Chapitre 10 - Partie 1

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Matthew joue les équilibristes sur l’arête du toit de sa maison. Il a passé une soirée exquise. Julia était exquise, délicieuse même. Le goût de ses lèvres encore sur les siennes, il brûle d’envie de recommencer.

— Ce besoin insatiable ne s’arrêtera jamais ?

— Si tu le désires. Non. Jamais.

— Que du plaisir pour l’éternité. Le pied, se réjouit Matthew en s’asseyant près d’Uriah.

— As-tu accompli ta mission

— Oui m’sieur.

— Alors, parle, ordonne Uriah sèchement.

Matthew raconte tout ce que lui a dit Julia, dans les moindres détails.

— Parfait mon jeune ami.

— Et maintenant ?

— Maintenant ? Tu continues ton petit jeu du petit ami parfait et je te recontacterai.

Uriah se lève tandis que la fumée noire s’enroule autour de lui.


***


— Gabriel, que va-t-il m’arriver ?

Anedora était partie retrouver Gabriel et avait envoyé un appel mental à Adelan pour qu’il les rejoigne au Paradis le plus vite possible avec Davia.

Gabriel tourne en rond, il ne comprend pas le geste d’Uriah. Veut-il la tuer ? La rallier à leur cause ? Quel est son but ? Et surtout, pourquoi s’en prendre à l’Élue alors que la Clé est humaine et bien plus facile à atteindre ?

— Je ne comprends pas son geste.

— Il n’y a rien à comprendre, intervient Adelan, Uriah est foncièrement mauvais. Anedora est une novice, il a voulu lui faire peur.

— Je n’en suis pas certain Adelan.

— Alors quelles en seront les conséquences ? Plutôt que de savoir pourquoi, essayons d’anticiper ce qui va m’arriver après avoir bu son sang, non ?

Elle regarde tout le monde à tour de rôle. Cela avait déjà dû arriver auparavant, elle était persuadée qu’il y avait une solution, une explication. Gabriel explique que chaque fois qu’une créature de la nuit avait fait boire son sang à des anges, ils étaient presque morts immédiatement.

— Ce peut-il que son sang ne soit pas toxique ? demande Davia.

Gabriel ne relève pas et reprend la parole.

— Tu soulèves quelque chose d’intéressant jeune sorcière. Le fait qu’il ait été un ange avant change peut-être la donne.

Mais Adelan n’y croit pas, même si Uriah était un ange au début, aujourd’hui il fait partie des créatures les plus malfaisantes qui hantent la terre, il est évident que faire boire de son sang à Anedora, même si cela n’implique pas de conséquences physiques pour le moment, n’est pas anodin et que cela engendrera certainement des problèmes. Gabriel acquiesce, l’air songeur.

— Je dois réfléchir, conclut Gabriel en dépliant ses ailes.

— Attendez ! crie Anedora. Attendez ! Il faut que je revoie la vision.

— Oh oui, j’allais oublier. Tiens.

Il fait tournoyer ses mains et une petite boule de cristal apparaît au milieu d’une pluie d’étincelles dorées. Il la tend à Anedora avant de s’envoler et de disparaître dans le ciel étoilé du Paradis.

Elle regarde Gabriel s’envoler, le cœur rempli d’incertitudes. Elle s’éloigne un peu de ses amis toujours en grande discussion au sujet du potentiel poison qui coule désormais dans ses veines. Une fois à une distance raisonnable, elle s’assoit sur le sol en tailleur. Elle prend la petite boule de cristal entre ses mains et plonge son regard à l’intérieur.

Au début, rien ne se passe, puis une brume légère commence à tournoyer en son centre, elle devient de plus en plus dense jusqu’à emplir la boule entièrement. Anedora ferme alors les yeux et lorsqu’elle les rouvre, elle se trouve au milieu du nuage de fumée. Elle patiente quelques secondes jusqu’à ce qu’elle disparaisse, laissant place à l’odeur âcre de la terre brûlée. Elle a beau avoir déjà vu la vision, elle reste apeurée à l’idée de voir de nouveau ces horreurs. Quand elle commence à sentir le sol se réchauffer sous ses pieds, elle avance, lentement. Les pierres brûlantes lui font mal, mais elle sait qu’elle ne sera pas blessée. La première chose qu’elle voit est le jeune homme. Toujours à la même place, recroquevillé sous un reste d’abri bus, pleurant de douleur. Son corps en partie calciné, il tente de parler sans succès. Même si c’est dur elle doit s’approcher cette fois, voir si ce jeune homme peut lui apprendre quelque chose, mais il faut qu’elle se dépêche, car elle sait que bientôt une créature bien plus horrible que tout ce qu’elle n’a jamais imaginé viendra dévorer le pauvre garçon. Il tourne son regard vers elle et elle croit un instant qu’il l’a vue, mais c’est impossible bien sûr. Elle s’accroupit près de lui, prenant garde de ne même pas le frôler et remarque quelque chose dans sa main ensanglantée. Elle ne peut rien toucher ni lui demander quoi que ce soit, alors elle se rapproche pour tenter de voir ce qu’il tient. C’était un lien noir, un bracelet apparemment. Elle se contorsionne au-dessus de lui pour regarder les détails du bracelet et voit un petit pendentif en argent. Elle fait le tour du jeune homme précautionneusement et regarde de plus près. Il s’agit bien d’un bracelet avec un médaillon représentant une triskèle. Elle connaît ce signe, elle se dit que c’est peut-être important. Elle note dans un coin de sa tête le signe et se relève. Elle jette un dernier regard au jeune homme lui envoyant, même si cela ne sert à rien, un peu de réconfort. Elle tourne le dos à cette scène horrible et s’enfuit en courant pour ne pas se retrouver nez à nez avec l’immonde créature qui surgira dans quelques secondes maintenant.

Alors que le cri d’horreur du jeune homme résonne dans la nuit, elle s’aperçoit qu’elle est proche d’une maison qui n’a pas l’air d’avoir subi le feu contrairement à tout ce qui l’entoure. En s’approchant, il lui semble reconnaître la petite chaumière de George Templeton. Que fait-elle ici ? Elle se trouve donc à Pemberton ? Elle ne reconnaît en rien les lieux. C’est étrange, mais elle est certaine que cette maison appartient bien au Polymorphe, elle ressent la magie. Elle n’y avait pas prêté attention la première fois. Elle se demande comment elle peut entrer, sans doute y verrait-elle un indice supplémentaire. Hormis le crépitement du feu tout proche et les gémissements qu’elle entend au loin, elle n’a pas l’impression que quelqu’un soit là alors qu’elle n’est pas sa surprise quand la porte s’ouvre et qu’Uriah en sort, couvert de sang. Prise de panique, elle recule. Puis, réalisant qu’il ne peut la voir, elle se reprend et entre dans la maison dont la porte est restée ouverte. L’intérieur est toujours le même, rien n’a changé, mais la douce odeur de soupe au potiron a été remplacée par l’émanation nauséabonde du soufre, du sang et de la mort. Quand elle le voit, elle étouffe un cri. George Templeton est là, sur le mur du fond de la chaumière, attaché par des chaînes recouvertes de pics énormes lui lacérant inlassablement la chair. Il gémit, à bout de force, certainement après avoir été torturé par Uriah. Très amaigri, il n’a presque plus rien d’humain, il souffre le martyre. Puis elle se rappelle qu’il a gagné son immortalité en évitant la Prophétie, les créatures de la nuit peuvent donc le torturer ainsi sans pitié sans jamais réussir à le tuer. Elle ne peut tenir plus longtemps et sort en larmes de la chaumière. Il faut absolument qu’elle évite que la Prophétie se réalise, à tout prix. Elle essuie ses yeux, déterminée à continuer son périple.

Elle sait que la vision prendra bientôt fin, mais c’est trop tôt, bien trop tôt. Elle n’a rien découvert de révélateur, rien sur ce qu’elle doit accomplir hormis le pendentif et encore, peut-être que cela ne signifie rien du tout. En tout cas, elle doit trouver d’autres indices et très vite, alors elle se met à courir. Elle fait abstraction de l’horreur et court droit devant. Elle sent dans son cœur qu’elle doit suivre cette route, elle court de longues minutes, le paysage apocalyptique défilant à toute vitesse devant ses yeux puis, elle stoppe net. Quelque chose cloche, quelque chose qu’elle n’a pas ressenti la première fois. Elle sent une brûlure près de sa poitrine. Elle pose la main près de son cœur, une chaleur inhabituelle émane de « L’anneau de vision ». Elle sort l’anneau que lui a remis George Templeton. Elle l’a accroché autour d’une chainette pour ne pas le perdre. Elle sourit en repensant au moment où elle avait mis l’anneau autour de son cou, ne pouvant s’empêcher de penser à Frodon, dans le « Seigneur des anneaux », un de ses films favoris lorsqu’elle était vivante. Elle balaye le souvenir du jeune hobbit et détache à la hâte l’anneau du tour de son cou. Elle le tient dans sa main, ne sachant pas comment l’utiliser. Elle est au cœur de la vision et non dans le monde réel, George Templeton lui avait dit qu’il lui permettrait de voir l’avenir, mais elle était à l’intérieur d’un avenir potentiel alors comment l’anneau pourrait-il l’aider à ce moment précis ? Pourtant, si l’anneau s’est manifesté, c’est que quelque chose doit en ressortir. Instinctivement, elle lève la tête et regarde à travers, droit devant.


***

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