dédaigné la nourriture. Armé de la cuillère, il s’était approché du mur et avait tracé un trait correspondant à son premier matin.

Puis, pris d’une inspiration, il avait tracé d’autres signes : 142857. Ce n’était pas pour s’en souvenir – le nombre était gravé au fer rouge dans sa mémoire – mais pour le visualiser, En avoir une représentation tangible. Les six chiffres occupaient la face entière de l’une des briques du mur. J’espère que ce n’est pas le nombre de jours qu’il me reste à passer ici, pensa-t-il. Mais non, c’était impossible. Il s’était amusé un jour à compter combien de fois il pourrait faire l’amour avant de mourir. Il avait été surpris du nombre ridicule que sa calculette lui avait renvoyé. Même en gardant la forme jusqu’à quatre-vingt ans, même à raison d’une fois par jour. Un humain moyen passait rarement la barre des trente cinq mille jours de vie.

Un éclair traversa soudain son esprit. Instinctivement, il avait noté deux particularités :

1) – Le nombre 142857 contenait des chiffres tous différents.

2) – Le nombre 142857 ne contenait aucun multiple de 3. Les chiffres 3, 6 et 9 n’y figuraient pas. Le 0 non plus, qui était un multiple de 3 particulier mais un multiple tout de même. Un hasard ?

Mais là, en visualisant le nombre gravé, une troisième évidence lui sautait aux yeux : si on sectionnait le nombre en tronçons de deux chiffres, on obtenait 14-28-57. Or 14 était la moitié de 28 et 28 était (presque) la moitié de 57.

Un autre hasard ?

Cette petite séance de maths lui avait ouvert l’appétit. Enfin quelque chose de positif, un indice interessant. Il prit son plateau, s’assit sur le lit et commença à grignoter sans cesser de fixer pensivement le mur.

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