Chapitre 2

8 minutes de lecture

(Le deuxième chapitre a également été modifié suite aux remarques sur le précédent chapitre)

-------------------------------------------------------------------------------------------

Le ventre bizarrement noué à l'idée que sa belle inconnue périsse entre temps, Connor se dépêcha de récupérer son épée et prit le chemin d’Ebènne, son village.

Alors qu’il se hâtait, il redoutait de voir surgir la créature devant lui. Dans son état, il ne pourrait pas se défendre, mais il serra tout de même le pommeau de son épée. Arme dérisoire face à une telle bête, il le savait, pourtant il était rassuré de la sentir contre lui.

Pour alimenter davantage ses angoisses, Connor craignait également de découvrir sa bourgade ravagée en son absence. Perdre des proches, et surtout son frère, serait une déchirure. Être le seul survivant serait encore pire.

Quand il arriva enfin, les lieux étaient plongés dans le silence. Toutes les lumières étaient éteintes et il n’y avait pas un chat dans les rues. Au moins, cela signifiait que tous dormaient tranquillement et qu’il n’était rien arrivé de grave. Connor s’empressa de rejoindre la boutique de son frère, et tambourina à la porte pour le réveiller.

Des bruits de pas se firent entendre, la porte se déverrouilla, et Faran apparut dans l’encadrement, les yeux embués de fatigue. La stupéfaction le saisit quand il vit l’état de son frère.

– Qu’as-tu fait encore ?!

– Je n’ai pas le temps d’entrer dans les détails, répliqua Connor en s’engouffrant à l’intérieure. J’ai besoin de toi.

Être dans la boutique le rassénéra. Elle faisait fouillis, au premier regard, avec ses multiples d’étagères qui croulaient sous le poids de centaines d'herbes, d'os, de fioles remplies, et de choses que le jeune homme ne pouvait identifier. Malgré tout, elle était accueillante, voire même apaisante.

Faran soupira et referma derrière lui. Il'ika s’empressa de se serrer contre sa joue, soulagée d’être auprès de lui.

– Je suppose qu’il t’a encore attiré dans les ennuis, ma pauvre.

La fée perchée sur son épaule, il fit assoir son frère près de son établi et commença par défaire son bandage. Physiquement, les deux hommes ne pouvaient pas être plus différents l'un de l'autre. Faran était aussi blond et blanc de peau que Connor était brun et mate. Leur seule chose en commun était leur taille qu’ils tenaient de leur père, même s’ils présentaient une différence de carrure évidente due à leurs activités radicalement opposées. Mais là s'arrêtait la ressemblance.

Pourtant, jamais ils n'avaient douté de leur lien de sang, et leur complicité avait toujours était grande. De deux ans son aîné, Faran avait toujours veillé sur Connor dès leur plus jeune âge.

Avec douceur, l’apothicaire prit le bras de son patient dans ses mains et le palpa, le front plissé par la concentration. Il lui fit faire quelques mouvements pour établir un diagnostic.

– Ce n'est rien de grave. Tu as une entorse, ça passera vite. J'ai donné mon dernier remède hier, alors tu vas tout me raconter pendant que j'en prépare un nouveau.

– Je ne peux pas traîner, dépêche-toi s’il te plaît, une vie est en jeu !

– Tout doux, ne va plus vite que la musique. Explique-moi déjà ce qu’il s’est passé.

Tandis que Faran écrasait des herbes dans un mortier, Connor lui narra toute sa mésaventure. L’apothicaire blêmit durant le récit, mais ne l'interrompit sous aucun prétexte. Quand ce fut fini, il était en train de masser délicatement le bras de son frère avec la pommade fraîchement préparée.

– Ce que tu me racontes est très troublant, souffla-t-il enfin.

– Tu sais ce qu'est cette créature ? s'écria Connor, alarmé par son regard terrifié.

– Je n'en suis pas sûr. J'ai une image, dans un livre, tu me diras si c'est bien elle. J'espère me tromper... Tu es complètement fou de t'être aventuré près d'elle ! Qu’est-ce qui t’a pris, tu ne réfléchis donc jamais ?! Elle aurait pu te tuer !

– Cette femme avait besoin d’aide, je ne pouvais pas rester sans rien faire.

– Mort, tu lui aurais d’une grande utilité, en effet. D’autant que d’après ta description, cette femme savait sûrement se battre. Donc, si elle n’a pas pu tuer cette bête, tu pensais vraiment en être capable ? Il est d’ailleurs étrange de croiser une magicienne dans le coin. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien fabriquer par ici ?

Connor s’en fichait, seule comptait l’idée de repartir l’aider. Il refusait d’envisager le pire. À dire vrai, il ne connaissait même pas cette femme, alors pourquoi éprouver ce besoin impérieux d’accourir à son secours ?

– Je me devais d’essayer, au moins ! répliqua-t-il. Je dois vite y retourner, elle est peut-être encore vivante !

Faran secoua la tête.

– Tu es irrécupérable. Même si c’est une magicienne, elle était grièvement blessée. Elle doit déjà être morte à l’heure qu’il est. Tu ne vas pas retourner dans la forêt alors qu’un tel monstre se balade, c’est de l’inconscience !

– Aucune importance, dis-moi ce que tu sais et je repars immédiatement ! répliqua Connor en se redressant.

– C’est hors de question, tu ne repartiras pas en pleine nuit avec un bras blessé affronter un monstre pareil !

– Ta pommade me soulagera en chemin, ça ira. J’ai déjà perdu suffisamment de temps, je ne resterai pas sans rien faire. Tu ne pourras pas m’en empêcher.

– Laisse-moi au moins le temps de regarder dans mes livres pour identifier cette créature.

Tandis que le chasseur faisait les cents pas à se ronger les sangs, Faran quitta l’atelier pour se rendre dans sa bibliothèque. Ce n'était qu'une petite pièce mitoyenne, mais elle était remplie d'étagères qui ployaient sous le poids des livres. Pour quelqu'un de la campagne, Faran les collectionnait comme d'autres collectionnaient les pierres. Ses économies, ils les dépensaient dans l'achat de nouveaux ouvrages dès que l'occasion se présentait. De ce fait, il n'y avait personne, à des kilomètres à la ronde, qui pouvait prétendre avoir la moitié de son savoir. Il en revint avec un gros livre poussiéreux sur les bras. Il le feuilleta tandis que son frère grommelait d’impatience.

– C'est celle-là ?

Connor se pencha par-dessus son épaule et regarda la page en question. Du doigt, Faran tapota l'image d'un dragon sans ailes aux larges cornes. Connor tressaillit. Bien que l'image fût loin de la réalité, c'était bien la même créature qu'il avait vue dans la forêt tout à l’heure. Assise sur l'épaule du guérisseur, Il'ika étouffa un cri qui en dit long.

– C'est elle, confirma Connor. Qu'est-ce que ça dit ?

– Si tu avais bien voulu apprendre à lire, tu ne serais pas obligé de poser des questions à tout bout de champ !

– Je n’en vois pas l’utilité. Allez dépêche, je t’ai dit qu’une vie était en jeu !

– Comme je le redoutais, cette bête est un Ddraig. Il est dit que les Ddraigs sont des créatures divines qui descendent de la montagne Blanche lorsqu'un terrible danger guette les royaumes. Pour faire comprendre l'importance du danger, elles ont recours à une méthode radicale.

– Qui est ?

– Durant une nuit, elles tuent toutes les personnes qu'elles croisent, proches des villes et villages concernés par le danger. Cette nuit n'est pas forcément la même pour tous.

Connor se décomposa.

– Tu n'es pas sérieux, hein ?

– Malheureusement, je n'ai jamais été aussi sérieux. Et tu veux quand même y retourner ?!

Le jeune homme se massa les tempes et arpenta la pièce de long en large.

– Des indications sur comment la tuer ?

– Personne n’a jamais réussi, il n’y a aucune note sur un éventuel point faible.

– J’aviserai dans ce cas, une flèche dans l’œil la calmera.

Alors que le jeune homme récupérait ses armes pour repartir, Faran s’interposa.

– Je ne te laisserai pas faire ! Cette créature est sûrement encore dans la forêt, je ne te laisserai pas y retourner pour une parfaite inconnue, qui plus est une magicienne !

Un sourire moqueur se dessina sur le visage de son frère.

– Parce que tu crois pouvoir m’en empêcher ?

Pour lui prouver le contraire, Connor l’écarta de son chemin d’une main sans qu’il ne puisse résister. Puis, son bras blessé pressé contre lui pour calmer la douleur, il partit en courant en direction de la forêt.

Paniqué, Faran tourna un moment dans sa boutique à chercher une solution. Il ne pourrait jamais rattraper Connor, cela ne servait à rien de se lancer à sa poursuite. De toute façon, il n’en aurait pas le courage. Alors comment tirer son frère de là ?

Il’ika s’empressa d’attraper son visage pour qu’il se calme, et lui suggéra d’aller voir Mark, le chef du village. N’ayant pas de meilleure idée, l’apothicaire hocha la tête et partit au pas de course dans le village pour rejoindre la maison de Mark. Pourquoi fallait-il que Connor soit aussi têtu ?!

Une fois arrivé, il eut un moment d’hésitation à l’idée de toquer. On était en plein milieu de la nuit, tout de même ! Il’ika l’encouragea d’une caresse et il prit son courage à deux mains. Il tambourina à la porte jusqu’à ce que Mark ouvre avec un grognement.

L’homme d’un certain âge était grand et bâti comme un ours, ce qui avait toujours intimidé Faran.

– Pourquoi tu frappes comme ça en pleine nuit ? Qu’est-ce qu’il se passe, une urgence ?

– C’est Connor ! Il chassait et il a rencontré une créature dans la forêt. Un Ddraig !

Mark se décomposa, figé sur place.

– Je connais la légende des Ddraigs. Ce n’est vraiment pas bon signe, ce que tu me dis. Heureusement, ils ne tuent que les gens qu’ils rencontrent, il ne nous arrivera rien tant que nous restons chez nous. Retourne vite chez toi te mettre à l’abri, nous en reparlerons demain pour analyser la situation. Tout cela ne sens pas bon.

– Tu ne comprends pas… Connor a aussi vu une femme, et il y est retourné pour l’aider !

– Il a fait quoi ?! Et tu l’as laissé repartir ?

– Tu voulais que je fasse quoi, l’attacher ? Comme si j’avais une chance ! Mark, il est en danger.

Le colosse se passa une main sur le visage, troublé.

– Faran, je ne peux rien faire en l’état.

– Envoie des chasseurs le récupérer !

– Tu sais bien comment est Connor, s’il ne veut pas qu’on le ramène, personne ne lui mettra la main dessus ! Et il connait la forêt comme sa poche. Si j’envoie des chasseurs, je mettrai des hommes en danger pour rien du tout ! Je suis désolé Faran, je ne peux pas faire une telle chose. Les Ddraigs ne sévissent que la nuit. Dès les premières lueurs du jour j’enverrai mes gars le chercher, mais pas en pleine nuit, c’est trop dangereux.

Faran était désespéré.

– Mais… il risque de se faire tuer !

– Ce n’est pas quelques chasseurs qui le sauveront, soit réaliste. Encore faut-il mettre la main sur lui. Navré Faran, je ne peux pas me permettre. Il faut espérer qu’il ne se mettra pas en fâcheuse posture.

– On parle de Connor, là !

– Faran, rentre te mettre à l’abri. Le jour se lève dans quelques heures, j’enverrai aussitôt des chasseurs je te le promets. Pour l’instant, nous n’avons pas le choix que d’attendre…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Athénaïs ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0