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Un Mök plus tard

 *Liam*

 Le feu... Tout autour de moi. Partout, des flammes. Elles me brûlent la peau, les rétines. À l'image d'une mixture de sorcière telles que les contes les dépeignent aux enfants, de petites vésicules se forment à la surface de ma chair avant d'exploser comme des bulles de savon. À la différence que les bulles de savon ne procurent pas une douleur atroce en se perçant.

Fafnir ! Fafnir !!!

Un corps me tombe dans les bras, un corps que je n'ai trop souvent soutenu quand l'alcool le clouait au sol : celui de ma mère.

Indicible malheur !

Une partie de son visage est entièrement ravagée par les bras vengeurs de la fournaise autour de nous, et l'autre ne vaut guère mieux.

Agonisante, je la maintiens de mon mieux contre mon torse, mais le simple contact de ma respiration semble la faire souffrir. Retenant mon souffle, je ne peux qu'observer avec horreur le rouge qui s'écoule de ses blessures.

Son sang me lèche les coudes. Mes torts, eux, lapent ma souffrance, s'en repaissent.

Ta faute... tout... de ta faute... chuchote-t-elle entre deux toux chargées de glaire ensanglantée.

Non... non ! Ce... ce n'était pas de ma faute ! Ce n'était pas de ma faute !!! je m'écrie.

⸺ Bien-sûr que c'est de ta faute.

 Quelque chose se brise en moi, mon sang se glace.

Je me retourne.

Il est là. Encore. Il n'est jamais parti. Le seul à ne m'avoir jamais abandonné, envers et contre tout. Mon sentiment de culpabilité. Ses ailes vermeilles balaient l'air aux alentours, repoussent les flammes qui nous entourent.

⸺ Pourquoi le cacher ? Tu sais que c'est la vérité.

N-non.

⸺ Tu le sais au plus profond de toi. Inutile de te défiler. C'est à cause de toi qu'ils sont tous morts.

C'est faux.

⸺ Si tu ne t'étais pas aventuré aussi loin, il y a quatorze Möks...

Arrête !

Je me bouche les oreilles ; en vain : sa voix résonne dans ma tête, se répercute sur les parois de mon crâne comme un écho dans une caverne. Tel un virus, son venin gangrène ma raison, il l'embourbe dans son marais de crasse et d'émotions négatives. Bout par bout, il sape ma vie, ma santé mentale.

⸺ Déjà, à quatre Möks, tu étais un fauteur de troubles, un trublion...

Il prend son temps, il savoure.

⸺ Mais, cette fois-là, tu avais dépassé toutes tes limites. Au sens propre, comme au figuré...

Tais-toi !

⸺ Souviens-toi... notre première rencontre.

Fous-moi la paix !

⸺ Tu es responsable de leur mort, comme l'a été ton père de tant d'autres...

Ne me compare pas à lui !!!

Tu ne pourras pas fuir éternellement, Liam Walk.

Mon souffle se bloque dans ma gorge, je peine à respirer.

Ses ultimes mots d'adieux me tétanisent :

⸺ Où que tu sois... je te retrouverais.

 Le monstre disparaît, transformé en une statue de sable ocre qui s'effrite au gré du vent.

Un amoncellement de cadavres trône à sa place.

Je m'approche.

Je ne veux pas le faire.

J'ai peur.

Peur de ce qui m'attend. De ce que je sais qui va arriver. De ce que je vais apercevoir.

Je ne veux pas le faire. Mais mon corps ne me répond plus.

Tout en haut de la pile ; ma mère. Ma mère !

Ses brûlures se sont effacées, remplacées par une plaie béate au niveau de la poitrine et de profondes lacérations sur l'entièreté de sa personne. L'un de ses orbites est vide, sans fond.

Ba-dump. Ba-dump ba-dump ba-dumpbadumpbadump.

Je plante mes phalanges à l'intérieur de mon palais pour éviter de tout régurgiter, mais la bile est plus forte que moi : je rends rapidement tout ce que mon estomac peut contenir.

Tout, des cadavres jusqu'à l'odeur du vent, tout m'écœure. Je suis à bout.

Quand je relève le menton, la montagne a grandi. Parmi les pierres qui la composent, je reconnais quelques connaissances d'Arkën Soa, mais aussi Mélisande, Ashe, Hana... et, plus haut, juste à côté de ma mère ; Fafnir.

Fafnir ? Non, non... Pas Fafnir. PAS FAFNIR !!!

⸺ Liam !

 Je croyais avoir tout rendu, tout à l'heure. Force est de constater que ce n'est pas le cas : une nouvelle remontée me plie en deux. Je prends appuis sur le tas de macchabées, la crache, la vomis de toute ma volonté pour me débarrasser de ces relents amers qui me montent au cerveau.

Mais le goût reste. L'immonde, abominable senteur s'accroche à mon palais.

Une main m'agrippe le poignet. Je remonte à toute vitesse le bras qui relie cette main à une épaule décharnée, m'aperçois que sa propriétaire n'est autre que ma génitrice, qui me scrute tristement de son unique œil valide.

Puis la tristesse tourne à la rage.

Ta faute, gargouille-t-elle d'une voix rauque.

Je tente de me dégager, mais sa poigne est de fer.

⸺ Liam !

 Brusquement, les autres charognes se réveillent. À leur tour, ils tendent leurs bras vers moi, susurrant dans une litanie funèbre :

Ta faute... ta faute...

L'un d'eux s'empare d'un pan de ma tunique. Le déchire.

⸺ Liam ! Liam !

 Abandonnant le lambeau de tissu, le mort repart en quête d'un morceau plus intéressant. Un autre m'arrache une touffe de cheveux.

⸺ Liam, réveille-toi !

 Mon corps est désormais enseveli sous la marée de cadavres, je suis au centre de la pyramide. Ils me tirent, me pincent, me frappent, me mordent.

⸺ Ce n'est qu'un rêve, ce n'est pas réel ! Ce n'est pas réel !!!

 Je hurle.

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