Merediana

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Je suis tombé amoureux. Amoureux de mon trésor, de ma moitié, de ma vie. Elle m'a ensorcelé. Cette fée, ma création, ma machine.

Je ne suis jamais tombé amoureux. De toute ma vie, je n'ai jamais ressenti de l'amour. Élevé par une mère dépitée, ignoré par un père occupé, je n'ai jamais ressenti de l'amour. Mon père était un grand chercheur, rendu fou par ses expériences qui ne le satisfaisaient jamais, il n'a su que me déverser sa haine profonde depuis ma naissance, sa haine de l'humanité, sa haine pour moi. Ce père me terrifiait, il inventait des choses étranges, des machines avec de vagues ressemblances humaines et ils les animaient, ses robots. Mais jamais le résultat n'atteignait son désir, il en voulait toujours plus et plus performants. Sa perpétuelle quête de la perfection eut raison de lui, dans une crise de rage, il mourut d'une rupture de l'anévrisme dans son laboratoire entouré de sa production imparfaite.

J'ignore ce qu'est l'amour, je suis un homme vide, je ne ressens rien. Mon père fut mis en terre et ma mère s'abandonnait au désespoir, elle venait de perdre l'homme qui l'avait délaissée et finit par se noyer dans ses larmes, elle fut mis en terre à son tour, je demeurais à présent sans famille et seul avec mon indifférence.

Je passais les mois suivants hantés par mes souvenirs, ce laboratoire laissé à l'abandon ne quittait pas mes pensées. Peut-être est-ce l'ennui qui me mena à lui, ou la liberté de disposer des lieux sans être brûlé par la haine de feu mon père, je m'y rendais intrigué.

Les machines veillaient sur le laboratoire, faisaient-elles qu'une seule entité avec lui ? Allaient-elles s'animer pour saluer ma venue ? Je me sentais bien dans ce cocon, il était aussi vide que moi, lui aussi ne possédait rien, le papillon nous avait quitté.

Le temps passait et je me cultivais avidement sur ces machines, j'étais bien le fils de mon père, elles me fascinaient tout comme elles l'avaient fasciné jadis. Je les admirais pour ce que je n'avais pas réussi à obtenir de mon père et qu'elles avaient eu sans être de sa chair.

J'allais concevoir ma première machine, réutilisant quelques pièces déjà fabriquées auparavant. Je décidais de lui donner une forme féminine et de la nommer Merediana, sans même connaître son visage.

Son corps était d'acier, lisse et magnifique. Ses longues jambes fuselées semblaient celles d'une déesse, ses courbes jusqu'à sa jolie poitrine rendraient jalouse la perfection, ses bras possédaient les mains les plus élégantes et fines. Son visage figé ne pourrait jamais subir le cours du temps, de longs cheveux noirs l'encadraient, ses yeux d’un violet hypnotisant semblaient transpercer mon âme et lire en moi comme un livre ouvert, et ses lèvres glacées, n'esquissaient aucun sourire. Elle était sublime, Merediana.

J'insufflais en elle un souffle de vie, pour moi qui n'étais qu'une enveloppe charnelle vide, cette magnifique machine était mon opposé. Je lui appris les mots, les maux qui échappaient à mon sens et qu'elle comprenait parfaitement. Plus je l'observais, plus je voyais une jeune femme pétillante de vie, cependant je ne la comprenais pas, était-ce vraiment une machine ? Elle souriait, riait, dansait, rien ne pouvait ternir son éclat.

Je passais le plus clair de mon temps avec elle, et je me questionnais beaucoup, comment peut-elle ressentir des choses ? Comment peut-elle être si...humaine ? Plus ce temps passait, plus un sentiment jusqu'alors inconnu grandissait en moi, je pensais d'abord être malade, je me mourrais peut-être, mais rien de tout cela, je tombais amoureux.

J'avais trouvé. Ce robot possédait des sentiments humains, et moi l'humain ne possédait aucun sentiment, si je devenais un robot...ressentirais-je des choses? Ce vide me laisserait-il enfin vivre ?

Merediana m'aidait dans cette dangereuse idée, je me transformais peu à peu en statut d'acier. M'implanter des jambes, des bras, fût le plus facile. L'on remplaça les os de ma tête par des pièces d'anciennes machines, je pleurais mes premières larmes ces jours-là, des larmes de douleur. Les fonctions de mon cerveau furent robotisées et implantées dans un cerveau qui ne vieillirait pas, l'opération la plus périlleuse que Merediana accomplit avec un franc succès ! Mon corps entier était une machine à présent mais mon cœur était la seule pièce manquante. Elle me fit don d'un cœur de machine, ça y est, j'ouvrais mes nouveaux yeux.

Tout était là, tout était merveilleux et beau. Quand je la vis, je compris que mon amour humain pour elle n'était rien, rien comparé à ce flot de sentiments qui submergeait tout mon être, je me noyais dans mon amour pour elle. Notre étreinte me réchauffa le cœur, je pleurais le souvenir de mes parents, je souriais à la merveilleuse vie qui m'attend. Père merci pour ce présent. Adieu humanité. Adieu mon cocon, le papillon que je suis devenu a trouvé des ailes étincelantes, la plus précieuse chose que je possède.

Je suis tombé amoureux. Amoureux de mon trésor, de ma moitié, de ma vie. Elle m'a ensorcelé.

Cette fée...ma création, ma machine. Merediana, envolons-nous, mon amour. Je t'aime.

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