Comme une longue plainte.

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Le 18 avril 1886,

Mon cher Lorenzo,

Je vous écris de "l'Ermitage Saint Benoit" où je passe quelques jours de vacances. L'établissement où je loge est le prolongement d'un piton rocheux. C'est une très belle bâtisse qui paraît être là depuis l'éternité. Mon âme vibre et s'accorde avec ce lieu infiniment désolé et silencieux. Le vide du précipice, juste au-dessous de ma fenêtre, me donne le vertige. C'est peut-être ce que je suis venue chercher ici pour oublier. Je pense que vous aussi, mon ami, vous aimeriez cet endroit qui semble investi par les anges.

Infiniment vôtre.

Emma


Le 25 avril 1886,

Mon cher Lorenzo,
Je vous remercie pour votre réponse diligente qui m'a procuré un immense réconfort. Je suis désolée que vous ne puissiez me rejoindre dans ce cadre exceptionnel mais je comprends fort bien que vos affaires vous éloignent de moi pour le moment. Je passe mes journées à méditer et cela me fait le plus grand bien. Je laisse ma pensée flotter au-dessus des nuages car cette anciennne forteresse où je loge est un refuge pour randonneurs et alpinistes (au siècle précédent, elle abritait un ermite). Je suis comme un oiseau, je vois le monde d'en haut, c'est ce qui me permet de mettre de la distance entre les événements tragiques que j'ai vécus et moi-même. Cela m'apaise. Je me nourris de la beauté minérale de ce paysage où les coteaux verdoyants épousent, curieusement en leurs sommets, les blocs de rochers aux pentes abyssales. Surtout écrivez-moi. Rien ne me fait plus plaisir que de vous lire et de deviner à travers vos lettres ce que je n'ai pas encore perçu de vous.
Toute mon amitié.

Emma.


Le 3 mai 1886,

Mon cher Lorenzo, mon ami,
J'ai craint de ne recevoir aucune réponse de vous tant l'attente a été longue. Ce matin, enfin, j'ai eu le plaisir de trouver votre lettre glissée sous la porte de ma chambre. Je constate que votre métier d'armateur ne vous laisse aucun répit. Entre le port de Houston et de la Louisiane, et d'autres encore, vous passez une grande partie de votre temps à voyager. Mais les affaires sont les affaires. Alors que vous veillez au bon déroulement des expéditions maritimes, et que vous portez sur vos épaules de lourdes responsabilités, moi, je me noie en rêveries inutiles. J'ai parfois peur de perdre votre amitié, tellement je me sens insignifiante.

Hier soir, avant de m'endormir, j'ai entendu à travers les rafales de vent, car à cette altitude les bourrasques sont parfois violentes, comme une longue plainte. Est-ce le fruit de mon imagination ou est-ce bien réel ? Peut-être un randonneur égaré ? Ce matin, j'ai relaté cet incident au concierge de l'hôtel qui m'a certifié n'avoir rien remarqué d'anormal.

Bien à vous.

Emma.

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