Vidange de luxe

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Quand je suis arrivé devant l’hôtel particulier où se déroulait la soirée, la Ducati était déjà là. Après avoir passé le contrôle du mastar à l’entrée, déposé mon casque au vestiaire et louvoyé entre des visages vaguement familiers, j’ai retrouvé Benjamin au bar. Il discutait avec un type à la longue barbe grise. Un photographe, je crois. Lorsqu’il m’a vu, Ben a levé la main et replié trois doigts pour ne garder que le V de Barry Sheene. Un truc de motard, auquel j’ai répondu avec un grand sourire. Le photographe a trouvé une excuse afin de s’éclipser, et j’ai cogné avec mon vieil ami une première coupe de champagne. Puis une seconde, et une troisième. Nous discutions de tout et de rien, surtout de bécanes et de bitume, tout en nous gavant de brioches apéritives, feuilletés et autres verrines aux recettes improbables. Régulièrement, un ou une commensale venait nous tenir compagnie, dans le but de partager quelques minutes et un verre.

Arriva le moment fatidique de faire la vidange, aussi j’ai laissé Ben et me suis lancé à la recherche des toilettes. J’ai zigzagué, un peu éméché, entre les invités. J’ai serré la main d’un scénariste anglais et claqué la bise à une jeune actrice au visage de poupée en porcelaine. J’ai discuté avec une secrétaire de production qui ne manqua pas de raviver une envie sourde et à moitié avouée de retourner sur un tournage. J’ai salué et félicité notre hôte, qui a fait semblant de me connaître. Après avoir attrapé une autre coupe de champagne sur un plateau qui circulait entre les convives, et pris à partie un compositeur reconnu et un agent artistique aux lunettes extravagantes qui n’avaient rien demandé, j’ai entamé une longue diatribe sur l’industrie du disque, rechignant toujours à s’adapter aux nouveaux modes de consommation de la musique. Avant de me ridiculiser davantage, ma vessie m’a rappelé l’urgence et je suis retourné en quête des vatères que je trouvais, enfin, à l’étage.

J’ai fermé le verrou et tout de suite, je m’y suis senti bien. Au-dessus du cabinet m’attendait une belle et grande fenêtre au vitrage opaque. Comme je pissais m’est venue l’idée de l’ouvrir en grand et de fumer une cigarette. C’était évident, dans l’ordre des choses : la configuration était parfaite. J’hésitais malgré tout. Alors que je cherchais des yeux le papier afin de terminer mon affaire, j’ai découvert sur une desserte étroite de bois sombre un cendrier et juste à côté, une boîte d’allumettes. Plus de doute, j’étais cordialement invité à en griller une petite. J’ai tiré la chasse, baissé l’abattant, ouvert en grand la fenêtre qui donnait sur une cour intérieure, et me suis installé. Dehors gazouillaient quelques oiseaux. De derrière la porte montait faiblement le brouhaha des convives.

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