3.

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Lila se réveilla en sursaut. Ses draps étaient trempés de sueur et son coeur tambourinait dans sa poitirine, en proie à une frayeur incontrôlable. Ce cauchemar était d'un réalisme terrifiant. Ses doigts tatonnèrent fébrilement dans l'obscurité, à la recherche de sa petite lampe de chevet qu'elle s'empressa d'allumer. Elle soupira. Autour d'elle, rien n'avait bougé. Pas de flammes ni de cris, juste le battement de son coeur qu'elle ne parvenait pas à calmer.

Elle s'était vue mourir. Sa respiration était encore hâchée, son esprit embué par la panique. Elle fut prise d'une forte nausée et la chambre sembla onduler alors que ses pensées s'agitaient et lui ordonnaient de prendre la fuite. Les murs étaient à nouveau consumés par les flammes. Elle bascula en arrière, le souffle coupé.

Elle allait s'évanouir, c'était sûr.

Alors elle se mit à gémir, implorant quelqu'un de venir la secourir, la réveiller une bonne fois pour toutes de ce cauchemar. Paralysée par sa peur, Lila n'avait plus que sa voix pour faire résonner sa détresse hors des murs de sa chambre.

Alertée par les cris, sa mère surgit enfin et se précipita à son chevet.

"Lila ! Lila, que'est-ce qui se passe ?!

- Maman, maman, s'il-te-plaît, aide-moi !"

Son visage était baigné de larmes, figé dans un instant de terreur.

"Tout va bien Lila, tout va bien... Regarde-moi ma puce, tout va bien."

Tandis que sa mère la berçait tout contre elle pour la calmer, Lila reprit peu à peu un souffle régulier. Ce n'était qu'un cauchemar. Un fichu cauchemar. Tout ça n'était pas réel. Pas réel.

"Maman, manan, c'était horrible...

- Chhh... Tout va bien. Ce n'était qu'un affreux cauchemar. Rendors-toi, mon ange, je suis là.

- Tu peux rester un peu près de moi, s'il-te-plaît ?

- Oui, ne t'en fais pas. Allez, couche-toi, ferme tes yeux, tout va bien. Tout va bien."

Soulagée, Lila se laissa enfin aller dans ses bras, espérant ne pas éprouver de nouveau ces terrifiantes sensations.

Lorsqu'elle descendit pour déjeuner ce matin-là, elle surprit ses parents discutant dans le salon.

"Elle a fait une attaque de panique cette nuit, Paul. Je pense qu'il faudrait l'emmener voir quelqu'un.

- Elle doit être juste un peu stressée en ce moment, j'vois pas ce qui t'inquiète comme ça. J'irai pas payer un de ces charlatans la peau du cul pour m'entendre dire que ma fille est stressée.

- T'as encore rien compris. Si tu passais pas ton temps à regarder ton foutu nombril, tu verrais que notre fille est malheureuse ! Mais c'est comme tout, t'en as rien à foutre !

- Viens pas encore me faire chier avec ça !"

Les éclats de voix firent reculer la fillette. Elle s'éclipsa sans bruit, attrapa son cartable et se faufila par la porte de service. Elle irait prendre son petit-déjeuner à la boulangerie.

Tout fonctionnait de cette manière entre ses parents désormais. Ils n'étaient plus capables de s'écouter, ni même de se parler correctement. Le moindre sujet était propice à un règlement de comptes, parfois en faisant voltiger ce qu'ils avaient sous la main. Lila se souvenait de cette fois où le reste d'un morceau de fromage avait traversé la cuisine alors que son père venait une nouvelle fois de rentrer plus tard que prévu.

Elle prit le chemin de l'école seule, se hâtant de laisser derrière elle l'oppressante haine que ses parents se vouaient l'un l'autre. De toute façon, elle était en avance. Encore quelques rues et c'était un cauchemar qu'elle connaissait bien qui allait reprendre vie, comme tous les jours. Elle songea à celui de cette nuit, à cette étrange impression de déjà-vu et surtout à cette sensation de réalité qui l'avait plongée dans un intense état de panique.

Elle n'avait jamais ressenti ça auparavant. Peut-être que son père avait raison. Elle était simplement stressée, et tout irait mieux bientôt. Mais quand ? Allait-elle vivre ce cauchemar toutes les nuits ?

Des voix devant elle l'extirpèrent de ses pensées. Elle reconnut Thibaud et ses copains, ses principaux bourreaux. Ils entouraient un autre jeune garçon qui semblait être une de leurs nouvelles victimes.

"Bah alors le bigleux, tu dis plus rien, hein ?! T'as peur ou quoi ?!

- T'es une mauviette ! Tu joues avec les filles, t'es un pédé !"

Le garçon tentait d'étouffer ses pleurs derrière son sac à dos. Ils s'amusaient à le bousculer, à le balancer de l'un à l'autre. L'un d'eux lui arracha ses lunettes et les jeta à terre, brisant les verres en mille morceaux.

"Mes lunettes... S'il-vous-plaît..., implorait-il maintenant à genoux, ses mains tremblantes agrippant son sac de toutes ses forces, ultime barrière face à ces brutes.

- Eh tu vois plus rien maintenant ! T'es bigleux comme une taupe !"

Ils ricanaient, se délectant de la détresse et de la faiblesse de leur cible. Lila ne supportait plus ce spectacle. Lorsque Thibaud saisit le sac du garçon pour lui assener un coup de pied dans l'estomac, elle fonça droit sur lui et envoya son poing sur sa joue. Le coup le fit basculer en arrière et il atterrit sur le sol, le regard hagard.

Lila ramassa les lunettes du jeune garçon, puis saisit sa main pour l'aider à se relever. Les deux acolytes de Thibaud se dressèrent devant eux.

"Alors comme ça, tu cherches la bagarre Lila-nuche ? Tu te prends pour un garçon, la grosse moche ? C'est ce qu'on va voir, espèce de truie !"

La fillette attrapa la main du garçon et hurla "COURS !" avant de l'entraîner dans sa course. Ils détalèrent, à la recherche d'un refuge désespéré. Les trois brutes étaient à leur trousse, prêts à déverser leur rage sur eux. Mais la peur leur avait donné des ailes, l'adrénaline leur soufflant une endurance nouvelle.

Le jeune garçon cria "Là !" en désignant un vieux portail rouillé, à moitié caché par la végétation, sur leur gauche. Lila poussa le loquet de toutes ses forces et se fraya un chemin à travers les ronces.

"Viens, vite !"

Ils atteignirent le perron d'une bâtisse recouverte par le lierre. La porte semblait condamnée par des morceaux de bois sur lesquels étaient dessinés de multiples têtes de mort. L'endroit paraissait peu accueillant mais là, c'était une urgence. Il fallait faire vite, car déjà ils entendaient les pas de leurs poursuivants.

"On peut pas rentrer, on est fichus !

- Attends, la fenêtre, là ! Elle est cassée !"

Lila aida le garçon à se faufiler à l'intérieur et le rejoignit aussitôt, alors que Thibaud et ses acolytes passèrent devant la maison sans les voir. Ils n'entendirent bientôt plus que des échos et le son de leurs coeurs apeurés. Lila respira enfin. Ils les avaient semés. Ses yeux s'habituaient à la pénombre, révélant les formes autour d'eux. La pièce était vide, à l'exception d'une malle, qui semblait être là depuis des siècles. Elle était ouverte mais son contenu était absent, sûrement pillé depuis longtemps. Les murs aux papiers peints arrachés étaient griffés de mots et de dessins tracés au feutre ou à la bombe.

Le sol était jonché de papiers, d'emballages de nourriture et de débris divers. A l'évidence, d'autres avaient élu domicile ici autrefois. Lila se tourna vers le jeune garçon qui semblait pétrifié.

"Eh, tout va bien ?

- N-non...

- Qu'est-ce qui t'arrive ?

- C-C'est la maison... La maison hantée."

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