Chapitre 4 : In Extremis

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 Ils s’avancent vers la porte, décidés, à pas d’ours. Les enceintes déferlent leurs quatre-vingt-dix décibels. Malgré la musique, une atmosphère tendue et glaciale s'installe entre nous, parmi l’abondante fumée et odeur. Plusieurs regards s’échangent, se voyant rentrer chez eux dans l'obligation de fournir des explications à leurs parents.

 J’aperçois Fanny qui cache les pochons qu’on lui a offerts, super cadeaux... En rythme plusieurs personnes les planquent sous le canapé ou même le tapis et lancent leurs joints par la fenêtre, ils paniquent ; Il y a de quoi. Notre entraînement consiste à toujours dépasser nos limites, de risquer des sauts qui peuvent nous couter cher. On est habitué au stress, à l'adrénaline. On sait la contrôler, pour ne pas laisser notre instinct de survie prendre le dessus.

 « Faut qu’on se casse ! On va se faire niquer ! » Ces mots résonnent dans ma tête en tempo avec mon cœur qui joue du Djembé, de plus en plus fort et de plus en plus vite. Je le sens à travers mes côtes, sur ma peau. Mes poils se dressent, je stresse, une montée d’adrénaline surgit en moi.

 Je lâche Lilou et échange un regard avec Lylian, il hoche la tête. Ils sont au niveau de l'entrée, ils martèlent la porte de leurs points par-dessus la musique, ils vont rentrer !

 Je cours vers l’escalier, monte les marches quatre par quatre et entre dans la première pièce en titubant sous les effets de l’alcool. Lylian est juste derrière moi, on doit être dans la chambre de Fanny, les murs sont recouverts de posters de K-pop, BTS plus précisément. Quelle daube, merci Lilou t’es pas tombée là-dedans. Bordel, pourquoi je pense à ça ?! Je ne tiens vraiment pas l’alcool…

 La musique se coupe brusquement, les flics sont sûrement entrés et l’ont fait éteindre. J’ouvre la fenêtre et commence à me glisser dehors.

  — J’ai aucune prise,je dois sauter !

 Je me tiens au rebord de la fenêtre, le crépi du mur m’égratigne le long du corps. Je saute en avant en poussant des pieds pour ne pas me râper contre le mur et tente de ralentir la chute dans une haie. À la réception une branche se casse et me blesse la cuisse. Mon jean s’est déchiré et montre une profonde plaie. Une douleur vive se dresse en moi, semblable à une décharge électrique qui me traverse.

 Je me déplace avec difficulté, mon jean s’imbibe de sang au gré des battements de mon cœur. Lylian se réceptionne à côté de moi, dans la haie, aplati.

  — Ça va ? Saleté de buissons… Allez vite faut qu’on se casse !

  — Ouais, pas trop le choix !

 Au même instant, une lampe torche nous mate à une quinzaine de mètre.

  — Hé, vous ! Venez par-là !

 Bordel ! Un flic fait le guet, on est repéré, fait chier ! Lylian court en premier, je le suis en essayant de le rattraper. Ma jambe est en feu, c’est atroce, comme si ma plaie s’élargit d’un millimètre à chaque foulée. Le flic me course, il est tout près, à moins de cinq mètres, quatre mètres…

 Lylian devant moi d’une dizaine de mètres vient vers moi en courant.

  — Baisse-toi !

 Il me fonce dessus avec une pelle et me baisse in extremis pour le laisser charger. Le plat de la pelle s’abat contre le haut de son torse avec une puissance démesurée. Le flic tombe la tête contre le gazon, violement sous le choc. Un filet de bave dégouline de sa bouche, il ne bouge pas et gémit.

 On reste paralysé, il doit sûrement avoir une femme, des enfants. Ils vont le retrouver sur un lit d’hôpital, des kilos de pansements sur le torse. Il aura probablement un mal fou à respirer, une respiration saccadée. Il ne pourra pas parler, dire qu’il aime ses enfants et qu’il ne pourra plus partager ses repas avec eux, pendant un petit moment.

 Lylian marche, la tête vers le ciel, les yeux dans les étoiles. Et s’exclame :

  — On.. on est allé trop loin ! On est dans la merde jusqu’au qu’au cou…

  — Bordel ! On a agressé un flic !

  — Viens on.. on se casse, avant qu’ils arrivent !

 On s'enfuit, laissant le flic qui commence à toussoter à en faire peur.

 Ma jambe me fait de plus en plus mal. Mais je n’ai pas le choix, je dois courir, pour ma liberté. On prend les vélos et on se casse, loin d’ici. Très loin, le plus possible. Je ne veux plus jamais revoir cette villa. Je ne pense pas au flic, je n’ai pas le droit, ma vie en dépend.

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