Chapitre 9 - Partie 1

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Anedora surplombe la ville, attentive. Elle prend quelques minutes pour se rendre sur le toit de l’immeuble qu’elle a aperçu quelques jours plus tôt. Elle a besoin de faire le point et rassembler ses idées. WoodFall est encore plus belle vue d’en haut. De son vivant, elle n’était jamais montée sur le toit d’un immeuble pour profiter de ce spectacle magique, elle se disait qu’elle avait le temps, elle n’avait que quinze ans. Elle se remet à penser à sa vie d’avant, sa famille, ses amis, son petit ami de l’époque, mais elle se rend compte que tout s’estompe peu à peu. Leurs visages ne sont plus aussi clairs, le son de leurs voix est lointain, ils s’effacent tous, petit à petit, de sa mémoire. Elle trouve cela injuste, elle a tellement de projets, d’envies, de rêves. Elle comprend qu’elle envie un peu Julia d’être la Clé, mais à bien y réfléchir, elle n’est pas sûre qu’elle ait accepté les choses aussi bien que la jeune fille si les rôles avaient été inversés.

— Rien n’arrive par hasard après tout, énonce-t-elle à voix haute en direction du ciel.

— Tu ne crois pas si bien dire.

Surprise, elle manque de tomber du rebord de l’immeuble, ses ailes sortent instinctivement.

— Moi aussi j’avais de belles ailes comme les tiennes avant, mais….

Uriah lui montre furtivement son dos surmonté de deux plaies béantes et purulentes. Elle se fait la réflexion qu’il doit souffrir sans discontinuer.

— Quelle empathie ! Ça m’écœure… crache-t-il à Anedora.

— Cesse de lire dans mes pensées.

— Pourquoi le ferais-je ? C’est tellement drôle, vous les anges, vous êtes si… compatissants.

— Il n’y a pas si longtemps toi aussi.

— Autre temps, autre époque, mais j’ai ouvert les yeux, heureusement.

— Et massacrer des innocents est plus attrayant tu trouves ?

— Attrayant ? Non. Jouissif, je dirais.

Il se tient maintenant à quelques centimètres d’Anedora, elle peut sentir son souffle âcre. Son regard de braise plongé dans le sien, elle ne peut s’empêcher de le trouver attirant et de ressentir un malaise évident. Si son côté sombre prime sur le reste, son sourire éclatant trahit ce qu’il avait pu être avant d’être déchu.

— Ne t’y trompe pas jeune novice, je n’ai jamais été ce que tu imagines…

Anedora le repousse violemment.

— C’est déloyal.

— De quoi ? De lire tes pensées ?

— Oui.

— Tu peux le faire aussi.

— Ça ne m’intéresse pas.

Il fond sur elle et lui caresse le bras doucement.

— Tu mens, tu aimerais avoir ce don n’est-ce pas ?

— Pas du tout.

Parcourue d’un frisson, elle lui attrape le bras et le repousse.

— Une infinité de pouvoirs s’offre à toi, si tu choisis le bon chemin.

— Ton chemin ?

— Tu ferais un ange déchu absolument sublime.

— Jamais.

— Tu ne sais pas ce que tu rates, tout est plus fort, tout est plus intense, ton pouvoir est immense, indomptable, imbattable.

— C’est pour ça que tu es tombé ?

Il la toise avec dédain.

— J’avais mes raisons. Et elles ne te regardent pas.

Elle lui sourit.

— Si tu es devenu un ange au début, c’est que le Bien l’emportait sur le Mal pour toi.

— Assez !!! hurle-t-il. Puis, il reprend plus doucement : vous allez perdre. Vous allez perdre, toi et ces stupides humains que vous aimez tant, vous perdrez tout et le Mal régnera. Les temps ont changé.

— Je ne le permettrai jamais.

— Nous sommes plus forts.

— Il n’arrivera rien à notre monde, même si je dois en mourir. Crois-moi, la tâche ne te sera pas aussi aisée que tu le penses.

— Alors, viens ! Rejoins-nous. Rejoins-moi. Nous serons des rois.

Elle lui sourit. Une étincelle rouge éclaire les yeux d’Uriah avant qu’ils ne reviennent à la normale, sombres et inquiétants. Il esquisse un sourire discret et tout va très vite. Il lui attrape les cheveux et la tire en arrière. Elle se débat autant qu’elle peut, mais elle n’a absolument aucune chance.

— Si je le pouvais, je te tuerais, idiote !

Il la jette au sol et se rue sur elle. Il lui maintient les bras au-dessus de la tête tandis que de son autre main il se met à caresser le visage du jeune Ange. Elle continue de se débattre, hurlant de la lâcher, mais il ne bouge pas d’un millimètre, il a vraiment une force surhumaine.

— Arrête de bouger ! tonne-t-il.

Anedora est stoppée net, comme paralysée. Une larme coule le long de sa joue. Satisfait de la peur qui émane de l’Ange, il se délecte de cet instant quelques secondes. Il serre son poing si fort que le sang ne met que quelques secondes à se déverser au creux de sa main. Il regarde Anedora comme un bout de viande, il lui sourit plus largement.

— Huuum… ta peur est si délicieuse…

Terrorisée, paralysée, elle ne peut ni bouger ni parler. Il ouvre alors doucement sa main et quelques gouttes de sang commencent à perler sur le visage d’Anedora. Elle comprend ce qu’il a en tête en un quart de seconde et sort de sa transe. Elle se cabre, hurle, secoue la tête pour ne pas que le sang l’atteigne, mais c’est peine perdue, il est trop fort. Il appuie son torse brûlant plus fort contre elle pour l’immobiliser et plaque sa main contre sa bouche. La terreur l’envahit de plus belle, elle sent le liquide chaud couler dans sa bouche, dans sa gorge, se répandre dans ses organes, dans tout son corps. Ses larmes redoublent puis il la lâche et disparaît aussi rapidement qu’il est apparu. Elle reste sur le sol, prostrée, le sang maculant sa robe blanche, les cheveux poisseux et collants, elle pleure toujours, elle sent maintenant le sang dans ses veines, il brûle. Puis elle ressent de la colère. Une colère qu’elle n’avait jamais éprouvée auparavant. Puis elle comprend. Elle comprend que le sang d’Uriah est du poison, qui la rongera et finira par la tuer, définitivement. Elle s’assoit difficilement, s’essuyant frénétiquement le visage, tentant de reprendre ses esprits. Elle est seule. Son côté ange a vite repris le dessus et la colère s’est évaporée aussi vite qu’elle est apparue, mais pour combien de temps ? Quelles en seraient les conséquences ? Sur elle ? Sur Julia ? Sur sa mission ? Tellement de questions se bousculent dans sa tête qu’elle a l’impression qu’elle va exploser. Elle prend une grande inspiration et tente de se calmer. Elle se lève, difficilement. Ses ailes se déploient et elle file à toute vitesse vers le ciel, le cœur lourd.

***

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