Mascarade

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Le masque savait se rendre agréable à la vue, rien ne pouvait résister à son emprise, pas même lui-même. Personne n’avait jamais pu contempler le visage de cet homme, en toute circonstance, son masque restait greffé à son maître. Il recouvrait seulement la partie supérieure de sa tête, étrange moulage dont la couleur provenait des tréfonds de la nuit, ciselé d’or. L’homme semblait toutefois très beau et il inspirait un grand respect par son aura de confiance absolue, de charisme. Ses cheveux noirs étaient ramenés en arrière, tandis que quelques mèches glissaient sur le front du masque sombre. Un instant j’avais pu entrevoir la belle couleur verte de ses yeux, il venait de faire son entrée au sein du bal, performant un saut de haute voltige depuis l’étage, son atterrissage gracieux m’avait laissée stupéfaite. Au moment de relever la tête, son regard croisait le mien, dans une sublime seconde qui m’avait troublée. Il rejetait sa cape ébène en arrière pour satisfaire la foule de son sourire triomphant, me tournant le dos.

Je dansais avec ivresse sur des valses magnifiques, sans pouvoir oublier le masque de cet inconnu. À la dérobée, je tentais de voir où se trouvait le sujet de ma curiosité, il se tenait en compagnie de dames. L’une d’entre elle glissait sa main gantée sur son masque noirement doré, il arrêtait ce mouvement déplacé bien vite, visiblement agacé sans cesser de sourire malgré cela. Là encore je surprenais ses yeux tournés vers moi, je ne comprenais pas ce que ce manège signifiait, notre jeu de regards implicite. Mon cœur battait très fort, je voulais en apprendre plus sur lui, découvrir les profondeurs de son être.

La chaleur m’envahissait, je tentais de me poster en retrait de cette grande réception, pour échapper aux obligations de mon carnet de bal encore bien trop rempli. Malheureusement, je devinais que le prochain prétendant me cherchait, l’envie de lui échapper était trop forte. Relevant légèrement les plis de ma robe, je me pressais vers un couloir dérobé, dissimulé derrière un rideau de velours bleu nuit.

Le son régulier de mes petits talons sur le sol rendait un écho dans ce long couloir vaste et vide. Je pénétrais dans une chambre inoccupée dans l’espoir de prendre un peu de repos. Cette pièce plongée dans la lumière du clair de lune possédait un balcon, la porte vitrée n’était pas fermée à clef. Je rabattais doucement le grand rideau transparent avant de pouvoir me rendre dehors. L’air glacé de la nuit me faisait grand bien, je profitais de ce moment de répit avec gratitude.

Un bruit familier me tirait de ma rêverie, des pas. Quelqu’un approchait ici ! Je me cachais difficilement derrière l’une des armoires en bois de la chambre, le souffle court. La porte s’ouvrait, l’intrus la refermait sitôt entré, désireux de s’isoler certainement. Devais-je signifier ma présence ? Un bruissement de tissus m’indiquait qu’il venait de s’asseoir sur le lit. Je jetais un coup d’œil pour voir le masque, le visage enfoui dans ses mains. M’avait-il suivi jusqu’à cette chambre isolée ? Il poussait un profond soupir, je ne pouvais pas lui indiquer que j’étais ici, il avait visiblement besoin de rester seul.

Il se levait alors, attiré par la porte vitrée laissée ouverte par ma maladresse ! Malgré mes efforts pour rester cachée, il m’avait vu une fois passé devant l’armoire, face au balcon. Son masque perlé d’or avançait vers moi, impassible, mais ses yeux verts brillaient merveilleusement, il m’envoûtait.

– Dansez avec moi, m’invitait ce masque de mystère, alors que son corps se rapprochait du mien, dans une valse douce.

Il me contemplait sans détour cette fois, nos deux êtres s’étaient rejoint dans cette chambre obscure, je voulais comprendre qui était ce prince de la nuit, mais les mots ne suffisaient pas. Son regard était avide, animé d’une lueur de passion qui me guidait dans cette danse tourbillonnante. Je pouvais entendre la musique de son cœur dans sa poitrine, son visage caché s’approchait du mien sans que je ne veuille l’en empêcher. Ces sentiments étranges jaillissaient alors que nos bouches se mêlaient dans un baiser ardent.

Ma main effleurait ce masque secret, je l’arrachais soudainement ! Il me poussait violemment loin de lui, pour cacher son visage découvert de ses mains, me tournant le dos. Je caressais tendrement son dos voûté, pour me retrouver devant lui. Il me montrait son visage brûlé, où de terribles scarifications avaient creusé la peau jadis, comme il avait dû souffrir. Je l’aimais tellement déjà que je succombais à lui, mon cœur l’acceptait malgré son secret, au-delà du masque et des blessures du passé. J’offrais mon amour inconditionnel à cet homme masqué, je garderais son secret jusqu’à la fin de mes jours.

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