Chapitre 12 - Partie 2

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Hey Jul.

— Ric. Quoi de neuf ?

Je voulais m’assurer que tu n’avais rien de prévu pour demain soir.

Elle s’éloigne du groupe.

— Qu’y a-t-il demain soir ?

Il a un rire discret.

Tu plaisantes ?

— Non. Adaric je t’en prie, je suis crevée, j’ai eu une journée difficile, peux-tu en venir au fait.

Silence.

— Adaric ?

Oui. Excuse-moi, je regardais si c’était bien toi que j’avais appelée et pas une autre Julia, tellement déboussolée et déconnectée du monde réel qu’elle en oublie son anniversaire.

— Demain ? Déjà ?

Julia tu m’inquiètes, comment peut-on oublier son anniversaire ? Et surtout comment TOI tu peux oublier cet évènement quasi vital pour toi et pour nous.

— Je suis désolée j’étais distraite ces derniers temps.

Ton nouveau petit ami t’a lobotomisée le cerveau on dirait, ironise-t-il avec dédain.

— Ric’ ! le réprimande la jeune fille.

Jul’ ! imite-t-il.

— Peut-on en reparler demain ?

Tu es sûre que tout va bien ?

— Oui.

Je n’en ai pas l’impression, tu…

— Oh, je t’en prie, arrête ! Arrête de sans arrêt t’inquiéter, de toujours être sur mon dos, arrête !!! hurle-t-elle, on se voit demain. Bonsoir.

Elle raccroche rageusement.

— Qui était-ce ? demande Anedora en s’approchant lentement, répandant une onde de douceur autour de Julia.

— Adaric, dit celle-ci en fermant les yeux alors que l’Ange lui prend la main pour l’apaiser.

Elle la remercie. Elle lâche sa main et se dirige vers sa maison, entre sans un bruit et rejoint sa chambre. Anedora s’y trouve déjà. Davia a conduit Adelan chez elle pour qu’il reprenne des forces, le combat a été rude, mais il est fort, il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour lui.

— Alors c’est toi qui veilles sur moi cette nuit ?

— Tu as tout compris.

Elle lui sourit, bienveillante, comme à son habitude.

— Peux-tu rester dans ma chambre ?

— Si cela te rassure, oui.

Julia l’observe une seconde.

— Demain, c’est notre anniversaire.

— Notre anniversaire ? demande bêtement Anedora.

Julia sourit.

— Et bien, j’aurai dix-sept ans demain. Nous sommes nées le même jour, donc, c’est aussi ton anniversaire.

Anedora semble se perdre une seconde dans ses pensées. Dix-sept ans. Elle aurait eu dix-sept ans elle aussi. Sauf qu’elle était morte depuis plus d’un an, et que pour la plupart de gens qui l’avaient connue ce serait une bien triste journée. Elle repensa à ses parents, ses amis, ses proches. Elle voulut hurler à l’injustice, mais que changerait un accès de colère à la fatalité ? Absolument rien. Alors elle utilise toutes ses ressources pour oublier ses pensées et se concentre sur Julia.

— Adaric t’a préparé une surprise, je parie.

— Pas exactement. Avec Ric’ et Aby, on se connaît depuis l’enfance, chaque année mon anniversaire est toujours le point de départ de l’année.

Julia lui explique une vieille tradition qu’elle et ses deux meilleurs amis ont depuis qu’ils ont fêté les 8 ans de Julia. Chacun avait fait une petite liste, qu’ils avaient plus ou moins modifiée au fil des années avec tout ce dont ils avaient envie ou qu’ils aimeraient accomplir pour chaque année les séparant du dix-huitième anniversaire de Julia. Ils se retrouvaient alors, tous les ans, le soir même de son anniversaire pour savoir si oui ou non ils avaient accompli leurs vœux. C’était pour eux une manière de sceller leur amitié, de ne jamais oublier qu’ils seraient toujours là les uns pour les autres.

— Je me rends compte aujourd’hui que j’ai été une bien piètre amie depuis quelque temps… je les ai complètement délaissés… jusqu’à oublier la date de mon anniversaire…

— Ne dis pas ça, ce sont tes amis, je suis sûre qu’ils pourraient comprendre si tu pouvais leur expliquer.

Julia, pleine d’espoir, demande s’il n’y a pas un moyen pour qu’elle puisse leur parler de toute cette histoire. Anedora comprend qu’elle ait besoin d’eux, mais c’était bien trop dangereux de mêler des humains à cette histoire, ils pourraient être tués et elle ne s’en remettrait certainement jamais.

— Je sais, acquiesce-t-elle, pourtant j’aimerais tellement pouvoir partager ça avec eux.

— Aby est si courageuse et bagarreuse qu’elle botterait les fesses de quiconque oserait nous faire du mal quant à Adaric, il est intelligent et loyal, il nous serait à coup sûr d’une grande aide.

— Tu as des amis en or. Et tu seras heureuse de les avoir toujours près de toi quand tout ceci sera terminé, crois-moi, c’est mieux ainsi.

— Peut-être, soupire-t-elle, j’aimerais appeler Adaric pour m’excuser.

— C’est une sage décision en effet.

Anedora s’éclipse tandis que Julia compose le numéro du jeune homme.

— Pourras-tu pardonner l’idiote que je suis de t’avoir envoyé balader tout à l’heure ?

Tout dépend de la raison qu’elle va me donner.

— Et si je te disais que cela n’est en rien ta faute ni celle d’Aby, mais que j’avais des choses importantes à régler sans vous.

Dans ce cas, je te répondrais que tu noies le poisson.

— Ric’ je t’en prie, je te promets que je t’expliquerais tout, dès que je le pourrais, tu seras la première personne à qui j’en parlerai.

Elle l’écoute soupirer.

OK. OK, je ne te poserai aucune question, mais promets-moi que tu ne fais rien de stupide, d’illégal ou de dangereux et que tu ne risques rien.

— Je te le promets, ment la jeune fille avec tristesse.

Parfait ! Demain, 18 h, à l’endroit habituel. Ne sois pas en retard.

— Jamais de la vie.

Et il raccroche. Il est comme ça Adaric. C’est le garçon le plus attentif, le plus compréhensif et le plus gentil du monde, jamais un mot plus haut que l’autre. Si elle ne veut pas parler, il n’insiste jamais. Il se contente de s’assurer qu’elle va bien et reprend le cours de sa vie, comme il venait de le faire à l’instant. Elle le soupçonne toutefois de tout noter dans un cahier et redoute le jour où il le ressortira pour lui demander une explication à chacun de ses petits secrets. Elle se dirige alors vers le lit, soulève son matelas et sort un petit tube argenté. Elle l’ouvre pour trouver une feuille jaunie par le temps. Elle la déplie et regarde sa liste. Il ne lui reste que deux lignes à rayer et elle aura achevé chacune des choses qu’elle voulait faire avant d’avoir dix-huit ans. Elle a un pincement au cœur, car elle n’aurait sans doute pas l’occasion de vivre assez longtemps pour accomplir la totalité de sa liste. Elle maudit le destin un court instant avant de lire le point dix-sept. « Changer le cours de ma vie » est-ce que devoir sauver le monde de l’Apocalypse pouvait être un accomplissement de ce point ou pas ? Elle avait plutôt envisagé de trouver dans quelle fac elle irait, choisir le métier qui lui conviendrait ou se décider à partir étudier en France. Elle fait donc le tour des options qui s’offrent à elle. Initialement, elle voulait annoncer à ses amis son idée de partir en France pour sa dernière année d’étude afin d’améliorer son français. Tout était en bonne voie, elle avait même commencé à préparer son voyage. Mais avec les derniers évènements, il est devenu difficile de partir, vu le contexte. Alors que va-t-elle leur dire ? Leur mentir, une fois de plus. Quel autre choix a-t-elle ? Elle commence donc à réfléchir à la manière dont elle va aborder la chose en prenant soin de les amener à ne pas trop se poser de questions.

— Nous verrons demain, annonce-t-elle en replaçant le papier dans sa boîte avant de le remettre sous le matelas.

Anedora arrive alors qu’elle se glisse dans son lit.

— Ça s’est bien passé ?

— Très bien.

— Repose-toi maintenant. Bonne nuit.

— Merci. Bonne nuit Anedora.

Elle sombre dans le sommeil presque immédiatement.


***


Sous terre, dans les méandres des couloirs sordides de l’Enfer, les armées du Très-Bas se renforcent et les êtres maléfiques enragent de devoir attendre encore si longtemps pour déclencher la fin du monde. Dans son repaire, l’impétueuse Reine des Enfers est lasse d’être entourée d’incapables. À ses yeux, ramener cette maudite Clé en Enfer n’avait rien de difficile, pourtant aucun n’a réussi. Cela prenait trop de temps, et du temps ils n’en avaient pas.

— Yorick !

— Oui ma Reine, couine le vieux sorcier en s’inclinant si bas que sa tête touche quasiment le sol.

— Voici 7 jours maintenant que le compte à rebours a été lancé et nous n’avançons pas.

— Ma Reine, l’Ange Déchu ne me facilite pas la tâche, je…

— Cherches-tu des excuses ? siffle-t-elle à l’oreille du vieil homme.

— Non ma Reine.

— Alors fais ce que l’on te demande ! ordonne-t-elle.

Puis d’un mouvement de poignet élégant elle envoie valser le pauvre sorcier contre le mur dans un bruit assourdissant. Il tombe lourdement sur le sol, inconscient. Elle s’apprête à retourner sur son trône quand elle sent sa présence. Il entre, en applaudissant.

— Ma chère, quel spectacle !

— Uriah, mon ami.

Elle s’assoit sur son trône, rejetant sa longue chevelure aussi noire que son âme par-dessus son épaule, découvrant ainsi son magnifique corps. Si Uriah avait appris une chose de la Reine des Enfers, c’est qu’elle était aussi dangereuse qu’elle pouvait être somptueusement attirante. Le Très-Bas avait très bon goût en matière de femme.

Il s’approche et dépose un baiser sur la main qu’elle lui tend.

— M’apportes-tu des nouvelles encourageantes ?

— Et bien, je venais plutôt voir si toi, tu avais des choses à me dire.

— Et pourquoi en aurais-je ?

— Je ne sais pas… peut-être…

Il fond sur elle.

— Je déteste que l’on m’espionne, continue-t-il.

Il sent son cœur battre plus rapidement que d’ordinaire. Elle le fixe durant de longues secondes, lui caresse la joue du bout des doigts provoquant sur sa peau une douloureuse brûlure. Pourtant il ne bouge pas d’un millimètre.

— J’ai toujours trouvé remarquable ta façon de supporter la douleur, si intense soit-elle.

Elle lèche langoureusement la blessure qui disparaît aussitôt. Il lui sourit. Et avant qu’elle ne puisse réagir, serre sa main autour de son cou. Elle tente de le repousser, mais en vain, son emprise est bien trop forte, elle ne peut ni bouger ni dire une incantation pour se débarrasser de lui. L’air commence à manquer, elle cligne des yeux plusieurs fois.

— Dis à tes chiens de rentrer à la maison, cesse de me faire suivre, laisse-moi faire mon boulot, tu seras prévenue en temps voulu.

Il la laisse retomber sur son trône et disparaît avant même qu’elle n’ait pu dire quoi que ce soit. Elle reprend à peine ses esprits quand Yorick se réveille.

— Ma Reine, Ma Reine, halète-t-il en courant vers elle pour l’aider à se relever.

Elle s’appuie sur le sorcier pour se mettre debout puis rejette son aide presque instantanément.

— Yorick ! J’ai une nouvelle mission pour toi.

— Vos désirs sont des ordres, Ma Reine.

— Approche, ordonne-t-elle.

Il s’approche de la Reine qui pose ses mains tremblantes de chaque côté de sa tête. Elle ferme les yeux en psalmodiant une incantation magique. Quand elle les rouvre, Yorick sourit.

— C’est ingénieux.

Elle lui rend son sourire.

— Il est grand temps que le règne de ce maudit Ange Déchu cesse.

Elle retourne sur son trône.

— Uriah, ta fin est proche… murmure-t-elle.

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