Acte 1 - Scène 5

JULIETTE

Toujours assise près du feu. Elle garde son visage tourné vers les flammes tout en parlant.

JULIETTE (au public) - Vous savez humains, ce n'est pas si simple pour nous de veiller sur vous. Je n'ai jamais cessé d'espérer que ce cycle s'arrête. Vos tourments, vos lamentations, vos pleurs, je les écoute tous les jours. Je ne suis pour vous que la redoutable déchéance, l'immonde décrépitude du corps et de l'esprit. Je vous observe, attendant que la Jeunesse vous abandonne à moi. Et pourtant, rien ne m'enchante, croyez-le ou non.

Elle s'arrête de parler. Juliette se lève de sa chaise avec son corps tremblant pour se tourner vers le public

JULIETTE (au public) - Voyez mon corps. Voyez comment je suis ! J'ai l'apparence d'une vieille femme prête à rendre l'âme. Pourtant moi je reste là, éternellement, à vous transmettre mon pitoyable état. Marianne se plaint de ne pas avoir assez de temps en votre compagnie, que Neo et moi nous vous volons à elle. Elle ose rechigner alors qu'elle joue le plus beaux des rôles. Si j'étais à sa place je...

Ses paroles se taisent. Elle porte la main à son visage pour le gratter rageusement. 

JULIETTE reprend le visage baissé (au public) - Je ne le suis pas et je ne le serais jamais. Je l'ai accepté il y a bien longtemps, je n'ai pas besoin de revenir sur cette question. J'ai décidé de l'aider en lui donnant ce qu'elle voulait. Mon acte peut être justifié par mon besoin d'amusement. Que voulez-vous, c'est ça quand on est sénile.

Lève soudainement un bras.

JULIETTE (au public) - Mais prenez garde humains. Ne vous laissez pas avoir par les promesses de la Jeunesse. L'homme possédant la vie éternelle n'existe pas pour une bonne raison...Méfiez-vous d'elle. Oui, méfiez-vous de celle qui n'arrivera jamais à vous comprendre.