Chapitre 7

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- L’espoir est l’instigateur du mal. C’est c’qu’on m’disait au bureau quand je fermai pas vraiment les barreaux. Le gars d’dans se disent qu’ils peuvent s’évaporer d’un ou deux pas. Après tout j’les comprends ces types-là. Ils sont bloqués et enfermés et s’ils pensent pouvoir s’échapper, c’est pas ça que j’vais leur reprocher.  

- C’est ce bonhomme-là qui parlait d’espoir et de mal. Le détective Marneaux ? 

- Ouais, lui-même. Il a prononcé son discours dans le commissariat, comme quoi est supérieur aux animaux et qu’on doit gérer not’ population. 

Les deux bonhommes arpentaient le sentier de la Gaude au volant d’une BMW X3, un véhicule large et spacieux. Le premier à parler, le passager, semblait avoir la nausée. Il gardait une main serrée sur la poignée au-dessus de la vitre. Ils filèrent à toute allure entre arbres et chaumières, lapins et rochers. Le conducteur gratifiait de temps à autre son tableau de bord d’une œillade pour suivre la route indiquée 

par le GPS. Le badge présent sur son torse indiquait : Joseph Goulbert. Il était au service de l’état depuis cinq ans et avait récemment était transféré au service des recherches oisives. C’est alors qu’il avait rencontré son nouveau co-équipier, l’homme à sa droite, qui lui portait le nom de Jimmy Fernier. 

Joseph et Jimmy étaient devenus comme cul et chemise, ils passaient leurs journées à rouler et à traquer des vieillards. Leurs soirées quant à elles, étaient faites d’alcool et de musique, de femmes et de pensées oubliées, refoulées par les verres ingurgités. Leur présence était due à un appel, une délation provenant d’une famille repliée dans les bois. Joseph se demandait pourquoi les gens appelaient pour condamner des oisifs alors que Jimmy lui, comprenait amplement. Son devoir, son pays, il se devait de respecter les règles et les faire respecter. C’était pour cette raison qu’il s’était engagé dans les forces de police, il avait finalement atterri dans le service de recherche après avoir obtenu une des notes les plus faibles à l’examen d’entrée. 

Joseph était épuisé de la veille, les cernes sont ses yeux faisaient des soubresauts tant il avait du mal à rester concentrer sur la route. Ils ne devaient plus être trop loin, ça faisait déjà une demi-heure qu’ils avaient quitté la Caserne Hauvard de Nice. Il en avait connu des journées comme ça quand il travaillait avec l’ancien partenaire de Marneaux, un détective désormais oublié, mort en héros. Des souvenirs lui revinrent en tête et furent soudain balayés par un Jimmy déglutissant qui lui montra un bonhomme entrain d’agiter les bras au milieu de la route. 

Ils arrêtèrent la voiture une dizaine de mètres plus loin entre deux arbres et prirent le temps de notifier leur intervention sur le tableau de bord. Jimmy descendit aussitôt tandis que Joseph resta dans la BMW pour récupérer du matériel sur la plage arrière. Il saisit un gilet par balle ainsi qu’un fusil armé de fléchettes tranquillisantes. Il se remémora l’époque des manifestations et des émeutes, raviva les flammes destructrices de ses mauvais souvenirs, songea à une population soumise à la loi de la force. Il réprima une grimace et passa la bandoulière du fusil à son épaule avant d’établir le contact visuel avec son partenaire, occupé à discuter avec un homme bourru. Dès qu’il posa un pied hors de la voiture, il fut frappé par le silence des bois, la senteur des pins et la beauté rustique de la maisonnée. Deux étages, deux voitures, beaucoup de fenêtres et des indices indiquant une grande terrasse. Le policier s’approcha précautionneusement de son partenaire et de leur informateur potentiel. Il nota, d’une œillade, le regard d’une femme plantée sur le porche. 

«.. Un peu plus à l’est d’ici, c’était la maison des Soulain avant qu’ils.. décident de partir. 

-  J’vois, et votre famille n’a pas plus d’informations à nous donner monsieur Darmon ?  

Demanda Jimmy au père de famille en se penchant pour toiser la maison.  

- Non, je l’ai croisé dans les bois derrière la maison, ma femme et mon fils n’ont rien vu.. » 

Joseph opina du chef et salua l’homme puis la femme d’un simple regard. Il rattrapa la conversation et écouta attentivement le résumé de Jimmy. Il semblerait qu’un oisif soit dans les environs et s’abrite dans une maison abandonnée de l’autre côté du petit bois de pins. Aucune description physique ? Pas plus de détails sur l’endroit où il l’a croisé ? L’instinct de Joseph est titillé mais il ne prend pas la peine de gaspiller sa salive pour un entretien qui le mènera finalement à la même chose. Cependant, la femme l’intrigue, serait-ce elle qui aurait croisé l’oisif ? Si non, pourquoi les épierait-elle comme ça ? 

Jim acheva son exposé et remercia le bonhomme en lui serrant la main, il guetta ensuite les environs, plissant ses paupières sur des prunelles enfoncées dans son crâne. Joseph à son tour vint serrer la main du patriarche Darmon, le détaillant de bas en haut. Un visage rondouillard, ventru voire ventripotent, il était vêtu d’un polo noir et exhibait une barbe rasée de près. Les effluves de son eau de Cologne exaspérèrent le policier qui s’empressa de rejoindre Jim, déjà en route pour pénétrer les bois. 

Au contour de la maison des Darmon, il aperçut la terrasse et sa grande piscine. Jimmy se prit à rêver d’une telle propriété et fut soudain rattrapé par l’excitation de la chasse. Il demanda, exigea même, le fusil de Joseph pour partir en avant. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, les pins, les roches, le lichen et les sentiers semblaient être les mêmes. Joseph eut l’impression de tourner en rond et pourtant, Jimmy continuait d’avancer, silencieux comme le chasseur prêt à fondre sur sa proie. Il humait l’air ambiant, cherchait des traces et hochait la tête à des réflexions intérieures. De temps à autre, il arborait un rictus en pensant atteindre le but. Les deux policiers s’arrêtèrent brusquement lorsqu’un bruit de choc retentit. Une brindille brisée sous la semelle d’un fugitif ? Une roche heurtée par une fuite menée à la hâte ? Joseph prit le temps de réfléchir. Jimmy lui, se rua en direction du bruit qui se répéta une seconde fois. Il prenait la direction opposée aux informations fournies par le père Darmon. Les bruits les ramenaient à leur position de départ. Le bruit se répéta plusieurs fois, à plusieurs endroits. Les deux policiers eurent l’impression de suivre un fantôme tant les bruits se répétaient à des endroits différents. Jimmy, sous l’impulsion de l’excitation, commença à trottiner puis à courir. Il sauta des pierres, des roches, des cailloux, emprunta plusieurs fois le même chemin, arqua le sourcil à chaque bruit et fila entre les pins. Joseph lui, suivait son partenaire d’une démarche nonchalante et semblait peiner à être enthousiaste à l’idée de pincer un oisif pour le traîner jusqu’à un des centres qui mettra fin à sa vie. Contrairement à Jimmy, l’idée de condamner un vieillard à la mort le mettait mal à l’aise. Il ne parvenait pas à comprendre les évolutions du système et des pensées. Il suivait les ordres et pensait œuvrer pour le bien d’une société perdue, sur la pente d’une fin amorcée par l’homme lui-même. 

Les mouvements étaient brefs et calculés, le duo avançait et s’arrêtait, guidé par les heurts et le son du désespoir. Cependant, il pensa que cette fuite était trop rapide et agile pour un oisif. La piste qu’il suivait cessa soudainement, les bruits qui étaient devenus récurrents cessèrent et les voilà, deux policiers, perdus en pleine forêt. Jimmy renfrogna ses traits et fit semblant d’humer l’air pour retrouver sa proie. Seulement, cette chasse semblait avoir pris fin, les deux hommes se retrouvant totalement déboussolé parmi les pins. D’un geste flou, Jimmy fit signe à Joseph, lui indiquant qu’il fallait marcher dans une direction. Il hochait frénétiquement la tête, mimait la compréhension d’une créature mystique et pensait définitivement avoir le dessus. Ils étaient tout simplement perdus et Jimmy ne semblait pas vouloir l’admettre. 

 

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