Convoqués

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— C’est lui, le big boss ? fis-je en avisant la photo d’un homme d’une soixantaine d’années à la barbe grise bien taillée.

En guise de réponse, je ne récoltai qu’un coup d’œil de mon mari. Je reportai mon attention sur la page que j’étais en train de lire.

Tous les mois, à l’instar de chaque affilié au clan, Hide recevait le Yamaguchi-gumi shinpô, la gazette officielle du gang. J’avais remarqué qu’il ne l’ouvrait pas, et ces journaux s’accumulant sur la table de l’appartement — nous étions à présent dans mon ancien logement d’Aoyama, celui qu’il m’avait donné — je m’étais mise à les lire. Qu’un gang criminel édite un journal dans lequel il publiait ses recettes mensuelles et les exploits de ses membres me sidérait. Mais d’après ce que j’en avais lu, ce magazine ne faisait aucune mention d’activité illégale. Il parlait des activités de charité du groupe — comme les actions pour les déplacés de Fukushima, ou de décontamination aux abords de la centrale — , de mah-jong, de calligraphie, et même de poésie. De tout, donc, sauf de crime.

— Tiens, je crois que ça parle de toi, souris-je en lançant le journal à Hide qui venait de passer derrière moi en déboutonnant sa chemise.

Il l’attrapa en grognant, puis le lança plus loin.

— Laisse ça un peu.

Je tendis le bras hors du lit pour reprendre le journal.

Fête pour les dix ans du Kyokushinrengo-kai, déchiffrai-je sous la photo en noir et blanc d’un Hide en costume-cravate qui tirait la gueule. En présence du kaichô Ôkami Hidekazu, le 7 septembre dernier... Merde, Hide, tu ne m’avais pas dit que c’était ton annif !

— C’était celui de l’Association, pas le mien, répondit-il en venant s’asseoir sur moi. Allez, laisse ça.

— Tu ne m’as jamais dit quand était ton anniversaire... protestai-je en le regardant jeter sa chemise sur le côté.

— Tais-toi.

Hide m’attrapa les poignets et vint écraser sa bouche sur la mienne.

— Je croyais que tu n’avais pas envie, lui dis-je lorsqu’il me lâcha enfin.

— Pas envie ? J’ai jamais dit ça. Mais je préfère le faire à la maison qu’au love-hotel. Surtout en pleine journée.

Il se pencha et vint me lécher la joue. Hide était sûr de lui et dominateur au lit, exactement comme dans la vie. En le voyant me soulever pour embrasser mes seins, tous muscles luisants dehors, je sentis mes joues chauffer. Six mois que je le connaissais, et il me faisait toujours un effet monstre.

— Doucement, gémis-je alors que sa langue s’acharnait sur mes tétons. C’est sensible.

La façon dont il les suçait, tout en pinçant et agaçant l’autre, ne tarda pas à me faire de l’effet. Je m’abandonnai en soupirant, les doigts jouant négligemment dans ses cheveux épais. Hide finit par descendre sa main gauche entre mes cuisses, que je lui ouvris volontiers.

— T’es trempée, constata-t-il en glissant deux doigts sous l’élastique de mon string.

C’était vrai. Il lâcha mes poignets et me tira contre lui. Je pris le temps de le caresser, de laisser mes paumes se promener sur les sinuosités dures de sa musculature. Un corps de dieu grec, aussi agréable à toucher qu’à regarder. Hide me regarda par en dessous, de ce regard à la fois lascif et intense qui me faisait fondre comme le corium de Fukushima.

— Ça devrait être interdit d’être aussi sexy, lui murmurai-je en plongeant ma main dans son boxer.

J’eus la satisfaction de le voir plisser le nez lorsque je saisis sa hampe raide dans ma poigne. Il grogna, poussa ses hanches vers moi.

— Et c’est toi qui me dis ça, avec ta bouche mouillée et ton regard de poupée, répliqua-t-il en m’attrapant par la taille.

— Attention à ce que tu vas dire, le mis-je en garde. Si tu me parles de nounours...

— Je vais rien te dire du tout. À part que je vais te baiser tout de suite.

Il était déjà sur moi. D’une main, il m’écarta les cuisses, repliant mes jambes quasiment au niveau de ma poitrine. De l’autre, il plaça sa verge à l’entrée de ma fente. Je fermai les yeux, anticipant déjà la délicieuse douleur.

Hide me pénétra lentement, glissant son membre dur comme l’acier jusqu’au fond de mon intimité. Je l’accueillis avec un halètement, le souffle raccourci par la cuisante sensation d’écartèlement. Ça me faisait toujours ça. C’était une loi immuable, aussi fixe que l’envie que j’avais de lui. Ce corps parfait, le galbe de ses pectoraux, la courbe sensuelle de ses lèvres, ces longs cils bruns, son beau nez droit et la ligne virile de sa mâchoire : tout ça, c’était des ruses de l’évolution pour me faire accepter la taille et l’épaisseur hors normes de sa queue. Cette queue énorme qui m’ouvrait en deux pendant le sexe, me laissait épuisée et fourbue, mais toujours prête à en redemander. Hide le savait. Lorsque j’ouvris les yeux, je tombai sur son regard minéral qui me fixait avec attention. Il n’en avait pas perdu une miette.

Il aime me faire mal, en fait, constatai-je en le sentant se retirer pour me pénétrer encore plus profondément. Juste un peu.

Mais j’aimais qu’il le fasse. Comme lorsqu’il m’attachait, ou me prenait dans le cul, renversée sur le canapé et — souvent — bâillonnée.

— Ça va ? me demanda-t-il tout de même pour la forme.

Ou pour m’entendre lui répondre qu’il me faisait mal, et du bien en même temps. Le signal, c’était toujours le même, et je ne l’utilisais jamais.

— Je vais y aller plus fort, alors, précisa-t-il en venant m’immobiliser les poignets.

Je me préparai à le recevoir, écartant les cuisses encore plus largement. À chaque fois que son gland tapait les tréfonds de mon ventre, je me sentais défaillir. Et cette sensation d’être envahie, remplie...

— Hide... gémis-je.

J’étais à deux doigts de jouir.

Mais soudain, son téléphone se mit à sonner. Et le pire, c’est qu’il répondit.

— Ôkami, l’entendis-je se présenter.

Il était encore en moi, et raide comme une matraque. Surtout, il me tenait encore les poignets, me maintenant sous lui d’une seule main. J’étais obligée d’attendre, à sa merci.

Ou pas. Comme il ne raccrochait pas, je me mis à remuer les hanches, cherchant le plaisir autour de la verge qui continuait à m’empaler. Et je jouis comme ça. Pas lui.

— Mauvaise nouvelle, dit-il en jetant son téléphone sur l’oreiller.

— Quoi ?

Il se redressa, me laissant pantelante et vidée par l’orgasme.

— Je viens d’avoir la date de la fête. C’est demain : faut qu’on parte maintenant.

Je me relevai d’un seul coup.

— Quoi ? m’écriai-je. Mais pourquoi te préviennent-ils au dernier moment ?

— Pour éviter les mauvaises surprises, justement.

Hide me considéra en silence, puis il me jeta mon peignoir en soie.

— Allez. Prends une douche et habille-toi. Masa nous attend à Haneda.

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