Chapitre 7 - Partie 1

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Julia

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Il faut que j’ouvre les yeux. J’ai dû rêver. C’est obligé. Comment tout ceci pourrait-être réel ? Je ne vois que ça ; j’ai dû m’assommer et je ne m’en souviens pas ou alors on m’a droguée. C’est ça, je suis droguée. Je ne suis la Clé de rien du tout, je ne partage mon âme avec personne et je n’ai pas de protecteur, là, dehors, assis sur un arbre en train de me surveiller. Bon, j’ouvre les yeux… En prenant mon courage à deux mains, j'extirpe difficilement mon corps du lit. Houla la la comme j’ai mal au dos. En soulevant le vieux T-shirt de Cheerleader du lycée qui me sert aujourd’hui de pyjama, j’ai tout le loisir de constater une immense et pourtant bien réelle ecchymose. Alors tout ça est vrai ? Il n’y a qu’une seule façon de le savoir. Je tire doucement le rideau de la fenêtre. Droite. Gauche. Personne. Pas d’homme dans l’arbre. Je devrai me sentir soulagée, tout ceci n’était peut-être pas réel… malgré tout, un sentiment d’insécurité m’envahit soudain. « Allez, il n’y a personne ». Direction la cuisine, je respire déjà la bonne odeur du café que ma gentille petite maman a préparé.

— Que fais-tu ici ?

— Ah. Tiens, bel accueil. Bonjour à toi aussi maman.

— Bonjour. Je veux dire, pourquoi n’es-tu pas chez Aby ?

— Ah… heu… et bien, je suis rentrée finalement.

— À quelle heure ?

— Minuit, peut-être un peu plus.

Attention, mon infirmière de maman met les poings sur ses hanches, elle n’est vraiment pas satisfaite.

— Je n’aime pas quand tu te promènes la nuit, seule. Pourquoi ne m’as-tu pas appelée ?

— Maman… je ne suis plus un bébé et Aby habite à 800 mètres à peine.

Sourire de maman… ouf… je suis sauvée.

— Appelle, la prochaine fois, s’il te plaît.

Je me contente d’acquiescer, mon dos me fait souffrir, j’ai mal à la tête et je suis exténuée, j’ai tellement mal dormi. Et comme si cela ne suffisait pas, ma chère mère enfonce le clou.

— Avale ton café et file prendre une douche, tu as une tête de déterrée ma fille.

Elle me pose sous le nez le Mug Minnie qu'Adaric m'a offert Noël dernier rempli de ma dose de caféine quotidienne, dépose les tartines grillées et beurrées avec tendresse dans une assiette qu’elle me tend. Petit baiser rapide sur le haut de mon crâne, et la voilà qui quitte la cuisine sans un mot de plus.

Concentrée sur une des tartines, j’essaie encore de rassembler les souvenirs de la soirée d’hier. Je me demande toujours si j’ai vraiment vécu ça. Ai-je réellement rencontré l’autre partie de moi ? Je caresse la tâche de naissance en demi-cœur sur mon épaule et me remémore le bonheur et la plénitude intenses que j’ai ressentis hier lorsqu’Anedora a posé sa main sur mon cœur. Je n’aurais pu inventer ce genre de sentiments. Suis-je véritablement devenue cinglée ? Et la sorcière, Davia qui ne doit pas être bien plus vieille que moi, et qui a confectionné ce beau talisman. Je le sors de sous mon T-shirt pour l’admirer. Cette pierre est magnifique. Est-il vraiment efficace ? Je ne saurais le dire tant que je ne me serai pas frottée aux êtres de la nuit, c’est ce qu’avaient dit les sorcières de South Mountain. Des sorcières à South Mountain, han, qui l’eût cru. Ma tête est à deux doigts d’exploser.

J’avale mon café et croque à contrecœur dans une tartine avant de rejoindre la salle de bains pour une douche bien méritée. Avec une lenteur très inhabituelle chez moi, je me déshabille et me glisse sous l’eau bouillante. De longues minutes passent où je laisse les bienfaits de l’eau chaude agir sur mon corps. J’adore prendre des douches chaudes, si chaudes que lorsque je sors de la douche, je suis accueillie par un nuage de vapeur. Je ne vois même pas mon reflet dans le miroir. De toute façon, je dois avoir une tête abominable. Je m'enroule dans une serviette et ouvre la porte laissant s’échapper la chaleur rassurante de la salle de bains. Je manque de lâcher la serviette en le voyant. Il est là. Pas de doute. Je ne rêve pas. Il y a un ange déchu assis sur mon lit. Mouvement de recul alors qu’il me regarde avec son sourire de tombeur. Ses yeux ne sont plus rouges comme hier, mais très sombres, sans réelle couleur, c’est très déstabilisant, car ils sont absolument magnifiques et envoûtants à la fois. Et son corps d’éphèbe que j’ai aperçu la veille est caché sous une belle chemise noire, ce qui le rend d’autant plus attirant. Si son visage est torturé et teint de rage, je peux facilement imaginer en observant la finesse de ses traits, la douceur qu’il devait dégager lorsqu’il était un ange.

Mais ça ne va pas de penser des choses comme ça ! Ressaisis-toi enfin ! C’est un monstre n’oublie pas ! Il a essayé de te tuer hier ! Paniquée, je suis prostrée. Je commence à bouger, mais avant même que je puisse faire quoi que ce soit, il fond sur moi en me plaquant contre la porte de la salle de bains. Il me terrorise autant qu’il m’attire. Son odeur est légèrement différente : la veille, celle du sang était dominante, à cet instant, je ne sens que la douceur du cèdre et de la terre qui s'enroule autour de moi comme un serpent enserre sa proie. Elle m'envoûte comme tout ce qui fait sa personne. Je me rappelle alors qu’Adelan a parlé de cette sorte de pouvoir qu’ont les anges déchus. Ils peuvent agir sur notre esprit et notre volonté. Il est à quelques centimètres de moi. Les yeux plongés dans les miens. Le voilà qui me détaille. Je sens mes joues rosir. Après tout, je suis nue, là, sous ma serviette. Il me caresse doucement l’épaule, j’ai les jambes qui tremblent, mais j’ai du mal à savoir si c’est la peur ou… autre chose.

— Qu’est-ce que vous me voulez ? J’arrive à articuler ces quelques mots bien que mon cœur soit au bord de l’arrêt total, j’entends presque le son du moniteur cardiaque faire biiiiiiiip comme dans les films.

— Te parler.

— Je n’ai rien à vous dire.

Il me sourit. Je sais que je ne devrais pas penser ça, mais son sourire est à tomber par terre. Je sens alors une chaleur inhabituelle provenant du pendentif, je réfléchis à toute vitesse. Il doit être en train d’essayer de me soumettre, le talisman doit fonctionner et aspirer sa magie. Il faut que je sois très prudente, s’il le découvre, je suis morte.

— C’est étrange…

— Qu… quoi ?

— Je te sens prête à te soumettre, mais… je ressens aussi ta frayeur. Et c’est ce qui est étrange étant donné que dans la soumission totale tu ne devrais pas avoir peur.

— Je… je ne sais pas quoi vous dire…

En posant la main sur son torse, je sens une torpeur inédite s’emparer de moi. Mais qu’est-ce qui me prend ? Je suis folle ! Pourquoi est-ce que je fais ça ? Il observe ma main puis l’enlève de sa poitrine pour la renifler tel un animal.

— Vraiment étrange… finit-il par dire. Ce doit être dû à ta particularité, après tout tu es la Clé.

— Oui.

Pourquoi je dis oui, il le sait, il vient de le dire ! Il me perturbe tellement avec son regard charmeur, son sourire parfait et son corps d’athlète si près du mien que je perds tous mes moyens.

— Habille-toi ! me lance-t-il subitement en retournant s’asseoir sur mon lit.

Je l’observe. Je ne sais pas quoi faire.

— Serais-tu sourde ?

— Non.

— Alors, habille-toi, il hausse le ton.

Je fonce dans mon dressing, j’ai les jambes qui tremblent, je serre la serviette si fort contre moi que j’en ai mal aux mains. Je prie pour qu’il n’ait pas vu le talisman de Davia. Je prends la première robe qui me tombe sous la main. Une robe blanche à fleurs bleues avec de fines bretelles. Je l’enfile à toute vitesse. Je ramène mes cheveux en bataille sur le dessus de ma tête, toujours tremblante et je cache le pendentif au creux de ma poitrine. Quand je sors lentement, il est toujours là.

— Jolie.

C’est la deuxième fois qu’il me dit que je suis jolie « non non non ne pense pas à ça, c’est un monstre, c’est un monstre, c’est un monstre » je me répète comme un mantra.

— Où est ta petite troupe ? me demande-t-il soudain.

— Pardon ?

— Cette sorcière. Un éclair passe dans ses yeux au souvenir de son tête-à-tête de la veille avec Davia. Et ce cher Adelan, pourquoi ne l’ai-je pas trouvé devant ta porte en bon petit chien de garde ?

— Je ne sais pas.

— Tu mens.

De nouveau, il fond sur moi, mais il ne me touche pas, cela n’empêche que je sursaute en laissant échapper un léger couinement.

— Non. Je vous assure. Il était là hier soir quand je me suis couchée et ce matin, il n’y était plus.

C’est la stricte vérité.

— Admettons, conclut-il en hochant la tête, puis, comme si tout cela n’était qu’un détail sans importance, nouvelle question.

— Je t’impressionne toujours autant ?

— Oui.

— C’est vraiment curieux… il s’éloigne, me dévisage encore, mais qu’est-ce qu’il cherche à la fin ? Ce petit jeu commence à devenir épuisant.

— Es-tu vierge ?

— Pardon ? Je m’offusque, en quoi ça le regarde !

— Répond.

Je vois dans son regard que j’ai peut-être fait une erreur en répondant avec autant de véhémence. Je me radoucis donc un peu.

— Oui… Je réponds si bas que je ne suis même pas sûre qu’il m’ait entendu.

— Alors on va « vraiment » devenir amis mon ange...

Il insiste tant sur le vraiment que je commence réellement à paniquer. Que serait-il capable de me faire ? Je retiens mes larmes, je tiens bon, je joue la soumise en espérant qu’il va partir sans me faire de mal, mais il me fixe, je sens son regard brûlant entrer en moi, on dirait qu’il sonde mon âme. Je suis à deux doigts de craquer quand une ombre noire commence à envahir la chambre, s’enroulant autour de lui.

— J’allais oublier !

Il me lance un objet que je rattrape de justesse. Mon téléphone portable.

— Tu as perdu ça hier soir.

L’ombre se transforme en fumée, il me fait un clin d’œil et il disparaît.

Je recommence à respirer normalement et je tombe au sol en larmes. Je suis désemparée, apeurée et surtout seule. Je pleure sans m’arrêter, je ne sais pas quoi faire, l’unique chose qui me vient à l’esprit à cette seconde, c’est de l’appeler.

— Anedora…

***

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