Des phares dans la nuit

de Image de profil de Amina MullerAmina Muller

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Je ne voulais pas...

Je suis assise là, dans l'herbe mouillées, les yeux perdus dans mes souvenirs douloureux, le froid a envahi mon corps depuis longtemps maintenant, mes habits sont trempés à cause de la pluie qui n'arrête pas de tomber depuis bientôt deux heures, j'ai l'impression que ce sont des lames de couteaux qui me transpercent le corps. Mes cheveux me collent au visage, mais certaines mèches viennent me le gifler à cause du vent. Mes larmes se mélangent aux gouttes de pluies. Mon téléphone ne cesse de sonner, je sais très bien qui c'est, mais je ne veux pas répondre, je veux rester seule aujourd'hui, comme chaque 21 janvier... 

La pluie se transforme petit à petit en flocons, bientôt je serai couverte de neige, mes dents claquent, mais je ne bouge pas. Pourquoi devrais-je ? Je ne mérite même pas de vivre... 

Les automobilistes ralentissent à ma hauteur mais aucun ne s'arrêtent.

Je ne voulais pas...

Mais pourtant je l'ai fait, est-ce que j'aurais agi autrement si j'en connaissais les conséquences ? Je ne pense pas, j'étais jeune et ne pensais qu'à moi, qu'à mon propre plaisir. 

Personne n'a jamais su, et personne ne doit jamais savoir. Je m'en veux terriblement, oh oui, mais maintenant c'est trop tard. Quand c'est arrivé, je me suis dit que c'était trop tard de toute façon, que je n'aurais rien pu faire pour le sauver, si j'avais su...

Les voitures se font de plus en plus rares, mes yeux deviennent lourds, j'ai l'impression que je pars. Où ? Je ne saurai dire...

Je vois des phares au loin, mais il fait trop noir pour que je ne distingue ne fut-ce la forme de la voiture.

Ses phares m'aveuglent, je mets ma main devant mes yeux pour me protéger de la lumière tout en pensant que Timothée avait lui aussi dû faire ce geste...

Timothée…

Ma tête tourne, je vois apparaître des points noirs devant mes yeux, je ne sais pas ce qu'il m'arrive.

Il fait tellement noir, les phares se rapprochent de plus en plus, et la neige n’arrête pas de tomber.

Le vent se fait de plus en plus fort, il y a quelque chose de lugubre en ce moment, je ne saurais dire quoi, mais je sens quelque chose...

Je me lève, je ne sens plus mes pieds, mes doigts ont viré à une drôle de couleur, un bleu violacé. 

Mes jambes ne me tiennent plus, je ne vois plus rien, tout bouge trop vite, je me tiens la tête entre mes mains, très fort. 

Je ne voulais pas.

Je regrette.

Et ce chaque jour un peu plus...

La voiture vient de s'arrêter. La première de la journée. La personne qui en sort, un homme il me semble, accourt vers moi en criant quelque chose que je ne peux entendre.

Je le reconnais, mais au moment où je veux lui dire quelque chose, je sens que je tombe, le noir m'envahit malgré ma résistance.

 

Quelque chose bourdonne près de mon oreille gauche, j'entends plusieurs bruits inconnus et une voix. Je connais cette voix, mais je suis trop fatiguée. Je n'en peu plus, je ne veux plus. 

Quelqu'un me tient la main, je ne sais pas qui c'est, mais j'ai l'impression que sa présence m'apaise.

- Anaëlle, réveille toi. 

J'essaye d'ouvrir les yeux rien que pour voir une dernière fois cette personne, mais je n'y arrive pas. 

Je tombe. 

Je sombre.

Encore.

 

Malgré la nuit noire, malgré le verglas dangereux qui recouvre la route, malgré ma tête qui tourne à cause des effets de l'alcool, malgré tout cela, je souris.

Cette soirée était vraiment parfaite ! Je n'arrive toujours pas à y croire... Théodore m'a invitée à danser mais aussi et surtout au cinéma la semaine prochaine ! Moi qui pensais qu'il n'avait jamais fait attention à moi, alors que moi je l'ai toujours dévoré des yeux quand il faisait son apparition dans l'amphi. 

Maman m'avait demandé d'être rentrée pour trois heures, il est deux heures quinze et je suis presque arrivée, elle ne pourra pas dire non pour le cinéma avec ça ! 

Mon téléphone se mets à sonner, je garde une main sur le volant, mais l'autre part à la recherche du sonneur. Mes yeux quittent quelques secondes la route, seulement quelques secondes...

Et c'est le choc.

- Merde ! 

Je sors précipitamment pour voir les dégâts sur ma voiture et ce que je vois me glace le sang...

 

Mes yeux s'ouvrent d'un coup, je pense que j'ai crié mais je ne saurai plus dire si c'était dans mon cauchemar qui me hante depuis 10 ans ou si c'était réel. 

- Anaëlle ? M’appelle une voix. 

Je tourne la tête vers la voix, il y a un homme assis à côté de moi, Théodore Reyslt, mon mari. 

- Je sais tout, Ana, j'ai toujours su, lâche-t-il. 

Je ferme les yeux et des larmes s'en échappent.

Il prend ma main, mais je me dégage. Il la reprend, je ne tente plus rien.

- Et ça ne changera jamais rien, je t'ai toujours aimé. Je l'ai su très vite, pourtant je n'ai pas annulé le cinéma, car je t'aimais, j'étais fou amoureux de toi. Je ne pense pas avoir fait une bêtise même si je trouve que tu aurais du appeler l'ambulance. Mais tu ne l'as pas fait et je ne veux pas savoir pourquoi. Je sais que si tu avais appelé l'ambulance, Timothée aurait survécu. Personne n'a remarqué ton renferment après cet accident, tout le monde était un peu triste de toute façon, c'était quand même un chouette type ce Timothée, mais moi si. J'ai su tout de suite qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas, et c'est la que j'ai su. 

Ça fait tellement mal de l'entendre dire tout ça, c'est comme s'il m'enfonçait un couteau en plein cœur.

Ça fait tellement du bien de savoir qu'il sait, comme si on m'avait enlevé un poids sur les épaules, pas tout le poids mais une partie.

-         J'ai cru te perdre, ne refais plus jamais ça, je t'en supplie...

Des phares dans la nuit, du sang, la tête de Timothée tournée dans un axe bizarre, ses yeux suppliant me regardant, voilà les images qui me hantent depuis dix ans toutes les nuits.

Ses yeux suppliants… Je ne veux plus les voir mon dieu !

Ses yeux suppliants qui me disent « aide-moi »

Ses yeux suppliants auxquels j’ai répondu par un détournement de regard.

Je me suis enfuie comme une lâche…

Le laissant mourir dans le froid, sur le bord de la route, sans personne, en pleine nuit.



 

TragédieJe ne voulais pasDes phares dans la nuit
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En réponse au défi

Je ne voulais pas

Lancé par Dehorian Green
"Je ne voulais pas".

Votre texte doit commencer par ces mots. Doit être rédigé à la première personne du singulièr. Et doit raconter une erreur tragique qui hantera à jamais celui s'exprimant, vous ou un personnage inventé.

Pas de poésie, ici. Pas de jeux de mots et surtout pas d'humour. Le genre imposé est la tragédie et uniquement la tragédie. Tout texte ne répondant pas a ces critères sera hors sujet.

Commentaires & Discussions

Des phares dans la nuitChapitre4 messages | 7 ans

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