Au bord des lèvres du mal

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Les portes de l’enfer que j’ouvrais enfin, celle du théâtre mort depuis toujours, là où la lumière succombe aux ténèbres et que mon âme avait éclos pour crier son chant décadent. Soulevant mes jupons, je m’élançais depuis les loges vers la scène, désireuse de m’abandonner au spectacle du mal.

Je m’envolais si haut vers les planches usées, alors mon corps frémissait de plaisir. Mon chant enflait depuis ma gorge, mes yeux se fermaient. Je ne voulais plus rien laisser exister, enrôlait même les fantômes dans ma danse infernale. La folie régnait, luttant ardemment dans ce monde d’oubli et de flammes impossibles de la passion, qui enchaînaient le sang dégoulinant de mon cœur noirci par l’ombre.

Les lampes de la scène s’embrasaient violemment, le théâtre entier reprenait ses couleurs chatoyantes avec véhémence, l’enfer se dressait pour éprouver les sensations de mon inéluctable chaos. J’hurlais mon désir si fort, le suppliant de venir à moi encore une fois.

Maître de cet abysse abandonné à l’art en feu, je pouvais ressentir sa présence tout autour de moi, sa voix se mêlant avec la mienne, le feu de notre amour dominant le sang versé sur cette maudite scène. L’effroyable faisait ployer la justice, ici ou bien nulle part, vivant ou mort, ici tout s’offrait à cette fièvre effrénée de notre pièce. Ne pas pouvoir craindre le danger qui guettait si près de ma peau brûlée de ses baisers, je céderais à son étreinte, tant je la cherchais en moi-même.

Ma course endiablée se poursuivait dans ce théâtre magnifié par son emprise, mon souffle sifflait dans mes oreilles chaud et court, où pouvais-je le trouver ? J’invoquais son nom, il résonnait en tout lieu par ma volonté et son bonheur, il se glissait dans mon cœur pour toujours. Derrière les rideaux sanglants, au détour d’un miroir, dans les flammes des bougies, son ombre m’échappait, il adorait mon besoin de le retrouver ici. Le mal ouvrait ce monde de la nuit, exalté par ma présence funeste, le péché de ce chant qui ne servait que lui.

L’épuisement m’attirait dans les profondeurs du sommeil, de l’encens qui parfumait l’air, s’amusait à embrumer mon esprit trop faible. La scène me servait de berceau, au loin je pouvais entendre sa mélodie, rythmée par ses pas légers, il arrivait.

Sublime être de malheur, comme je ne pouvais cesser de t’aimer. Je chantais pour toi. Ses lèvres déposaient un baiser sur ma bouche, mes bras se noyaient pour lui. Mon âme mourrait à ses côtés, terrassée par le mal, offerte en pâture à l’enfer. Il tendait sa main pour me relever, ma robe de feu s’était transformée en neige, un voile recouvrait mon visage. Le maître libéra mon regard de cette brume de dentelles, l’amour diabolique suffoquait de nos baisers dépouillés de toute forme de vie.

Les acclamations du public fantomatique, entouré des flammes qui affluaient de partout, la morsure du métal froid de la bague qu’il passait à mon annulaire gauche, céder son corps aux excès, dans un mariage abominable, point culminant de notre tragédie amoureuse, où nos voix hurlaient encore pour toujours et à jamais.

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