Chapitre 10 - Partie 2

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Virna se délecte d’une pauvre victime quand Uriah apparaît brusquement.

— Que veux-tu ?

Uriah l’observe un instant, la femme sur le sol donne son dernier souffle, Virna n’aurait bientôt plus une goutte de sang pour satisfaire son appétit. Il tombait à pic.

— Le garçon a fait le travail.

— Oh.

Elle se relève sensuellement, s’essuie le coin de la bouche d’où coule une perle de sang et ondule jusqu’à Uriah. Elle griffe la joue de l’Ange de son doigt libérant une trainée de sang qu'elle lèche avec avidité. Il ne bouge pas d’un millimètre laissant le vampire se satisfaire.

— Notre plan a donc réussi.

— En partie.

— Comment ça ? dit-elle en repoussant si violemment Uriah qu’il tombe sur le sol.

D’un bond, ravalant sa fierté, il se relève ne tenant pas compte de son geste et reprend.

— J’ai eu plus de mal avec l’Ange.

— Tiens donc.

— Elle n’a pas voulu entendre raison.

— Tu n’as essayé qu’une fois.

— Je n’ai pas senti que son allégeance pouvait changer.

— Tu le crois vraiment ?

— Oui.

Elle commence à déboutonner la chemise d’Uriah.

— As-tu fait ce qu’on avait prévu ?

— Elle a bu mon sang.

— Assez ?

— Juste ce qu’il faut.

— Bien.

Elle lui retire sa chemise et l’entraîne un peu plus loin dans la rue.

***

Julia se trouve dans un endroit qu’elle n’a jamais vu auparavant. Pourtant, elle est venue des centaines de fois à New York et encore plus dans Central Park. Mais est-elle vraiment dans Central Park ? Aucun doute, elle a dépassé le réservoir, elle s’approche maintenant du lac, elle aperçoit même les San Remo Apartments au loin malgré la brume qui commence à tomber. Elle se serre contre Matthew, frissonnante. Il doit sentir sa peur, car il passe un bras protecteur autour d’elle, ce qui la rassure un peu, mais pas totalement. Ils marchent tous les deux à travers le parc depuis de longues minutes, le jeune homme a insisté pour faire cette balade dans Central Park alors que déjà la nuit tombe. Si elle a toujours aimé venir ici en plein jour, elle a toujours été trop effrayée pour y venir la nuit, mais il l’a tellement pressée qu’elle n’a pas su résister à son sourire ravageur et ses baisers suppliants.

— Viens, lui intime-t-il l'entrainant.

Ils passent la Fontaine Bethesda absolument merveilleuse même la nuit et s’engouffrent sous les arcades. Il n’y a pas de bruit, pas âme qui vive. Il plaque la jeune fille contre le mur et l’embrasse fougueusement. Elle ne s’y attend pas du tout et manque de trébucher, mais elle se laisse faire, évidemment, comme à chaque fois que les pulsions de Matthew se manifestent, de plus en plus souvent d’ailleurs et elles sont de plus en plus pressantes. Même s’il embrasse à merveille et qu’il lui plaît énormément, elle n’est pas prête à passer le cap et à envisager plus, cela ne fait qu’une semaine qu’ils sont ensemble, c’est bien trop tôt. Après plusieurs minutes de passion, il stoppe net et plante ses beaux yeux dans les siens. C’est son truc, dès qu’il sent qu’ils pourraient aller plus loin, il s’arrête. Elle n’est pas prête, certes, mais c’est tout de même très frustrant. Alors, toujours haletante et avide de reprendre le cours de ces baisers elle lui demande pourquoi il s’est arrêté.

— C’est l’heure.

— L’heure ? Mais l’heure de quoi ? questionne-t-elle.

— Ne bouge pas.

Il s’éloigne d’elle.

— Quoi ? Mais…. Qu’est-ce que…

Elle est paralysée, comme enchaînée au mur. Elle ne peut plus bouger un seul membre.

— Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi je ne peux plus bouger ?

Il ne dit rien, elle ne voit que son sourire étincelant presque irréel dans la nuit. Elle tente de bouger, mais elle n’y parvient toujours pas.

— Matthew ? Matthew ? crie-t-elle. Que fais-tu ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Aide-moi je ne peux pas bouger… les larmes commencent à envahir ses yeux.

Ce qui se passe après est inimaginable. Elle s’est attendue à vivre des choses étranges avec cette histoire de fin du monde, mais à ce point terrifiantes, elle ne l’aurait jamais cru. Elle hurle si fort qu’elle s’en étouffe. Le rayon de lune qui éclaire désormais le jeune homme laisse voir la transformation comme en plein jour. Il a retiré tous ses vêtements, il est nu comme un ver. Elle voit d’abord son visage se tordre et se modifier, puis de longs poils noirs se mettent à pousser sans parler de ses dents immenses et acérées qui sortent de ce qui a été la bouche la plus tendre qu’elle n’a jamais embrassée. Elle tente toujours de se débattre, mais les liens invisibles qui la retiennent sont coriaces. Elle crie, rue, veut s’enfuir, mais rien n’y fait. Le beau Matthew a désormais disparu. Pendant un instant, seul son corps resta humain, mais c’est de courte durée, chaque parcelle de sa peau se met à craquer, laissant échapper une odeur de soufre immonde, du sang noir coulant de chaque crevasse qui s’ouvre. Pourtant, il ne semble pas souffrir. C’est ce qui est le plus terrifiant, alors qu’il tombe à genoux sur le sol, ses bras et ses jambes se déforment comme si tous ses os se brisaient et ses membres se muent en d’immenses pattes noires. C’est un spectacle horrible, elle est prise d’un haut-le-cœur et se met à voir trouble. Quelques touffes de poils sortent sur ce qui a été son torse et son dos, mais il ne se couvre pas de pelage, au contraire, certaines zones restent humaines, c’est irréel et abject. Aveuglée par les larmes, elle crie toujours espérant que quelqu’un l’entende. Mais où sont-ils tous passés ? Adelan ? Anedora ? Et Davia ? Où sont-ils ? Pourquoi ne l’entendent-ils pas hurler et appeler à l’aide ? La bête relève alors sa tête vers elle et se redresse. Légèrement courbé, il halète. C’est à ce moment que ses liens invisibles se brisent. Elle peut de nouveau bouger. Elle fait quelques pas sur le côté, très lentement, ne sachant comment réagir. Elle n’ose pas prendre ses jambes à son cou, il la rattrapera en un quart de seconde. Elle regarde autour d’elle, cherchant une issue, une échappatoire. Il demeure immobile. Il se contente de l’observer. Il grogne, doucement, renifle et souffle sur le sol, de la bave coule de sa gueule. Puis il grogne encore, plus fort cette fois-ci, avant de hurler à la lune. Le cri est si puissant que Julia doit se boucher les oreilles. Elle pourrait en profiter pour partir, mais cette fois, ce n’est pas les liens invisibles qui la retiennent, mais le hurlement du loup. Que fait-il ? Appelle-t-il d’autres de ses congénères ? Après tout, c’est un loup-garou, et les loups communiquent ainsi pour ce qu’elle en sait. Malgré la douleur du hurlement, elle réussit à faire quelques pas pour sortir de sous l’arche. Elle jette un coup d’œil rapide autour d’elle, personne. Le parc est désert. Quand le hurlement cesse, elle peut enfin retrouver ses capacités physiques et alors qu’elle envisage de courir en direction du lac, le loup se rue sur elle. Surprise elle tombe à la renverse, recule tant bien que mal, mais il est trop vif, il va la dévorer pourtant il s’arrête en plein vol alors qu’il bondit sur elle. Il est sonné une demi-seconde, secoue la tête, et tente de nouveau de s’approcher, mais il n’y parvient pas. Il gratte, grogne, hurle, rien n’y fait, il bute contre une barrière invisible. Julia se relève et ne cherchant plus aucune explication, se met à marcher à reculons, ne perdant pas de vue le loup, au cas où. Il est toujours bloqué. Soulagée, elle recule de plus en plus vite, mais se heurte à quelque chose, violemment. Un bras fort l’entoure alors, l’immobilisant totalement. Elle reconnaîtrait son odeur parmi des milliers. La chaleur de son torse nu l’embrasant déjà. Il resserre son étreinte et s’approche de son oreille.

— Bonsoir… susurre-t-il.

Sa voix envoûtante la fait frémir malgré elle. Même si elle porte toujours le pendentif, elle ne peut s’empêcher de ressentir une bouffée de désir l’envahir, c’est de courte durée, l’obsidienne est plus forte.

— Que penses-tu de mon cadeau ?

— C’est votre œuvre ? demande-t-elle en tentant de se détacher de son étreinte.

— Je me suis dit qu’il ferait un beau loup-garou. Il est jeune, fort, athlétique. Un parfait spécimen.

— C’est un monstre ! crache-t-elle, tout comme vous.

— Julia, Julia, Julia… ne sois pas désobligeante veux-tu. Il me suffit d’un regard et la barrière qui le retient cèdera et je le laisserai te dévorer.

— Vous ne le laisserez pas faire.

Contre toute attente, elle se retourne vivement et fait face à Uriah. Elle respire difficilement, car il la tient toujours fermement au creux de ses bras. Elle croise son regard sombre. Il ne dit rien, se contentant de la fixer. Il est à la fois étonné de son audace et fou furieux qu’une gamine puisse lui tenir tête.

— Laissez-moi partir, grince-t-elle sans trembler, les yeux toujours plantés au fond de ceux de l’Ange Déchu.

— Pourquoi ferais-je une chose pareille ?

— Vous ne pouvez pas me tuer alors laissez-moi partir.

Cette petite l’épate de plus en plus. Il sourit.

— Et ma réputation dans tout ça ? Si je te laissais partir je serais un bien piètre ange déchu, ne crois-tu pas ?

Cette fois, c’est elle qui lui sourit. Elle se contorsionne et réussit à libérer ses bras coincés entre elle et Uriah. Elle pose ses deux mains sur son torse et tente de le repousser. C’est peine perdue, elle en est consciente. Ce qu’elle ne sait pas c’est comment gagner du temps pour qu’elle puisse s’enfuir. Elle pousse un peu plus fort, mais il ne bouge pas d’un millimètre, il se contente de resserrer son étreinte. Elle commence à manquer d’air, il est trop fort. Elle ne le lâche pas des yeux, elle sait qu’il n’a pas encore utilisé son pouvoir sur elle. Son collier ne réagit pas, il s’amuse juste de la situation. Elle fait alors glisser lentement ses mains de son torse à ses épaules, de ses épaules à son cou puis jusque dans le haut de son dos et plante ses ongles dans les plaies suppurantes de ses ailes brûlées. Elle sent ses doigts s’enfoncer dans la chair tiède, c’est absolument dégoutant. Il pousse un cri horrible et tombe à terre. Elle l’enjambe et s’enfuit aussi vite que possible.

— Vas-y ! tonne-t-il alors.

Elle n’a pas besoin de se retourner pour savoir à qui il a donné cet ordre. Elle écoute déjà les pas du loup derrière elle, il l’aura rattrapée dans quelques secondes, elle redouble d’efforts, mais elle s’entrave dans une branche et roule sur plusieurs mètres. Il est déjà sur elle. La dernière chose qu’elle voit, c’est les immenses crocs du loup se refermer sur son cou.

— Ma chérie ! Calme-toi ! Arrête de hurler.

Julia est dans son lit, terrorisée. Instinctivement, elle porte sa main à son cou, elle n’a rien. Elle se blottit dans les bras réconfortants de sa mère.

— C’était un cauchemar, murmure-t-elle.

— Oui ma princesse. Mais de quoi as-tu bien pu rêver pour être aussi terrorisée. Regarde-moi ça, tu es en nage, tu trembles.

— C’était horrible maman, horrible…

Elle se serre un peu plus contre sa mère qui continue de la bercer tendrement.

— Ça va aller ?

— Oui… oui, je crois. Je vais aller prendre une douche, ça me fera du bien.

— OK.

La mère de Julia se lève. Elle prend le visage de sa fille entre ses mains comme elle le fait toujours quand elle va l’embrasser et dépose un tout petit baiser sur le bout de son nez puis un autre sur son front.

— Je t’aime ma fille. Essaie de te rendormir.

— Je t’aime aussi maman.

Elle se lève et sort de la pièce. Julia attend quelques secondes devant la fenêtre de sa chambre, tentant de rassembler un peu ses esprits. Adelan apparaît quelques instants plus tard.

— Ça va ? demande-t-il inquiet.

— Ce n’était qu’un cauchemar. Un horrible cauchemar.

— Tu veux en parler ?

— Je veux prendre une douche.

Il lui sourit et sort aussi discrètement qu’il était entré. Depuis la venue d’Uriah quelques jours plus tôt, il ne la quittait plus. Elle est en sécurité, elle le sait, mais tout protecteur qu’il est, il ne peut la protéger de ses cauchemars. Elle se déshabille à la hâte et se glisse sous l’eau brûlante. Elle reste ainsi de longues minutes, profitant de l’apaisement et du réconfort que lui procure l’eau chaude sur son corps. Elle ne cesse de repenser à Matthew et ce qu’il était devenu. Elle ne peut s’empêcher de se demander si ce n’était vraiment qu’un cauchemar ou plus que ça. Il faut qu’elle en parle à Anedora dès la première heure et aussi qu’elle appelle Matthew pour être sûre que tout est normal et qu’il ne compte pas se transformer en horrible loup-garou à la prochaine pleine lune.

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