2.

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L'air était suffocant. Elle se réveilla en sursaut, les poumons pleins et la gorge sèche. Autour d'elle un épais brouillard s'était formé. Les murs de la chambre l'emprisonnaient au milieu de la chaleur moite.

"Maman ! Maman !" essayait-elle d'articuler, entre deux quintes de toux.

Son esprit était embué, tout comme le reste de la maison. Ses yeux cherchaient la porte dans le noir, mais la fenêtre sur le côté semblait être la seule issue possible. Elle commençait à manquer d'air. Il fallait se lever, coûte que coûte. Il fallait sortir. Vite. Ses pieds se dégagèrent lourdement des draps et se posèrent péniblement sur le parquet.

Elle réprima un cri. Le sol était bouillant. Il était impossible d'y tenir debout. La panique commençait peu à peu à se diffuser dans tout son corps, paralysant ses pensées. Sortir, c'était le seul mot que son esprit lui martelait. Tandis que les flammes continuaient à se propager dans les pièces avoisinantes, et dans un élan d'ultime courage, elle tenta à nouveau de se lever, bravant le sol de lave.

Sortir. Survivre. Vivre.

Et Maman, où était-elle ? Avait-elle réussi à s'échapper à temps ? La chambre de ses parents était attenante à la sienne et pourtant, aucun bruit autre que les craquements du bois brûlé ne lui parvenait. Papa n'était pas là, heureusement. Un voyage d'affaires le retenait loin de cette fournaise qu'était devenu leur maison.

Un vertige s'empara d'elle. Des étoiles obscurcissaient peu à peu son champ de vision, effaçant les lignes de sa chambre, engloutissant avec elles la rangée de poupées trônant religieusement sur la vieille commode. Des moments de joie, elle en avait connu ici. Les murs qui aujourd'hui s'embrasaient avait été les témoins silencieux de ses rires lorsqu'elle et Paulin jouaient ensemble à cache-cache, utilisant souvent ce petit recoin sombre entre la commode et la fenêtre comme cachette. Ils avaient aussi abrité ses rêves, ceux d'une petite fille avide de découvrir le monde, d'en connaître toutes les couleurs et les parfums.

Que resterait-il de tout ça après ? Juste des souvenirs. Et d'autres qui se seraient envolés avec la fumée. Plus rien ne serait pareil.

Encore fallait-il pouvoir trouver une issue à cette situation. Prisonnière des flammes, elle titubait en tentant d'atteindre la porte. Elle parvint à tourner une poignée, mais pas celle qu'elle espérait. La fenêtre aux carreaux noircis s'ouvrit dans un grincement sinistre, laissant échapper un fantôme de brume sombre. L'air frais de la nuit lui offrit enfin un semblant de souffle.

"Elle est là ! Mon Dieu, elle est là !"

Des voix lui parvinrent de l'extérieur. A travers la brume, elle reconnut la silhouette de sa mère, qui agitait ses bras dans sa direction. D'autres silhouettes l'entouraient, probablement pour être aux premières loges de ce drame épouvantable. A tous les coups, l'évènement occuperait les discussions des voisins et des alentours pendant quelques temps. Certains diraient que c'était la faute de la bonne : à trop batifoler avec le fils du gardien, elle n'aurait pas prêté suffisamment attention aux flammes de la cheminée. D'autres affirmeraient que tout cela était écrit, que le Tout Puissant en avait décidé ainsi.

Chance ou malchance, destinée ou maladresse : leur si belle maison était désormais un brasier qui la retenait prisonnière.

"Il faut faire quelque chose ! S'il-vous-plaît, allez chercher ma fille !"

- Maman ! Maman !..."

Mais sa voix semblait se fondre dans les craquements du bois, étouffant ses supplications entre deux quintes de toux incontrôlables.

"Lison ! Lison, reste où tu es, on va venir te chercher ma chérie ! Lison, tu m'entends ?! LISON !"

Son corps devint lourd. Tellement lourd. Des petites tâches, semblables à des milliers d'étoiles envahirent son champ de vision. Sa main lâcha doucement la poignée de la porte et elle recula, en proie à une vague intense de frissons.

Elle se sentit aspirée par une force irrésistible qui l'attirait vers le sol et l'obscurité. Lorsque sa tête se posa sur le parquet bouillant, elle ne ressentait plus rien, si ce n'est une agréable sensation de bien-être qui se diffusait dans toute sa chair.  

Dehors, sa mère continuait sûrement d'implorer de l'aide.

Et soudain, dans un terrifiant craquement, les murs tremblèrent puis s'abattirent sur elle, emportant avec eux son petit corps désormais sans vie.

Nul·le ne saurait dire si la fragile lueur qu'on aperçut alors provenait des flammes qui léchaient la façade décharnée de la bâtisse, ou bien son âme qui s'envolait vers un ailleurs paisible et sans cris... 

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