Chapitre 1

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(Suite aux diverses annotations pertinantes, j'ai refait le premier chapitre que je vous présente !)

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Les étoiles scintillaient dans une étendue noire que rien n’obstruait. Connor pénétra dans la forêt sans un bruit. Les herbes et le feuillage des arbres bruissaient au rythme de la brise, accompagnés par le hululement de quelques chouettes. Loin de craindre la nuit, le jeune homme se sentait dans son élément. Aussi étrange que cela ait pu paraître, l’obscurité était son allié. Il voyait dans le noir bien mieux que la plupart des gens. Nul besoin des lunes pour guider ses pas.

Prenant garde de ne pas faire craquer les branches, il marchait souplement, attentif au moindre son. La discrétion était sans doute sa plus grande qualité. Ses yeux verts fouillaient les environs, comme si rien ne pouvait leur échapper. La nature recelait d'indices pour qui savait les lire.

Il s'accroupit et toucha les empreintes d'une biche dans la terre. Il n'aimait pas la chasse, mais n'avait pas d'autres choix pour se nourrir. Depuis la mort de ses parents, lui et son frère, Faran, devaient travailler très dur pour gagner leur vie. Ce dernier était apothicaire et n’avait pas de temps à consacrer à l’exploitation agricole familiale. Ne pouvant s’en occuper seul, Connor avait été contraint de la vendre. Cela lui avait permis de se construire une petite maison à l'écart de la ville. Il faisait des petits travaux en fonction des besoins des habitants, et quand les revenus ne suffisaient pas à acheter des provisions, la chasse s'imposait. Quant à son frère, il préférait vivre à l'étage de sa boutique.

Alors qu'il se remettait en route, le jeune homme faillit trébucher sur une racine qui émergeait du sol. Comme souvent, il évita le piège de justesse. Cela faisait partie des phénomènes qu’il ne pouvait expliquer. Il avait l'impression d'anticiper, de sentir venir les évènements, ou du moins, quelque chose en lui les sentait et le prévenait. Le prendre par surprise était compliqué, il évitait instinctivement les attaques. Son frère prétendait qu'il maîtrisait une forme de magie, bien que Connor affirmât avoir seulement une meilleure réactivité que les autres.

Connor s'arrêta lorsqu'il entendit des sifflements derrière lui, mélodieux et envoûtants, bien différents de ceux des humains et des oiseaux. Une créature volait vers lui. Une femme, à peine plus petite que sa main !

Elle était toute fine, avec de longs cheveux couleur encre qui qui tombaient en cascade dans son dos. Elle portait une robe éclatante de couleurs qui faisait ressortir la blancheur de sa peau de satin. Ses ailes de libellule battaient frénétiquement l'air dans un bourdonnement doux et apaisant. La fée commença alors par taquiner Connor, et il ne put rien faire pour l'arrêter. Elles étaient de loin les créatures les plus têtues qui puissent exister, des êtres qui ne pensaient qu'à s'amuser.

– Il'ika, ça suffit, tu vas nous faire repérer ! souffla-t-il en l'attrapant enfin dans sa main.

La petite femme lui adressa un sourire narquois avant de le laisser tranquille. Elle reprit sa propre route dans un ballet aérien, à la recherche d’autres êtres vivants à embêter. Sa capacité à voir des choses microscopiques faisait qu’elle ne s’ennuyait jamais.

Connor la connaissait depuis qu’il était enfant. Faran l'avait trouvée à moitié morte dans la forêt, attaquée par un puma, et il n'avait pas hésité une seule seconde à la ramener chez lui. Malgré son jeune âge, il l'avait soignée avec beaucoup de patience et de méticulosité. Personne, hormis son frère, ne l’avait su. Prise d'une adoration sans limites pour son jeune sauveur, la fée ne l’avait plus quitté depuis.

Connor ne mit pas longtemps à retrouver sa proie. Elle broutait en bas d'une pente, calme et insouciante. Sans un bruit, il fit un large détour pour se retrouver face au vent. Quand il fut en place, il attrapa son arc et encocha une flèche. Concentré, il ne voyait que la biche qui ne se doutait pas de sa présence. Il prit de grandes inspirations pour se détendre et ne songea qu'à sa cible.

Soudain, l’animal dressa la tête, paniqué, et détala dans une course folle. Le chasseur abaissa son arme, surpris, et jeta à un coup d’œil aux alentours.

Cette fuite n’était pas de son fait.

Il réalisa alors qu'un silence de mort régnait sur la forêt. La brise était devenue glaciale et les deux lunes s'étaient réfugiées derrière les nuages. Le jeune homme dut plisser les yeux pour distinguer ce qui l'entourait. Sa flèche toujours encochée, il fit lentement un tour sur lui-même. Il chercha Il'ika du regard, en vain. Il aurait voulu l'appeler, mais n'osa ouvrir la bouche, de peur d'être repéré. Par quoi ? Il n'en savait rien. Quelque chose n'allait pas. Que tous les animaux se soient tus n'était pas normal.

Il s’aplatit doucement dans l'herbe et observa autour de lui. Il sentit alors une présence, non loin de lui, une présence qui lui glaça le sang. Quand une branche craqua dans son dos, il fit volte-face, prêt à décocher. Ce n'était qu'une belette qui se réfugiait dans un terrier. Le silence l'oppressait.

Le jeune homme se sentit soudain faible et vulnérable, livré à lui-même. Sa respiration ne lui avait jamais paru aussi bruyante. Ce n'était pas son genre de céder brusquement à la panique, il n'avait pas souvent peur et savait se défendre. Peut-être n'était-ce que l'inquiétude, mais Connor avait cette désagréable impression d'être épié, et qu'on s'approchait, lentement, silencieusement...

Il'ika apparut précipitamment, désespérée. Sa présence parvint à chasser cette étrange sensation de panique qui l'avait pris, sans qu'il comprenne pourquoi.

La fée attrapa le col de son gilet et tira de toutes ses forces, effrayée au plus haut point. Elle tournait frénétiquement la tête dans tous les sens comme si elle était poursuivie. La peur l'avait rendue livide. Et une fée était difficile à impressionner...

– Quoi ? Qu'as-tu vu, mon amie ?

La petite femme siffla d’une telle façon que même un homme incapable de comprendre sa langue pouvait deviner qu'elle voulait fuir quelque chose qui la terrorisait. Connor l'emprisonna dans ses mains pour la forcer à se calmer.

– Dis-moi ce que tu as vu !

Un hurlement déchira le silence. Le jeune homme tressaillit, son sang se glaça d'effroi. De sa vie, jamais il n'avait entendu quelque chose d’aussi terrifiant. Ce cri n'appartenait à aucun animal de sa connaissance. Son cœur s'accéléra. La forêt lui parut alors encore plus sombre et oppressantes.

– Qu'est-ce que... Il'ika, tu as vu cette chose ? souffla-t-il.

La fée hocha vivement la tête, et tira de nouveau le col de son ami.

– Est-ce qu'elle vient par ici ?

Il'ika ne voulut pas répondre, la seule chose qui comptait était de fuir le plus vite possible. Bien que tiraillé entre peur et curiosité, Connor décida qu’il était de son devoir d’en apprendre plus sur cette créature pour alerter son village.

Il ignora les protestations de la fée et partit au pas de course sans se retourner. Mais quand un deuxième rugissement déchira le silence, un frisson remonta le long de son dos. Il eut un moment d'hésitation, à ne pas savoir s’il devait continuer ou fuir à toutes jambes cet endroit de malheur.

Alors qu'il s'apprêtait à rebrousser chemin, il entendit un autre cri, plus faible, plus étouffé. Celui d'une femme !

Si quelqu'un était en danger, Connor devait prendre son courage à deux mains et l'aider malgré les risques encourus. Il repartit donc à vive allure.

Quand il arriva face à un talus de pierres, il s'empressa de l'escalader. Il s’aplatit brusquement par terre alors qu’il atteignait le sommet, et retint de justesse un cri de stupeur.

Se redressant suffisamment pour pouvoir observer en contrebas sans se faire repérer, il observa ce qui avait tant terrorisé Il’ika. Une créature, d’à peu près la taille d’un cheval, semblable à un dragon sans ailes. Deux larges cornes ornaient son crâne reptilien. De puissants muscles saillaient sous ses écailles, et chaque mouvement les faisait rouler de façon inquiétante. Elle possédait des griffes aussi longues et larges que des couteaux de bouchers, des crocs luisants, tout aussi tranchants, et une queue hérissée d'épines qui fouettait bruyamment l'air. Mais ce n'était pas uniquement la physionomie de la créature qui suscitait tant de peur. Malgré une stature fière et majestueuse, son aura était écrasante, terrifiante ! C'était comme se retrouver face à la mort en personne. Connor était affolé dès qu'il posait les yeux sur ce monstre, alors que ce dernier ne l’avait même pas remarqué.

Il détourna rapidement le regard de la bête pour se calmer, et oublia presque sa présence quand il vit la femme.

Fière et droite, une dague dans chaque main, la femme incarnait la beauté, la grâce et la combativité. Elle semblait cependant à bout de force, et ne tarderait pas à succomber malgré sa détermination. Sa robe n'était plus que haillons qui laissait entrevoir son corps meurtri. Elle était tellement éclaboussée de sang de la tête aux pieds qu’il était difficile de savoir si elle avait les cheveux blonds ou rouges de nature.

Quelque chose pulsa alors en Connor, désireuse de se lier à la femme. Il sut alors ce qu’il devait faire.

Le jeune homme lutta contre l’envie dévorante de fuir, encocha une flèche et se redressa pour viser. Lorsqu’il décocha, elle émit un sifflement qui attira l’attention de la créature qui rugit de plus belle. Connor se décomposa lorsque sa flèche rebondit sur ses écailles sans lui infliger une égratignure.

La femme pivota vers lui et bien qu’à bonne distance, il sentit son regard le transpercer.

– Espèce de fou ! Va-t’en vite d'ici !

Malgré la fermeté de sa voix, Connor ignora son invective et encocha une seconde flèche. Il était hors de question de l’abandonner à son sort, il comptait bien se battre jusqu’au bout. À la recherche d’un point faible, il visa machinalement l’œil. Au moment où ses doigts allaient lâcher la corde, il croisa à nouveau le regard insistant de la femme. Sans qu'il puisse résister, ses bras s'abaissèrent d'eux-mêmes, comme si son corps était animé d'une vie propre. Le jeune homme poussa un cri terrifié, incapable de lutter. Était-il possédé ?

– Fuis !

La créature reporta son attention sur la femme et se jeta sur elle. Connor ne put voir la scène. Soumis et manipulé par une puissance qu'il ne comprenait pas, il tourna les talons et partit au pas de course. Il chercha à lutter, à rebrousser chemin, mais ce ne fut qu’au prix d’un terrible effort qu’il parvint à s'arrêter. La tension fit ruisseler la sueur sur son front. Tenter de bouger par lui-même était une torture, il n'avait plus la maîtrise de son propre corps. Il lutta tant bien que mal, refoula la douleur et serra les dents sous la pression de cette puissance inconnue. À bout de souffle, il parvint à remonter la pente, les poumons en feu. Alors, une peur viscérale s'insinua en lui pour réduire à néant son courage et sa détermination. Il ignorait, jusqu'à présent, pouvoir ressentir une telle terreur ! Et ce n'était pas normal, quelque chose n'allait pas. Non, il était parfaitement capable de contrôler ses peurs, il était donc manipulé, il...

La terreur le submergea et il abandonna toute résistance pour courir aussi vite que possible. Il en oublia le froid et ses poumons brûlants et respirait à peine, pressé de quitter les bois et de se ruer dans sa maison. Lutter était impossible. Pris de panique, ses réflexes l'abandonnèrent et il trébucha sur une pierre. Il roula le long d'une pente et poussa un gémissement. Quand il s'immobilisa, il retint de justesse un cri de douleur et serra fort son bras contre son torse, les mâchoires crispées.

Il ne s’apitoya pas longtemps. L'instinct de survie le remit sur pied, et il se força à oublier la douleur qui se répandait dans son bras. Il le pressa davantage contre sa poitrine, et reprit sa course, le visage couvert de sueur, de terre et de larmes.

Connor sortit enfin de la forêt et se précipita vers sa maison qui lui parut être un refuge, une forteresse même, capable de l'abriter et de le protéger. Il'ika le rejoignit à cet instant, pressée de se mettre à l'abri elle aussi. Il claqua violemment la porte derrière eux et s'y adossa, à bout de souffle. Comme si un sort venait d'être rompu, la peur le quitta et il fut à nouveau maître de son corps. Il resta éperdu un long moment, les yeux écarquillés, stupéfait. Mais que lui était-il donc arrivé ?!

La jeune femme était toujours là-bas, en danger !

Alors que Connor s'apprêtait à retourner dans la forêt malgré ce qu’il venait de vivre, Il'ika se jeta sur lui pour attraper ses cheveux noirs et l'arrêter.

– Il'ika, lâche-moi ! cria le jeune homme. Elle a besoin d'aide !

La fée secoua la tête et débita des mots que son ami eut du mal à comprendre. L’un d’eux, pourtant, lui sauta aux oreilles, et il parvint à saisir le reste de sa phrase. Son bras retomba le long de son corps.

– Une magicienne ? Tu en es sûre ?

La fée hocha la tête et continua dans sa lancée.

– Même si elle m’a jeté un sort pour que je fuis, ce n’est pas une raison pour l’abandonner ! Je me fiche que les mages soient mal considérés, elle a besoin d’aide.

Avec plus de calme, Il’ika tenta de lui expliquer qu'il ne servait à rien de partir à son secours maintenant. Son bras blessé serait un handicap. De plus, mieux valait en apprendre plus sur cette créature avant de l’attaquer, peut-être que Faran, riche de connaissances, pourrait les aider.

Connor poussa un grognement résigné.

– Très bien, alors dépêchons-nous d’aller le voir pour qu’il me soigne, et nous donne quelques indications sur comment je peux affronter cette bête. Ensuite, je retourne dans la forêt !

La fée soupira. Rien ne ferait changer d’avis son ami, c’était peine perdue de tenter de le raisonner. Autant le suivre pour lui éviter plus d’ennuis.

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