Je rêve d’un petit garçon. Il est seul, fixant un ciel gris, la pluie s’abat sur son corps si fragile. Ses grands yeux fatigués sont bleus, ses cheveux sont gris malgré son jeune âge, ses lèvres transis de froid ne sourient pas. Il ne regarde pas le ciel, il m’observe le regarder avec peine, pourquoi mon cœur saigne-t-il si fort quand je pense à cet enfant, je ne le connais pas. Je ne peux pas rester ici, je veux quitter cet endroit, mais j’oublie ce que je suis et le chemin du retour.

L’enfant me souris alors doucement, il comprend ce que je ressens et je fais de même, nous sommes la même chose après tout. Je le sens m’enlacer fermement tandis que nous chutons ensemble dans les ténèbres. Le ciel gris s’éloigne et la pluie peine à nous atteindre. Je me retourne, les mains apposées sur le torse d’un jeune homme aux cheveux argentés. Un grand soulagement m’envahit alors qu’il m’attire tout contre lui, son cœur bat encore ou bien est-ce le mien, je ne sais plus.

Je sais que je le connais depuis toujours, je pleure pour lui, mes larmes tombent dans ses yeux pour relier notre tristesse partagée. Nous allons dans notre jardin secret, l’impatience de l’éternité me gagne avec un profond sentiment de nostalgie, et de regret. Il me serre encore plus, murmurant mon nom, me promettant de ne pas oublier cette fois. Ma conscience connaît déjà la fin de notre promesse, je ne te ferais jamais autant confiance même pas à moi-même, nous oublierons ce soir.

Mille couleurs dansent devant mes yeux clos, je n’ai jamais eu la chance de voir à quoi l’obscurité réelle ressemble, je dois avancer au plus loin de mes pensées, atteindre la destination, il m’attend. Ma chute solitaire se poursuit, il n’avait pas pu attendre de me revoir, mais l’illusion s’était dissipée bien vite, j’arrive, rattrape-moi.

Ce long vertige me fait tomber dans un champ de fleurs blanches, il tend les bras pour me recevoir. Les pétales éclatants sont propulsés dans les airs par notre atterrissage, c’est magnifique. Il m’embrasse pour me souhaiter bon retour.

Bientôt, nous allons oublier, le souvenir de l’être aimé disparaît au réveil, nous n’avons le droit de partager notre amour qu’une nuit par année. Les souvenirs refont surface pour nous inviter à nous retrouver à nouveau, avec la bénédiction du champ de fleurs blanches.

Je sens que je vais me réveiller, mon amour, laisse-toi aller, nous nous retrouverons l’année prochaine, je t’aime.

Les deux amants immergent du sommeil, le rêve a déjà quitté leurs esprits. Le jeune homme se rend à son lieu de travail, une bibliothèque, où une cliente régulière vient se prendre un nouveau recueil qui parle des rêves. Il se demande s’il aura la chance de lui avouer son amour un jour, et elle ne cesse de vouloir rêver de lui. Malheureusement, il faudra attendre encore un an.