Chapitre 2. La mission

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C’est froid. De la neige ? D’où vient-elle ? Avant de partir il faisait froid certes, mais trop froid, alors il ne pouvait pas neiger. Sauf si on était autour de zéro et on n’était pas à zéro, il l’avait lu sur l’écran de son siège, la température au sol était de moins quatre. Trop froid donc. La chute lui revient, il devrait être mort, on n’échappe pas d’un truc comme ça. C’est peut-être pour cela qu’il sent le froid ; il est mort !

Ouais sauf qu’il n’y a que son nez et le reste de son visage qui se gèlent.

Il s’ordonne d’ouvrir les yeux.

C’est bien de la neige et il a le museau dedans.

Il se roule sur le dos. Chasse la neige de sa bouche et ouvre une nouvelle fois les yeux. Les étoiles le saluent. Il est dans la neige et il fait nuit. Les secours auraient pu ramasser son corps tout de même.

« Mais t’es en vie crétin ! »

Il s’assoit dans la poudreuse, groggy. Son oreille interne lui joue un tour ; littéralement, tout tourne. Il se laisse retomber sur le dos, attrape une poignée de flocon qu’il se passe vigoureusement sur le visage. L’effet escompté est obtenu, mais il reste allongé encore un peu. Il n’a pas eu le temps de voir grand-chose ; des arbres et un chemin recouvert de neige, creusé d’ornières boueuses. Cela ne lui en dit pas long sur l’endroit. Il ne devrait pourtant pas être loin de l’aéroport, mais pourquoi n’entendait-il pas de bruit. Rectification, Il entendait beaucoup de chose, mais pourquoi n’entendait-il pas le bruit de fond permanent généré par l’activité humaine. Le ronronnement des voitures, les sirènes des secours, le battement des hélicos. Rien !

Enfin si, le vent dans les arbres, le crissement de la neige, une chouette, des loups … Des loups ?!

Il ouvre les yeux en alerte, s’assoit, examine les alentours pour une menace. Rien. Ah si. Au loin, effectivement, des loups.

« Qu’est ce que ... »

Il reporte son attention sur sa personne. Aucune blessure de toute évidence et hormis ce vertige qui est en train de s’évaporer, il se sent bien. Ses vêtements son intact, non attendez. Ce n’est pas ce qu’il portait en montant dans l’avion. Il est en tenue de combat camo neige !

Il remarque avec dégoût le FN P90 accroché à sa poitrine. Il s’était promis de ne plus jamais toucher une arme.

Pourtant par réflexe professionnel il le vérifie. La culasse est libre, le chargeur transparent est plein, le sélecteur de tir est sur coup par coup, les batteries de la Lunette FLIR sont pleines. En addition, Il tâte sur sa hanche un Glock 17 semi-auto et , il le sait par habitude, un petit Glock 26 dissimulé dans son gilet.

Un juron lui échappe,pas d’arme, il s’était juré.

En se relevant, le bandeau communicant ostéophone glisse de sa tête. Il le rattrape prestement. S’il a une radio c’est qu’il y a quelqu’un pour écouter.

« - Autorité pour Gab Salver, message prioritaire prenez note »

Aucune réponse, la batterie est morte. Combien de temps est-il resté inconscient pour que la batterie se soit vidée ?

Sur son avant-bras il découvre un rabat qui cache un écran tactile, ici encore l’appareil semble à court d’énergie. Il lâche un nouveau Juron, il n’est pas plus avancé.

L’environnement ne lui parle pas non plus. Un bois ou une forêt que les différentes essences d’arbres classe dans le type européen. Il se tourne vers le chemin, mais les deux extrémités, malgré la clarté de la lune, s’enfoncent dans le noir sans lui donner plus de renseignement sur leurs destinations.

Il y a des traces de pas dans la neige, les siennes. Les empreintes sortent de la forêt. Il affiche une moue dubitative, de toute évidence il est arrivé ici sur ses deux jambes et pas en tombant du ciel. Comme il n’a pas vraiment d’autre option il choisit de les remonter. Après tout il ne sait pas ou il va, il peut toujours essayer de savoir d’où il vient.

Depuis une heure, il remonte la trace qui se faufile entre les arbres en se maudissant. La neige à beau être fraîche, celui qui à laisser la piste à chercher à la masquer au fur et à mesure de sa progression et comme l’auteur des traces c’est lui-même, il se maudit d’être aussi bon, heureusement qu’il se connaît.

Alors qu’Il s’amuse d’être à sa propre poursuite, il débouche sur une clairière. Ce qu’il trouve au milieu n’est pas banal.

Pas de pales, pas de rotor de queue, mais l’engin lui fait tout de même penser à un hélicoptère et d’après ce que lui révèlent ses empreintes dans la neige c’est avec ça qu’il est arrivé. Il se pose deux secondes pour être sûr qu’il n’est pas en train de triper, qu’il ne s’agit pas d’un morceau de l’avion dans lequel il était, qu’il confond pour autre chose. Mais Gabriel identifie le cockpit et les réacteurs ou du moins ce qui ressemble à des réacteurs, car ils n’ont pas d’aube ni de pièces mobiles.

En tirant sur la poignée, la porte latérale s’ouvre dans un chuintement et sans résistance glisse d’elle-même sur le côté de l’habitacle.

Deux siège à l’avant et un espace arrière aménagé en espace de vie avec couchette, kitchenette et visiblement des toilettes. Il grimpe à l’intérieur sans hésitation en refermant la porte derrière lui, car il vient encore d’entendre hurlé à la Lune dans son dos. A peine s’assoit-il dans un des sièges qu’il ressent une légère vibration a son poignet, l’écran tactile vient de s’animer et un pictogramme de batterie en charge c’est affiché.

Temps de charge 2 minute

Pas de chargeur et Fichtrement rapide, de quoi faire des jaloux chez Apple.

Au-dessus de la couchette, il croise soudain le regard d’un miroir ou plutôt un regard dans un miroir, cela lui prend du temps pour comprendre que ce reflet, ce gamin avec sa gueule d’ados qui le dévisage autant qu’il le dévisage n’est autre que lui-même. Il se touche la face, enlève les gants qui l’empêche de sentir le grain de la peau, se gratte le menton ou il ne rencontre aucune barbe naissante et s’aperçoit que sa main qui devrait porter une longue cicatrice, résultat d’une mauvaise rencontre n’en garde maintenant plus aucune trace. Il remonte ses manches, plus de tatouages non plus, toute son histoire gravé à l’encre dans sa peau, effacé !

Inspire, expire.

« -C’est quoi ce délire ? » demande-t-il calmement mais à voix haute.

Il reste un moment à contempler cette nouvelle tête. Ou plutôt cette ancienne nouvelle tête, car il s’agit bien de son visage, vingt-quatre ans dans le passé.

Il se laisse glissé dans le siège du pilote. Les commandes et les instruments de l’appareil sont familières, très proche de celle d’un hélico. Avec quelques gestes il fait prendre vie au tableau de bord. Trois larges écrans devant lui, une carte sur celui de droite.

Il est bien à Nantes, mais la carte est bizarre ; l’aéroport n’apparaît pas. Très peu de route, il manque des ponts sur le fleuve, la ville est beaucoup plus petite et surtout les bras de la Loire renfloués il y a un siècle y sont représentés.

« -Gabriel, Comment te sent tu ? »

Il se retourne. Personne.

«-Gabriel, que se passe t’il ? »

La voix provient de son avant-bras. Il retire le rabat qui protège l’écran désormais recouvert de menu et d’option.

«-Bonjour ? tente-t-il

-Bonsoir est plus approprié. Comment vas-tu ? Que c’est-il passé, tu as perdu connaissance ?

-Aucune idée

Silence

-As tu besoin d’assistance

-Sans dec, murmure-t-il.

-Pardon ?

-Oui.

-J’écoute ta requête

-Ou suis-je ?

Nouveau silence

-T’es sérieux ? demande la voix.

-J’en ai peur.

-Je lance un diagnostic médical d’urgence. Te rappelles-tu ton nom ?

-Gabriel Salver

-Quel est ton dernier souvenir avant de te réveiller.

-J’étais en avion.

-Pardon ?

-Oui j’étais en avion, il y a eu un accident, je me suis retrouvé éjecté et après je ne sais plus.

Encore un silence

-Ah ouais quand même ! La vache ! C’est pas bon !

-OK, qui êtes vous, avec qui suis-je en communication ?

-Oh, tu n’es en communication avec personne. Je suis ton Assistant Tactique, Astac. Tu sais le truc que tu surnommes affectueusement le casse-bonbon à diode, Le juke box à connerie, quand c’est pas simplement ; la boite à meuh

-Non cela me dit rien.

-OK, ça arrive, mais c’est pas bon.

-C’est-à-dire ?

-Que cela ne devrait pas arriver ? Mais que ça arrive quand même et que c’est pas bon.

-Mais qu’est-ce qui ne doit pas arriver ?

-Tu saisis pas ?

-Casse-bonbon à diode, c’est ça hein ? C’est adéquat en fait.

-Mais t’énerve pas !

-Eh la GameBoy ! Je viens de me réveiller le blaire dans la poudreuse au milieu de nul-part, alors que d’après mes souvenirs j’étais sur le point de mourir en faisant poc ! avec la planète. D’ailleurs c’est une bonne question ça ; est-ce que je suis mort ?

-Ah ouais, je te le confirme! T’as fait un sacré trou dans la pelouse à 200 km/heure ! Les secours ont récupéré les restes avec une éponge. Mais bon ça c’était il y a longtemps . Depuis on t’a rebooté.

-Rebooté ?

-Oui, oui, ils allaient pas gâcher du bon matos. Alors avant que tu ne roules une pelle a Gaïa, Ils ont cartographié ton esprit et l’ont placé dans un nouveau corps.

-OOOOOOKey ! C’est qui ils ?

-La République Fédérale de Mu.

-La Rép … mais ça n’existe pas !

-Si si, tu bosses pour eux. Maintenant t’es en mission. Ils vont s’impatienter si tu ne la complètes pas.

-Quelle mission ? Je ne sais même pas ou on est. Il y a une carte sur l’écran qui me dit Nantes, mais cela ne ressemble pas à Nantes.

-Si c’est Nantes … en 1794

C’est lui qui fait silence.

-J’ai remonté le temps ?

-T’es sérieux là ? Tu sais bien que c’est impossible ! Non c’est une autre dimension.

-Écoute, remet tout à plat et explique-moi depuis le début.

-Alors Gabriel Salver est nés le 19 juin 1978 au pavillon mére et enfants du CHU de…

-Depuis que je suis mort, pas depuis ma naissance !

-Bah faut le dire que tu veux commencer par la fin.

-Pour une machine, t’as pas vraiment l’air d’avoir l’électricité à tous les étages. Donc la République Fédérale de Mu qui reboote les gens morts, vas-y raconte.

-On va dire RFM pour faire court. Donc la RFM est une supra-institution qui gouverne plusieurs Terre dispersées dans quelques milliers de mondes parallèles. Dont celui d’où tu viens. Chaque univers est un réservoir de ressources humaines qu’elle utilise pour atteindre ses objectifs. Un décès dans l’un des univers représente une nouvelle recrue. Considère la mort comme un gaspillage d’expérience, la destruction d’un savoir accumulé tout au long d’une vie. Quel gâchis ! Autant les récupérer.

Considère maintenant un soldat d’élite, ingénieur autodidacte, pilote d’hélicoptère, leader respecté, avec une paire de gonade en acier trempé et qui finit en crêpe. Je parle de toi. Pour la fédération menacée dans ses intérêts par d’autres entités, tu représentes un outil indispensable. Un outil capable de prolonger par la force son action diplomatique. Et te voilà donc dans ce nouveau corps cloné que tu trouves sans arrêt trop jeune.

-Tu veux dire que je suis le Barbouze de cette fédération. Non. J’ai quitté la Légion parce que je ne croyais plus en ma mission. Aucune chance pour moi d’avoir accepté ce job.

-Je te rassure, tu as refusé. J’ai tout vu , je suis là depuis le début. Tu leur à sacrément pourri l’existence.

-De toute évidence j’ai du dire oui.

-Non, ils t’ont reprogrammé pour obéir. Plus de libre arbitre. Et depuis deux ans tu sautes d’univers en univers et d’espace temps en espace temps.

-Deux ans? Aucun souvenir de tout çà

-J’ai l’impression que ton reconditionnement a été formaté. C’est possible, mais comment ? En attendant tu es de nouveau libre de tes choix.

-Pour faire des choix il me faut des informations, ou sommes nous ?

-À cet instant précis nous stationnons dans l’univers Φ4G, qui n’appartient pas encore à la fédération. Cette planète est Sol d, la Terre, l’année est 1794. Leur histoire et l’histoire de ta Terre sont très proches ; on est en pleine révolution, le roi Louis XVII a été décapité l’année dernière…

-Nous somme en plein milieu de la « Terreur ». Dit sombrement Gabriel

-Oui, c’est exact.

-Et à Nantes c’est la période des déportations verticales.

-Hein ?

-Des exécutions sommaires organisé par les républicains pour exterminer ceux qui leur résistaient. On les appelle aussi les noyades de Nantes. Dans des bateaux étaient entassé les condamnés de tout age et sexe. Le bateau était ensuite coulé dans la Loire. Environs huit mille personnes, hommes, femmes, enfants furent ainsi massacrées, et c’est sans parler des autres formes d’exécution. Une époque formidable, Liberté, égalité, fraternité, décapité. Qu’est-ce qu’on fiche ici ?

-Notre mission est de protéger un individu favorable à la fédération. C’est quelqu’un d’influence qu’ils pourront placer à un poste clef.

-Qui ?

-Un certain Jean Baptise Carrier.

-TU TE FOUS DE MA G... !»

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